L’information est la partie la plus importante du patrimoine des administrations modernes. Confinée dans la plupart des cas dans des documents, elle est devenue un actif d’une valeur inestimable. Cependant, force est de constater que l’accès rapide à une information pertinente, structurée et sécurisée relève de la gageure dans nos administrations compte tenu des difficultés rencontrées dans la gestion documentaire, depuis l’élaboration des documents jusqu’à leur archivage en passant par leur traitement et leur stockage temporaire (archives vivantes).
Les archives constituent la mémoire et la conscience de toute administration et partant, de la société de l’information. Parce qu’elles constituent la preuve des activités et du travail des hommes, les archives justifient les droits des individus et des Etats, régentent les devoirs des uns et des autres et sont essentielles à l’exercice de la démocratie, à la bonne gouvernance et à la qualité des services rendus par l’administration publique aux citoyens et autres usagers.
CONSTAT
Les institutions nationales d’archives ou archives nationales ont pour mission de gérer et de préserver les documents produits par l’Administration durant toute son existence et au niveau de toutes ses composantes. Gardiennes du patrimoine archivistique public de chaque pays, elles ont également pour tâche d’orienter les organismes publics en ce qui concerne la gestion et la destruction des documents. Il incombe aux archivistes d’une nation d’identifier les archives (manuscrits personnels, documents administratifs et juridiques, documents relatifs aux différents aspects de la société, documents des institutions, etc.), de les conserver et d’en garantir la facilité d’accès aux gouvernements, aux organismes, aux institutions, aux entreprises et aux citoyens.
L’équation de la gestion des archives se pose avec acuité aux administrations modernes. Leurs services des archives, quand ils existent, croulent sous le poids, en croissance exponentielle de celles-ci (les archives) qui sont de toutes sortes.
A cette immensité des stocks de papiers à entreposer et gérer, s’ajoute le manque de personnel qualifié, de bonnes conditions de conservation et surtout d’espace physique d’entreposage ; au moment où les stocks d’archives, de plus en plus importants, arrivent sans cesse. Les locaux sont inadéquats dans la plupart des cas et s’ils existent, sont mal équipés, non aménagés et saturés. Les demandes s’amoncellent et prennent de plus en plus d’importance et du côté des usagers, les réponses tardent à arriver ; la dispersion géographique rend difficile la coordination de la gestion des archives et pourtant, conserver, trier, classer, inventorier et communiquer les archives demeurent un impératif juridique, administratif et même économique.
LA NUMERISATION
Il est de notoriété publique que la loi impose d’archiver les documents dans des délais de conservation assez longs, d’autant plus qu’en droit civil comme administratif, la preuve écrite est de règle. Le choix de la gestion informatisée des archives relève donc beaucoup donc plus d’une nécessité que d’un luxe ou d’un phénomène de mode. En travaillant à numériser les archives, on contribue largement à la sauvegarde et à l’enrichissement de la mémoire de l’administration, et à l’amélioration du rendement des agents. Des études de spécialistes du Gartner Group ont montré qu’un cadre passait 300h par an à rechercher et classer des documents.
Ainsi, une politique de gestion moderne de l’information administrative basée sur un système de gestion de la documentation et de l’information à caractère, financier, scientifique, technique, administratif, juridique… doit être instaurée. Toutefois, il ne faudrait pas perdre de vue que la valeur des données stockées sera largement tributaire de la capacité des acteurs à y retrouver facilement ce dont ils ont besoin ; la finalité d’un système d’archivage n’étant pas seulement de stocker des données mais de pouvoir les restituer rapidement à chaque fois que de besoin.
Le concept de numérisation renvoie à tout procédé dont le but est de rendre utilisable par l’ordinateur, une information qui, initialement ne pouvait être lue par un système informatique. Dans le cas des documents contenus sur support papier, cette solution passe généralement par un scanner, et dans les autres cas, par des procédures plus appropriées. D’après une étude d’Ernest & Young, grâce à la gestion électronique documentaire:
une entreprise peut multiplier par trois sa capacité de traitement des dossiers
le temps consacré à la recherche des informations par les agents concernés est réduit de 50%
l’accès aux informations devient immédiat dans le cas de missions critiques (urgentes)
l’espace physique de stockage des documents peut être réduit de 80%
le système de gestion des documents devient sécurisé
Il est certes clair que la gestion informatisée des archives n’est en aucun cas synonyme de numérisation qui n’en est qu’une étape appelée aussi phase d’acquisition. Elle est suivie de la phase d’indexation qui s’appuie sur une organisation des sources de données puis celle de publication et enfin la recherche en texte intégral qui s’appuie sur les combinaisons booléennes pour être multicritère. Ainsi le vocable renvoie à un ensemble de fonctions d’acquisition, de traitement, d’archivage, de partage, de recherche, de consultation ou de diffusion de documents.
Il se pose alors la question des compétences nécessaires à la mise en place d’une véritable politique de gestion informatisée de l’information documentaire et de sa diffusion publique démocratisée (données ouvertes). Ce nouveau concept alliant techniques d’archivage et outils informatiques est connu sous le vocable de record management et définit un nouveau profil d’archivistes : des records managers. A concept nouveau, nouvelle compétence. Ce sont (les records managers) des archivistes documentalistes qui bénéficient d’une double compétence archivistique et informatique ; ils connaissent tous les aspects de l’expertise métier, et maîtrisent les technologies informatiques modernes.
L’OPENDATA OU DONNEES OUVERTES
Avec l’avènement du nouveau concept de société de l’information, l’accès à une information administrative, financière, législative juridique et réglementaire est primordiale pour les usagers de l’administration publique. Par conséquent, il doit être rendu possible, pour ne pas dire banalisé, à travers la mise en place de procédures et d’outils en adéquation avec les progrès technologiques et les exigences de l’heure.
Dans un pays où le niveau d’éveil des consciences ne cesse de monter et où les citoyens, de plus en plus exigeants, sont prompts à la contestation et à la revendication, une démarche volontariste, avant-gardiste et proactive s’impose pour promouvoir les initiatives e-citoyennes. Le numérique est assurément l’outil idéal pour permettre à l’Etat de faire face à cette demande sociale de type nouveau qu’est l’exigence d’une information fiable et accessible de partout et en temps réel. C’est le sens du nouveau concept d’opendata ou données ouvertes récemment apparu et qui renvoie à une information publique brute, librement et gratuitement accessible en temps réel et réutilisable à souhait.
L’Open Data permet de répondre à ce besoin de transparence mais aussi et surtout constitue une source d’innovation, un levier de « gouvernance sobre et transparente », terme cher à notre Président. La dynamique qui sera créée par la libération des données publiques et leur accès démocratisé engendrera des informations de type et de format nouveaux, de nouvelles connaissances et de nouveaux usages. Les opportunités en termes d’applications dérivées, de possibilités de publications web, de nouveaux services publics associant des données administratives, géographiques et cartographiques en temps réel, sont nombreuses et insoupçonnées.
Des informations de toutes sortes sont produites par notre administration, nos entreprises et établissements publics, tant au niveau central que décentralisé. Cette mine d’informations produites et régulièrement échangées par nos administrations au sens large, constituent un précieux gisement sans équivalent pour servir de socle à la création de produits ou services à valeur ajoutée, à la promotion de nouveaux usages et au support du développement d’une véritable économie numérique.
Toutefois, la mise à disposition des données publiques pose de nombreux problèmes juridiques, techniques et économiques qu’il faudra nécessairement examiner très profondément pour que les données soient effectivement partagées dans le strict respect des lois et règlements tendant à garantir la protection des droits des uns et des autres. Aussi faudra t-il travailler à faire progresser la connaissance et à remettre en cause les certitudes ou les habitudes qui s’accordent mal avec un monde en perpétuelle et rapide évolution technologique.
L’enjeu est aussi économique car selon la Commission européenne, « le potentiel des activités liées à la réutilisation et à la valorisation des données publiques en Europe se chiffrerait autour de 27 milliards d’euros. Les axes de développement en sont multiples : innovation et développement de l’économie numérique, innovation sociétale, citoyenne et démocratique. Le défi est de taille ».
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