mercredi , 16 octobre 2024

Recommandations techniques du livre blanc sur la e-santé au Maroc

Des solutions technologiques pour la santé de demain

Par Dr Saad CHAACHO (*)

 Le système sanitaire marocain a connu une évolution évidente durant les deux dernières décennies, mais son renforcement et sa modernisation sont plus que jamais nécessaires pour accompagner la généralisation de la couverture médicale de base, émanant de la volonté Royale dans le cadre de la Haute Sollicitude dont Sa Majesté entoure l’ensemble de la population du Royaume. Cet objectif, au même titre que les orientations du Nouveau Modèle de Développement, requiert la digitalisation globale du secteur de la santé pour tirer profit des avancées technologiques ainsi que la refonte en profondeur de l’offre de soins, de la gouvernance, des métiers de la santé et des rapports avec le patient, le tout en parfaite synergie entre les deux secteurs public et privé.

Réalisé par une équipe multidisciplinaire d’experts et de collaborateurs du Centre d’Innovation en e-santé sous la direction du Pr Anass DOUKKALI, ancien Ministre de la Santé, le livre blanc sur la e-santé au Maroc dresse un état des lieux précis de la situation de la santé digitale de notre pays, tout en émettant de nombreuses recommandations basées sur les bonnes pratiques en la matière, le benchmarking à l’international, la conjoncture actuelle, les attentes des décideurs et des organismes ainsi que les atouts technologiques de notre pays, qui aspire à devenir un acteur majeur du numérique au niveau continental.

Ainsi, les auteurs de ce document de référence préconisent plusieurs points sur l’axe technologique, susceptibles de doper sensiblement la e-santé au Maroc :

  • Le déploiement d’un système d’information sanitaire global, interfacé et interopérable, couvrant l’ensemble des établissements de santé du pays, sans aucune distinction : ce système d’information, véritable outil de recueil de la donnée à la source et agrégateur transversal de l’information sanitaire, est un prérequis au pilotage médico-économique des stratégies de santé, à l’évaluation des actions menées et des investissements ainsi qu’à la production d’indicateurs sanitaires tangibles ;

  • La mise en place d’un dossier médical partagé national : ce dispositif en ligne, sécurisé et accessible, permettra à l’ensemble des acteurs de soins de partager les informations de leurs patients dans le cadre d’une prise en charge globale assurant la continuité des soins. En dehors de son apport médical évident, le DMP représente une excellente source de données pour l’informatique décisionnelle, permettant non seulement des analyses statistiques et épidémiologiques poussées, mais également d’améliorer les connaissances et favoriser la recherche scientifique par le biais d’outils innovants tels que l’exploration de données (Data Mining), le Big Data et l’intelligence artificielle ;

  • Encourager le développement de solutions technologiques nationales pour réduire la dépendance envers les produits étrangers et pérenniser la viabilité des entreprises locales spécialisées : ceci est d’autant vrai que les solutions développées à l’international ne sont pas forcément adaptées aux spécificités locales, nécessitant souvent des adaptations profondes voire des refontes structurelles ;

  • Proposer un label pour les solutions respectant les standards internationaux d’interopérabilité en informatique médicale (HL7, DICOM…etc.) et les normes nationales : ce label permettra aux professionnels de la santé de reconnaître les solutions de qualité et d’éviter la profusion des produits peu fiables sur le marché, qui posent aujourd’hui de sérieux problèmes d’intégrité des données, de sécurité, d’intégration, de pérennité ou d’interfaçage ;

  • Adoption à grande échelle de la télémédecine : depuis son officialisation au Maroc, la télémédecine est désormais une activité réglementée et bien encadrée, qui permet une réponse adéquate aux problématiques des déserts médicaux et des zones enclavées. Il est judicieux d’encourager son adoption par une majorité de professionnels et d’établissements de santé, et de tirer profit de toutes les possibilités offertes par cette pratique dont la téléconsultation, la téléexpertise ou encore la téléassistance. Là encore, le développement de solutions nationales adaptées demeure primordial pour l’essor de cette discipline ;

  • Favoriser l’IoT et la santé connectée : plus que jamais, le patient est devenu un acteur à part entière de sa propre prise en charge, notamment en cas de pathologie chronique. L’internet des objets, qui peut profiter de l’excellente couverture télécom nationale, représente une piste sérieuse pour développer la santé connectée et de facto de nouvelles pratiques médicales comme la médecine personnalisée ou l’hospitalisation à domicile ;

  • Faciliter l’interopérabilité inter-systèmes et inter-acteurs : la profusion de systèmes informatiques dans le domaine de la santé ne doit pas engendrer une situation de cloisonnement des flux de données, bien au contraire. Il est donc impératif d’imposer des normes d’interopérabilité, mais également d’assurer la mise en place et la tenue de référentiels, tout en veillant à leur enrichissement, leurs mises à jour et à leur standardisation ;

  • Promouvoir les systèmes open source : les logiciels libres représentent une excellence alternative aux systèmes commerciaux payants, dont le prix peut devenir rapidement prohibitif pour des structures de taille conséquente. Le Maroc possède aujourd’hui toutes les compétences pour proposer des solutions nationales libres et adaptées à ses propres besoins, tout en promouvant l’essor de nouveaux métiers basés sur les prestations de services informatiques dédiés au domaine de la santé.

(*) : Dr Saad CHAACHO est Expert e-santé, informatique médicale et télémédecine à l’Université Mohammed VI des Sciences de la Santé de Casablanca (UM6SS)

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