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Nobel : Comment atteindre l’excellence académique ?

Nobel : Comment atteindre l’excellence académique ?

Depuis 1901 jusqu’à 2017, le prix Nobel a été attribué 567 fois à 889 lauréats. Les prix Nobel sont attribués dans six

Par Pr. Daoud Abdelaziz Expert UNIDO

Par Pr. Daoud Abdelaziz
Expert UNIDO

domaines : physique, chimie, médecine, paix, littérature et économie. Actuellement, les États-Unis dominent largement le classement par pays.

Le nombre de prix Nobel qu’obtient un pays reflète généralement le niveau scientifique de ses universités mais aussi la politique suivie en matière d’enseignement et de recherche. Le chimiste suédois Alfred Nobel, à l’origine de ce prix Nobel, a contribué lui-même dès le départ à la désignation des institutions qui seraient en mesure de choisir les lauréats aux différents prix. L’Académie royale des sciences de Suède choisit les prix de physique et de chimie. L’Institut Karolinska choisit le Nobel de médecine. L’Académie suédoise choisit le Nobel de littérature. Le Nobel de la paix est décerné par un comité spécial de cinq personnalités élues par le parlement norvégien. Quant au prix Nobel d’Economie, créé en 1968 par la banque de Suède, est attribué par l’Académie royale des sciences de Suède. Dans le domaine de l’économie, en octobre 2014, le Français Jean Tirole, président de la Toulouse School of Economics (TSE), était désigné prix Nobel d’économie pour ses travaux sur la régulation des marchés.  Jean Tirole est le deuxième économiste français récompensé, après Maurice Allais en 1988.

Avec la mondialisation de l’activité économique, les pays seront ceux qui disposeront d’un capital humain abondant et hautement qualifié. C’est le système d’éducation et de formation qui créée le capital. Jusqu’à la moitié du 20ème Siècle, l’Europe est demeurée la référence internationale en matière de compétence académique et technologique. Mais aujourd’hui la plupart des prix Nobels proviennent  des grandes universités américaines là ou tout est assuré pour un travail de recherche scientifique bien fondé.

Comment comparer les universités américaines et européennes ?

Le critère du prix Nobel est considéré  le plus accepté par la communauté scientifique pour réaliser des comparaisons.

A partir d’informations disponibles sur le site internet et la fondation Nobel on a choisi deux disciplines pour représenter les différents modèles d’excellence académique : la physique, liée à la technologie et l’économie liée aux sciences sociales.

Nous obtenons un total de 198 lauréats du prix Nobel de physique entre 1901 et 2017. Le prix de l’économie a été inauguré en 1968 et a été jusqu’à 2017 discerné à 79 lauréats.

Dans le domaine de la physique, les Etats-Unis prennent le pas sur l’Europe à partir de 1938. En économie entre 1969 et 1984, l’Europe se taille une place respectable avec 41% des prix. Sa part touche à 24 % durant la période la plus récente alors que les Etats Unis s’octroient 76 % de récompenses.

Les raisons du déclin

Pourquoi existe-t-il des différences entre l’Europe et les Etats Unis en termes d’excellence académique ?

D’abord les Etats Unis sont plus riches que l’Europe et sont capables de dédier plus de ressources à l’éducation mais on constate cependant que le pourcentage du produit intérieur brut (PIB) dédié à l’éducation ne varie pas vraiment entre l’Europe et les Etats Unis.

En fait, le Danemark, la Finlande et la Suède consacrent une part plus importante de leurs ressources naturelles à l’éducation que les Etats-Unis. L’explication doit donc être recherchée ailleurs.

Voyons les fonds consacrés à l’éducation dans les 2 continents? Les fonds dont dispose l’éducation proviennent principalement de 2 sources : l’Etat, c’est-à-dire les contribuables et les apports privés sous forme de frais de scolarité ou de dons.

En Europe, la part des contributions privées est très modeste pour la majorité des pays et ne dépasse jamais 28%.

Ce chiffre dépasse 50% pour les Etats Unis. Cette part importante des contributions privées a des conséquences considérables en termes de responsabilisation financière, de compétition, d’amélioration de l’enseignement et de la recherche.

Ce mode de fonctionnement aux Etats Unis a d’importantes répercussions sur la possibilité de récompenser la performance et de déclarer ceux dont l’enseignement laisse à désirer. Les statistiques relatives à la recherche, le développement et la technologie (RDT) reflètent l’avancée technologique d’un pays et sont par conséquent utilisés comme des indicateurs du dynamisme scientifique d’une nation.

Adam Smith a été le premier à constater que la qualité de l’enseignement dispensé à OXFORD déclinait. Il proposa alors de modifier le système de rémunération des professeurs de sorte que leur salaire ne sera plus garanti. Les frais d’enseignement seraient collectés à l’entrée de la salle de cours. Par conséquent, les professeurs les plus demandés seraient les mieux rémunérés. Ce qui créerait une motivation pour améliorer la qualité de l’enseignement. La situation n’est pas très différente aujourd’hui. Les universités européennes, les titularisations académiques sont encore de règle, alors que ce principe se perd aux Etats Unis.

En Europe, un étudiant n’a quasiment pas la possibilité de choisir son université alors que le choix est plus large aux Etats-Unis. Les vrais décideurs sont les familles et les étudiants. Notons au passage que les ingénieurs polytechniciens français Prix Nobel d’économie MM. Maurice Allais (en 1988) et Jean Tirole (2014) ont été contraints d’aller suivre leur parcours de chercheurs en économie aux Etats-Unis car les universités françaises en économie ne leurs offraient pas les conditions et surtout en tant qu’ingénieurs ! Enfin signalons que le Prix Nobel 1979 de physique et fondateur du centre de Trieste en Italie le pakistanais M. Abdu-salam qui a contribué par ses travaux à unifier l’électromagnétisme et les forces nucléaires fiables est né dans un village où il n’y avait pas d’électricité ! Donc si M. Abdu-salam n’avait pas émigré en Europe pour suivre ses études il n’aurait jamais eu de chance pour avoir ce prix Nobel !

 Les oubliés du prix Nobel et le succès relatif du principe du prix Nobel :  

-le russe Mendelev (1834-1907), inventeur du tableau périodique des éléments chimiques, l’américain Avery découvreur du rôle de l’ADN dans l’hérédité, le chimiste français Berthot (1807-1907) qui réussit la synthèse de plusieurs substances organiques…tous ont été proposés pour le prix mais ils ne l’ont eu.

-En 1923, le britannique John Mac Leod reçut le prix Nobel de médecine pour ses travaux sur l’insuline. Le comble c’est qu’on s’est aperçu par la suite que Mac Leod  n’a jamais participé aux travaux scientifiques sur l’insuline.

-Sigmund Freud peut être considéré comme le plus célèbre et le plus éminent des scientifiques qui n’a pas reçu le prix Nobel.

Pourtant Freud a été proposé pour le prix à plusieurs reprises (de 1915 à 1938). Peut-être le fait que la psychanalyse, comme un instrument de compréhension et de traitement des maladies mentales n’a pas été associée à la médecine qui était fondée sur les sciences naturelles exactes. Charles de Gaulle est aussi passé à côté du prix Nobel de littérature. En 1963, sur les 80 personnes citées pour le Nobel de littérature, 22 étaient de nouveaux candidats, comme Charles de Gaulle, auteur à cette date de plusieurs ouvrages dont ses Mémoires de guerre alors qu’en 1953, Winston Churchill, alors Premier ministre britannique, avait reçu le Nobel de littérature !

Aux pays du Maghreb, l’éducation doit mettre en place des motivations à l’excellence académique. Une réflexion approfondie doit prôner l’acquisition des nouvelles connaissances et inciter à considérer les investissements en formation. Il serait souhaitable :

-d’instaurer une tradition, à l’instar des pays développés, qui consisterait à récompenser les compétences universitaires en leur attribuant suite à leurs retraites, le titre de professeurs émérites et ce conformément a une sélection objective tenant compte surtout de leurs travaux scientifiques (publications, encadrement de thèses…)

-de créer des Académies des Sciences composées d’illustres hommes de sciences maghrébins résidant dans les pays et à l’étranger et des professeurs émérites  élus par leurs pairs. Cette institution, phare du savoir pourrait contribuer d’une manière permanente à la réflexion sur l’éducation et l’enseignement et les nouveaux programmes appropriés, ainsi qu’à l’analyse et à la proposition des créneaux stratégiques susceptibles de servir le développement technologique de nos pays maghrébins.

Il serait enfin judicieux de penser à l’expérience des anciens cadres retraités (polytechniciens, centraliens, doyens, directeurs d’organismes d’enseignement supérieur) et de faire appel à eux dans l’étude de certains dossiers techniques jugés d’intérêt national suprême dans chaque pays du Maghreb. En organisant la société scientifique, on pourrait espérer préparer la voie de l’excellence académique.

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