vendredi , 29 mars 2024
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RELATION RECHERCHE-ENTREPRISE

RELATION RECHERCHE-ENTREPRISE

La recherche et les entreprises sont deux mondes qui doivent communiquer pour des raisons évidentes de santé économique, de compétition internationale, de dynamique sociale.Capture d’écran 2019-06-30 à 12.54.17 AM

L’innovation dans l’entreprise et, partant, la valorisation de la recherche, jouent et joueront des rôles de plus déterminants en un temps où la mondialisation de l’économie et les politiques de rigueur n’épargnent aucun Etat.

Ces deux mondes éprouvent beaucoup de peine à communiquer, même si depuis quelques années, le monde de la recherche s’est sensiblement ouvert à la vie économique et sociale.

Les obstacles à la communication et à la connaissance réciproque sont de deux ordres.

Les obstacles d’origine culturelle

Les différences entre chercheurs et entrepreneurs tiennent aux mentalités ( par exemple : culte de la liberté pour les uns, de l’efficacité pour les autres), au langage et aux motivations (satisfaction personnelle ou reconnaissance internationale pour les uns, rentabilité ou rémunération pour les autres, attrait de l’inconnu pour le chercheur, goût du risque pour l’entrepreneur, etc…).

Les différences de formations sont, sans doute, aussi un facteur-clé. Par le passé, les entrepreneurs, quand ils n’étaient pas autodidactes, sortaient en général des écoles d’ingénieurs, les chercheurs, quant à eux, provenaient de l’université. Mais ces différences tentent aujourd’hui à s’atténuer. Cependant, la rigidité des filières et l’imperméabilité des cursus sont encore trop fréquentes. La gestion du temps et les attitudes face au temps semblent encore très archaïques : manque de temps pour s’informer, mauvaise gestion de l’information scientifique et technique dans l’entreprise, manque de prospective.

  Les obstacles à caractère financier

Les difficultés financières des entreprises (faibles taux de profit, faible taux d’investissement) contribuent à retarder indéfiniment deux nécessités grandissantes :

  • celle d’un effort substantiel de Recherche / Développement qui est traditionnellement très limité.

  • celle de recrutement d’ingénieurs dans les PMI-PME d’où ils sont le plus souvent absents.

L’insuffisance de la recherche industrielle conduit à une intervention beaucoup trop importante de l’Etat dans le financement de la recherche appliquée. C’est parce qu’elle dépend des budgets publics qu’elle est sujette aux coups d’accordéon de la gestion étatique. Enfin, la rémunération des chercheurs dans le secteur public est encore trop marquée au coin de l’égalité ou de l’ancienneté. La question se pose de la modulation des salaires en fonction des résultats : question évidemment indissociable de celle d’une mesure équitable des résultats de la recherche.

  Les médiations et interfaces

Des modes de réponse à ces obstacles se sont petit à petit fait jour. Nous les qualifierons de médiations car ils consistent dans des moyens termes plus ou moins adaptés à inaugurer ou à renforcer les relations entre la Recherche et l’Entreprise. Ces médiations nous ont semblé pouvoir se grouper sous trois grandes rubriques.

  • Les médiations ‘’naturelles‘’

  • Les Organisations professionnelles telles que les Centres Techniques ou de Recherche des différentes branches.

  • Les banques. On peut se demander si ces dernières ont toujours eu le comportement qui devrait être le leur, à savoir celui d’un entrepreneur à la recherche, conjointement, du profit et de l’unité sociale, fût-ce au prix de quelques risques. Les propos de certains chefs d’entreprise laissent penser que jusqu’à une date récente, les banques se sont plutôt comportées comme des administrations dispensatrices de crédit. Mais l’apparition de filiales spécialisées dans le capital-risque, avec à leurs commandes de jeunes banquiers ouverts et dynamiques, peut faire reprendre espoir.

  • Les médiations volontaristes

Universités, Centres de Recherche : on admet que le monde de l’Enseignement et de la Recherche s’est considérablement ouvert à la vie socio-économique ces dernières années. Un des plus sûrs indices de cette ouverture réside dans la multiplication des contrats passés avec des industriels sur des projets de recherche.

Certains organismes ont créé des postes à plein temps de chargé des Relations industrielles. On peut encore citer, au titre de médiation volontariste, les regroupements associatifs provoqués en général par les entreprises ou leurs responsables et des collectivités.

  • Des médiations plus proches de l’entreprise

En France, un certain nombre de formes nouvelles de médiations entre la recherche et l’entreprise se développent : on citera pêle-mêle les sociétés de veille technologique (DAUPHI PART), les conseillers en propriété industrielle, les sociétés de conversion des grands groupes (TECHNOVA). Ces structures, d’origine très récente, semblent tout à fait d’avenir en ce qu’elles privilégient la relation directe recherche-entreprise et se contentent d’apporter capitaux et conseil juridique.

  Une réalité moins opulente que les discours

Les diverses médiations évoquées, quelles que soient leurs éminentes qualités, ne doivent pas nous dispenser d’une critique de la médiation. Il nous semble que tous les grands mots du temps présent tels que synergie, fertilisation croisée, etc… masquent, trop souvent, une réalité moins opulente que les discours. Beaucoup de gens, désormais, s’occupent de faciliter les relations Recherche-Entreprise. Il apparaît que ces experts du transfert de technologie se partagent grosso modo en deux clans :

  • Ceux qui pensent que la Recherche doit aller au-devant de l’Entreprise et, en quelque sorte, lui offrir ses services.

  • Ceux qui pensent que l’Entreprise doit savoir localiser et utiliser les compétences de même qu’elle sait localiser la demande et y répondre.

Il est à craindre que le débat ne s’éternise entre ces deux tendances qui nous semblent mériter le nom d’idéologies. En effet, dans les deux cas, il y a décalage entre la théorie et la pratique des relations Recherche-Entreprise.

Conclusion

Quelle solution préconiser alors, pour combler le fossé qui persiste entre Recherche Publique et Entreprise? Des modes de collaboration tels qu’ils existent aux Etats-Unis à travers les programmes affiliés semblent riches de promesses. Certes, des rencontres entre les deux milieux où l’on présente des transferts qui ont abouti peuvent être d’un certain intérêt. Mais l’attrait des religions révélées n’est pas inépuisable. Nous croyons bien davantage à la relation directe. Si un gros travail reste à faire, il n’est pas, selon nous, de nature spéculative. L’action devra avoir pour but, à l’avenir, de faite se rencontrer et travailler ensemble deux mondes qui souffrent davantage de méconnaissance réciproque que d’incompatibilité d’humeur ou d’intérêts.

(*) Docteur MOHAMED HAMDI, éminent spécialiste dans le domaine des TICs et Enseignant à l’Ecole Supérieure des Communications à Tunis

(*) Professeur Daoud Abdelaziz est un expert de l’ONUDI

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