mercredi , 11 décembre 2024

L’interview de l’expert en métavers Guillaume à Digitevent (*)

1-Qu’est-ce que réellement le métavers dans ce cas ?

Le concept même du métavers se base sur une décentralisation des serveurs. C’est-à-dire que chaque univers appartient directement aux utilisateurs …. Le métavers dont parlent les médias aujourd’hui ne respectent pas cela, ce sont des grosses entreprises du type Facebook (Méta) qui synchronisent ses serveurs et prennent le contrôle des univers en question.
Comme la dit Thomas Husson, analyste chez Forrester Research, dans une publication LinkedIn : “La moindre expérience de réalité virtuelle ou de gaming est rebaptisée « métavers » mais cela n’est pas fondamentalement nouveau. Évidemment, on va vers un Internet plus immersif, plus virtuel où on pourra partager des expériences (et non plus simplement du contenu) en temps réel et auprès d’une communauté d’utilisateurs, mais est-ce que cela mérite pour autant le nom de « métavers » ? C’est une transition qui va se faire non pas sur 2022 mais sur une dizaine d’années.”

2-Le métavers, comment fonctionne-t-il au niveau technique ? Tout le monde peut-il y accéder ?

Le métavers, pour exister, a seulement besoin d’une connexion internet, de serveurs, et d’un PC. Pour que l’expérience soit réellement représentative de l’objectif du métavers, à savoir accéder à un monde numérique interconnecté, immersif et permanent à 360°, il est évident qu’un casque réalité virtuelle (VR) ou réalité augmentée (VA) est conseillé. Donc pour répondre à la question, oui, tout le monde peut y accéder mais tout le monde ne possède pas les bons outils et n’ont pas la possibilité financière de les acheter ni la connaissance pour les utiliser. Le concept a encore besoin de nouvelles avancées et recherches technologiques, aujourd’hui il est beaucoup trop tôt pour simplement taper sur google “accéder à un événement métavers” et s’implanter directement dans un nouvel univers.

3-Si tout le monde peut y accéder justement, existe- t-il des dangers, des risques ? Y’a-t-il une législation autour du concept du métavers ?

Effectivement, aujourd’hui avec le métavers que nous connaissons actuellement, je vois deux dangers majeurs. Premièrement, l’accès et le contrôle des données utilisateurs. Le métavers est un écosystème qui est de nos jours contrôlé (et non créé !) par des grands groupes internationaux qui en profitent pour récolter des données et les revendre. Il faut savoir que la culture internet est très différente de la vraie vie, les enjeux ne sont pas les mêmes.
Le deuxième danger est l’anonymat et le non contrôle d’identité. Actuellement, un jeune de 16 ans passionné de tech peut facilement entrer dans un univers et se créer une toute nouvelle identité grâce à son “jumeau numérique”. Au final, les dangers sont globalement les mêmes que sur internet ou les réseaux sociaux, mais sont amplifiés car il n’y aucune législation à l’heure actuelle autour de l’utilisation du métavers. C’est un sujet qui fait débat dans le monde la tech mais personne n’a réellement de réponse.
Le métavers est un univers hors de notre univers, il permet des libertés et des possibilités que le monde physique ne permet pas, on est clairement dans du fantastique. Imaginez entrer en 3D dans l’univers d’Avatar. C’est aussi une échappatoire à la vraie vie, et comme dans tout, il doit être contrôlé par une législation extérieure afin de ne pas tomber dans des excès.

4-Parlons maintenant événementiel. Comment le secteur peut-il tirer profit des métavers ? Existe-t-il déjà des “métaverse événementiels” ?

En soit, le métavers est un lieu digitalisé, donc c’est un endroit comme un autre ou on peut organiser un événement. Je dirais qu’une grande partie des événements aujourd’hui entièrement digitaux (réunion, conférence, webinaire..) pourraient se faire dans le métavers. L’expérience y est décuplée. Nous avons aussi assisté à l’émergence de nouveaux formats dans le métavers comme des défilés de mode, des expositions culturelles ou des concerts, les possibilités sont infinies. La crise sanitaire a clairement poussé le concept et certaines entreprises en profitent pour leur stratégie marketing car c’est un canal de communication supplémentaire.
Cependant, le grand public n’est pas encore prêt à accueillir pleinement cette technologie dans leur quotidien, il faut du temps. Et soyons clairs, certains événements ne pourront jamais se faire dans le métavers, comme le salon de l’agriculture par exemple. Certaines industries doivent rester dans le présentiel car leur produit / service est concret et palpable. Je pense que l’humain, malgré toutes les technologies futuristes, aura toujours besoin de toucher, communiquer en réel, et se sentir pleinement “vivant”.
Actuellement, il n’existe pas de métavers événementiels à proprement parler car cela supposerait qu’une entreprise spécialisée dans l’événementiel aurait créé son propre métavers, et donc son propre univers. Ce n’est pas le cas. Les événements qui aujourd’hui ont lieu dans le métavers sont seulement des entreprises qui occupent des univers déjà existants. Comme le rappelle si justement Nicolas Rieul, Président IAB France « quand il y a un usage et des audiences importantes, les marques s’y intéressent ».

5-Pour réussir un événement dans la métavers, les règles sont-elles les mêmes que dans la réalité ?

Tout à fait ! Les règles sont les mêmes : vous avez besoin de vous faire connaître et d’avoir des participants. Sans participants ni notoriété, votre événement dans la métavers passera inaperçu. Le seul réel conseil que je peux vous donner est de simplifier l’accès de vos participants à l’univers dans lequel votre événement à lieu.
Car aujourd’hui, le no show est dû au manque d’informations et d’explications autour de la métavers. Peu de gens ont réellement compris ce que c’est. Beaucoup ne comprennent pas non plus l’intérêt et considèrent le métavers comme une tendance plutôt qu’un outil événementiel réellement utile et pertinent. L’ignorance entraîne la peur, alors rassurez et accompagnez vos participants car c’est une expérience unique qui vaut vraiment le coût.

6- Pour vous, le métavers est -il un concept durable ou c’est d’un effet de mode, où les grosses entreprises y trouvent leurs intérêts ?

Les deux. Je pense que le métavers comme on le connaît aujourd’hui (centralisé, difficile d’accès, sans législation, peu d’informations.) est un effet de mode certain qui va mourir prochainement. Mais le métavers que l’on connaîtra dans 10 ans environ, sera davantage amené à durer et à changer notre façon de consommer le digital si la technologie connaît une réelle avancée. Je pense que c’est aussi le nombre d’années que le public a besoin pour comprendre et considérer réellement le métavers.

7- On sait que le métavers consomme énormément d’énergie. Comment être cohére entre sa démarche RSE et l’utilisation des métavers ?

Le métavers est aussi lourd que n’importe quelle application internet. Encore une fois, je pense que les évolutions de ces prochaines années vont permettre de limiter l’impact écologique grâce à des technologies plus durables. Au niveau de l’éthique également, certains comportements sont aujourd’hui inacceptables dans la métavers, mais comme sur certains réseaux sociaux également. Les dérives sont partout.

(*) : Guillaume est un expert et développeur chez Digitevent en France. Entretien réalisé par notre collègue Elohan Cavé. 

 

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