mercredi , 16 octobre 2024

L’internet des objets

Par Meryem LAMKIMEL (*)

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Dans cet article, nous nous intéressons de très près à la nouvelle révolution de l’internet qualifié d’ « Internet des objets ». Nous vous donnerons dans cet article les résultats d’une enquête réalisée auprès de 220 étudiants Marocains sur l’état de la compréhension de l’Internet des objets auprès des étudiants. On abordera aussi les enjeux clés et les solutions de cohabitation entre l’IPv4 et l’IPv6 permettant la transition vers l’IPv6, ainsi que les nouvelles architectures destinées à répondre aux exigences de l’internet des objets. Nous terminons notre article par un exemple illustratif des améliorations que l’Internet des objets peut apporter à notre vie quotidienne.

Le protocole Internet dans sa version 4 « IPv4 » décrit dans le RFC 791 (Septembre 1981) a connu un succès important qui dépassait les prévisions optimistes faites à l’époque de sa conception en 1973, où l’objectif principal de l’internet était d’établir la communication de « bout-en-bout » entre deux nœuds en se basant sur les contraintes de la disponibilité de la bande passante et la connexion permanente au réseau, cependant, aujourd’hui, le protocole IPv4 est freiné par des limitations majeures telles que l’épuisement de l’espace d’adressage IPv4 public géré par l’Internet Assigned Number Authority (http://www.iana.org), lançant ainsi un défi intéressant lors de l’ajout de nouveaux objets et le développement de nouveaux services sur Internet. Sans adresses IP publiques, la capacité de l’Internet serait grandement réduite, à l’origine, l’internet devait servir à relier un nombre limité de machines, ensuite, de nombreuses catégories d’utilisateurs sont très vite venues s’y joindre, ainsi, il y a eu des changements fondamentaux dans la façon dont l’Internet est utilisé, tel que la prolifération des services à savoir : visualisation de pages web, échange de courriers électroniques, vidéo en streaming, transferts de fichiers, le web social et le partage de contenu numérique tel que les vidéos, les images et les document, cette croissance exponentielle a poussée les recherches vers des innovations considérables.

Source. www.theinstitute.ieee.org

D’ailleurs,  dès 1993, des mesures d’urgence avaient été prises telle que l’utilisation de la translation d’adresses (NAT/PAT), le virtual-hosting et l’utilisation de proxy, cela a permis de retarder l’échéance de quelques années, les ingénieurs et les chercheurs travaillant au sein de l’organisme de standardisation de l’internet ont tiré profit de ce délai pour concevoir une nouvelle version du protocole nommé IPv6 (RFC: 2460 publié le Décembre 1998), avec de nouvelles fonctionnalités et un espace d’adressage quasi-illimité.  Aujourd’hui, le défi majeur de l’internet est : de relier des milliards d’individus en temps réel et d’une manière fiable, mais aussi des milliards d’objets,  cette nouvelle révolution de l’internet nommé «L’internet des objets» présente une extension de l’internet sur le monde physique, où chaque objet connecté possède une identité propre et des capacités de calcul et de communication de plus en plus sophistiquées, tout en ayant des ressources limités surtout en termes de puissance, aussi, le trafic engendré par l’internet des objets sera plus compliqué à gérer et à acheminer surtout avec les exigences techniques et économique de cette nouvelle technologie, ainsi, la question principale est :  Quel sera l’Impact de l’internet des objets sur les protocoles internet ? Est ce que l’internet des objets seras l’occasion pour revoir et améliorer le protocole IP via la transition vers l’IPv6 pour répondre aux prévisions de 50 milliards équipements à l’horizon de 2020, selon une étude faite par le Internet Society « ISOC » et publié sur http://www.worldipv6launch.org? Ou c’est le moment pour fondamentalement réévaluer le but, la fonctionnalité et la fiabilité des réseaux existants et proposer de nouvelles architectures avec de nouveaux protocoles?image002

En effet, l’internet des objets est une transformation de l’internet où les objets sont capables d’observer le monde physique, cela introduit des enjeux liés principalement aux types de canaux de communications, les interfaces de connectivité, les moyens d’identifications ainsi que l’hétérogénéité des données, loin de uniquement observer, les objets doivent aussi être capable de comprendre et d’analyser les informations afin de pouvoir interagir les uns avec les autres, et de coopérer avec d’autres objets pour créer de nouvelles applications ou services, en d’autres termes, Philippe Gautier, co-auteur du livre « Internet des objets – Internet mais en mieux » définit l’Internet des objets comme l’émergence d’un monde physique digitalisé où les objets interagissent entre eux et génèrent des quantités de données exponentielles.

D’autre part, il est nécessaire de constater que le réseau cellulaire est devenu le premier point d’accès vers l’internet pour de nombreux appareils mobiles, cependant, ce réseau est basé sur une architecture d’adressage et de transport dérivé des technologies de commutation de circuits, qui s’est développé par la suite vers la commutation de paquets en se basant sur l’IPv4.

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D’ailleurs, selon une étude faite par Cisco, publié le 3 février 2016 « Global Mobile Data Traffic Forecast Update, 2015-2016 », le trafic Mondial des données mobiles a augmenté de 74% en 2015 par rapport à l’année 2014, alors que la capacité des réseaux mobiles a augmenté de 20% en 2015 par rapport à l’année 2014.

Ainsi, il s’avère que les prochaines années réservent d’autres défis pour les opérateurs et les fournisseurs de services surtout avec l’émergence de l’internet des objets, ce qui nécessite la conception et le dépoilement de nouvelles solutions, d’où le besoin de la transition vers le protocole IPv6 offrant de nouvelles fonctionnalités.

En effet, le protocole IPv6 apporte plus de liberté pour la gestion des adresses, et permet d’offrir plus de flexibilité en termes de gestion de trafic et de sécurité des échanges sur Internet, le protocole IPv6 offre un espace d’adressage presque infini avec une adresse IPv6 codée sur 128 bits face à 32 bits pour l’IPv4, aussi la simplification du format des messages constitue un apport majeur par rapport à l’IPv4 : un message, communément appelé paquet ou datagramme, est composé de 2 parties : l’entête et le contenu (les données utiles),dans sa version 4, l’entête du message a une taille fixe (20 octets mais la longueur variable des champs optionnels y ajoute du poids), alors que dans sa version 6, celle-ci a été scindée en deux parties: une fixe et une variable, par le biais de son entête variable, IPv6 offre un support étendu à toutes extensions ou options pouvant être nécessaires, en d’autre termes, pour ne pas avoir un entête trop long et trop lourd à traiter, une série de champs des messages IPv4 ont été mis en option dans des entêtes d’extension et c’est l’émetteur qui choisit quelles extensions à inclure dans le message, d’autre part, l’IPv6 se base sur l’optimisation des échanges des données avec des messages plus courts, ce qui permet un gain appréciable en bande passante, dans un réseau IPv6, l’émetteur n’utilise que les extensions qu’il estime utiles, ce qui donne un coût réduit de traitement au niveau des routeurs, en plus les entêtes d’extension ne sont pas examiné par les nœuds intermédiaires le long du chemin vers la destination offrant ainsi une meilleure gestion de la qualité du service.

Avec l’auto-Configuration des machines, les nœuds peuvent obtenir une adresse globale IPv6 de manière automatique via une auto configuration sans état, cette méthode repose sur le protocole Neighbor Dicovery, ce protocole a récemment fait l’objet d’une adaptation pour les réseaux de capteurs sans fil, en combinant le standard 6LoWPAN et l’adaptation de Neighbor Discovery, les capteurs peuvent désormais obtenir une adresse IPv6 globale de manière automatique, ce qui constitue un avancement important dans l’introduction de l’Internet des objets à grand échelle tout en respectant la contrainte de limitation des ressources réseau.

Toutefois, un basculement total vers l’IPv6 est inenvisageable en raison du nombre des organismes et des entités impliqués dans l’Internet, ainsi une longue phase de cohabitation entre IPv4 et IPv6 est prévue pour durer longtemps, mais l’incompatibilité entre les deux versions du protocole nécessite des mécanismes adaptés, dans se sens, plusieurs mécanismes existent pour assurer la cohabitation IPv6/IPv4 que l’on peut regrouper selon les catégories suivantes:

  • Dual-Stack : les équipements (Machines, Serveurs, Routeurs) disposent des deux adresses IPv4 et IPv6 et peuvent gérer les deux piles protocolaires.

  • Le tunneling (les tunnels) : ils permettent aux systèmes avec IPv6 de communiquer en utilisant une infrastructure en IPv4, il consiste à encapsuler les datagrammes IPv6 dans IPv4. deux types de Tunnel existent, les tunnels statiques comme GRE et MCT, et les tunnels dynamiques comme 6to4, ISATAP et Teredo.

  • Les protocoles de Transition (NAT): permet à des équipements appartenant à des réseaux natifs IPv4 ou IPv6 de communiquer à travers un nœud de translation, parmi ces mécanismes on trouve NAT-PT et NAT64.

  • La solution 6PE/6VPE : qui permet d’interconnecter des clients IPv6 tout en conservant le réseau backbone IP/MPLS en IPv4 et profiter en même temps des avantages du MPLS.

Chacun des mécanismes de la cohabitation IPv4/IPv6 apporte des avantages, mais présente également des limitations qui rend son utilisation seul inefficace, et même avec la transition vers l’IPv6, la conception de nouvelles architectures permettant la communication entre les objets connectés et l’acheminement du trafic engendré par la croissance des données demeure un besoin crucial, parmi ces architecture on va s’intéresser de très prés à l’architecture « Mobility First » et le « Content-Centric Networking ».

L’architecture « Mobility First » est l’une des solutions dédiées pour répondre aux challenges de l’Internet des objets surtout pour les réseaux en mobilité, cette solution repose sur un ensemble de concepts permettant l’identification et la communication entre des objets connectés en mobilité tout en assurant l’accès sécurisé aux différent services disponibles sur Internet.

En d’autres termes, L’architecture MobilityFirst est centrée autour de deux objectifs fondamentaux: la mobilité et la fiabilité, cela est assuré par une nouvelle couche de service basé sur l’utilisation des noms à la place d’adresse IPv4 ou IPv6, cette couche nommé « Name Based Service » qui sert d’élément clé dans la pile protocolaire de l’architecture MobilityFirst utilise le concept d’identificateurs globaux uniques « Global Unique Identifier » (GUID) pour identifié un dispositif comme un smartphone, une voiture, un groupe d’appareils / personnes, un contenu ou même un contexte, le GUID sont des clés publiques attribuées par un service de certification de nom, la couche de service basé sur le nom utilise les GUID pour établir la communication en mobilité et en toute sécurité, les services réseaux invoqués sont définis par la source et la destination GUID, ainsi que l’identifiant de service « Service Identifier » (SID) qui spécifie le mode de livraison tels que unicast (par défaut), multicats, anycast, multi-homing, récupération de contenu ou livraison de message basé sur le contexte.

Pour le routage, un système basé sur le nom/adresse hybride est utilisé pour l’évolutivité, employant un service de résolution de nom « Global Name Résolution » (GNRs) afin de lier dynamiquement la destination GUID à un ensemble actuel de nœuds de réseau. Le « MobilityFirst: A Robust and Trustworthy Mobility-Centric Architecture for the Future Internet » de  Dipankar Raychaudhuri, Kiran Nagaraja, Arun Venkataramani, Réalisé en collaboration entre le département « Computer Science » de l’université Américaine de Massachusetts, et l’université Rutgers,  présente plus de détails techniques sur cette nouvelle architecture et sur les prévisions optimistes liés à son déploiement.

Une autre solution répondant aux exigences de l’introduction de l’Internet des objets est : les réseaux orientés contenu « Content-Centric Networking », Contrairement aux réseaux IP, les réseaux CCN met l’accent sur le contenu en le rendant directement adressable et routable, le CCN a commencé comme un projet de recherche au centre de recherche de Palo Alto (PARC) en 2007, la première version du logiciel (CCNx 0,1) a été mise à la disposition en 2009, La version actuelle du logiciel est CCNx 0.8.2.

L’objectif des réseaux orientés contenu est de fournir un réseau sécurisé, flexible et évolutive, répondant aux exigences de l’Internet des objets pour la distribution de contenu à un ensemble diversifié de dispositifs, le CCN présente un modèle d’échange permettant l’accès au contenu indépendamment de l’établissement de la communication entre les nœuds d’extrémités, Il offre une flexibilité en utilisant des noms plutôt que d’adresses IP, en outre, le nom et le contenu sécurisé réside dans des caches distribués, à la demande d’un nom (contenu), le CCN délivre le contenu à l’utilisateur via le cache le plus proche, en traversant moins de sauts de réseau, ce qui élimine les demandes redondantes, et en consommant moins de ressources.

Le Wifi-Offload présente aussi une nouvelle solution qui permet d’acheminer le trafic des données mobile via de nouvelles passerelles sans traverser le réseau d’accès des opérateurs présentant souvent des limitations par rapport au trafic, avec la solution du Wifi-Offload, les nouvelles passerelles consultent les mêmes nœuds pour l’authentification et la sécurisation des réseaux mobiles, permettant aux opérateurs de répondre aux exigences de la croissance des données sans impacter l’architecture de leurs réseaux 2G/3G/4G.

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Source : www.abondance.info

Par ailleurs, les applications de  l’internet des objets sont presque illimitées, ce qui aura un impact sur la façon dont nous travaillons et vivons en économisant du temps et des ressources, en effet, l’Internet des objets a un grand potentiel pour soutenir les pays en cours de développement tel que le Maroc, pour améliorer l’efficacité énergétique et améliorer les services de sécurité, santé  et de transport, dans ce sens, le Maroc a lancé de nouveaux défis à travers la  » STRATÉGIE NATIONALE POUR LE DÉVELOPPEMENT DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE A L’HORIZON 2025″ publié par le Ministère de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche Scientifique et de la Formation des Cadres – Direction de la Recherche Scientifique et de l’Innovation, où le « Maroc compte réduire le décalage entre la société telle qu’elle existe à présent et la connaissance de ses besoins vitaux et notamment de ses aspirations dans les domaines scientifique, technologique et culturel, afin de répondre aux exigences de la montée des technologies », et comme toute nouvelle technologie, son adaptation avec les besoins de la société est le premier pilier à renforcer pour finement orienté le développement et la recherche.

Ainsi, nous avons réalisés un questionnaire dont l’objectif principal est d’évaluer  la compréhension de l’Internet des objets  auprès des étudiant(e)s Marocain(e) dans le domaine des nouvelles technologies, avec la participation de plus de 220 étudiant(e)s Marocain(e) :

  • 2 % des participants ont déjà entendu parler des objets connectés via les réseaux sociaux, les magazines et les conférences face à 93% de la même question en France.

  • 9 % des participants prévoient que les objets connectés seront destinés pour accéder à l’Internet via des nouveaux supports, vu que les réseaux existants présentent des limitations.

  • 5 % estiment que l’internet des objets aura un apport majeur dans le domaine de la santé et le suivi des patients.

  • 45 % pensent que les objets connectés ne peuvent pas agir seuls, sans l’intervention de l’homme.

  • 5 % trouvent que les objets connectés améliorent la vie quotidienne et permettent de gagner du temps.

  • 8 % estiment que les objets connectés nous rendent plus dépendants aux machines et 21.8% prévoient qu’avec l’introduction de l’internet des objets on aura tendance à se replier sur soi         , alors que 12.3 % pensent que les objets connectés sont juste un effet de mode.

  • 55 % proposent comme définition pour l’Internet des objets les services intelligents, 40 % le définissent par la communication machine-to-machine (M2M), et 25.5 % préfèrent d’utiliser l’informatique embarquée.

  • Les participants trouvent que l’Internet des objets est plus utile dans les secteurs suivants :

  • 8 % Santé

  • 1 % Education

  • 6 % Sécurité

  • 4 % Communication

  • 1 % Transport

  • 9 % Environnement

  • 8 % des participants sont intéressés par l’utilisation des objets connectés dans le futur

En analysant ces réponses, on constate que la compréhension globale de la définition et les apports de l’Internet des objets est bonne, et avec les bonnes stratégies d’introduire l’Internet des objets, le marché de cette nouvelle technologie aura le pouvoir de participer à l’évolution de l’industrie et l’économie nationale et mondiale.

En effet, avec l’émergence du marché de l’internet des objets, les entreprises auront un grand potentiel d’offrir des services révolutionnaires à leurs clients, Apple a d’ailleurs déjà vendu 4.2 millions de montres connectées au 2ème trimestre 2015, de son côté, Microsoft a récemment lancé Windows 10 pour l’IoT à destination des développeurs informatiques, et partout dans le monde, des initiatives de « villes intelligentes » (ou Smart Cities) dont l’objectif est d’améliorer la qualité de vie sont lancées, cela passe par la protection des énergies, l’amélioration des services de la santé et de l’éducation,  d’ailleurs, une étude récente de l’Economist Intelligence Unit révèle que l’Internet des objets est la tendance qui aura le plus fort impact d’ici 2020, d’après les prévisions, le secteur pèsera 4 billions de dollars en 2024.

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Source. http://www.orange-business.com/

Finalement,  imaginez que c’est 7h00 du matin, vous quittez votre lit pour aller au travaille, votre lit envoie un message à votre cafetière pour vous préparer le café pendant que vous brosser les dents, et un message est envoyé à votre voiture pour sortir du garage, pendant votre journée au travail, imaginez que vos objets connectées : disques durs, cafetière, vélo, appareils électroménagers et ampoules identifient leurs défaillances ou détectent l’approche de leur fin de vie, et vous envoient une liste sur votre mobile pour passer récupérer les pièces de rechanges du supermarché juste à côté de votre bureau de travail,  au lieu de simplement tomber en panne ! Imaginez que vous pouvez surveiller vos plantes à travers votre mobile, et que vous pouvez réduire votre consommation en électricité grâce à des ampoules intelligentes, imaginez que c’est 17h00 du soir et que vous rentrez du travail, vos enfants sont devant la porte de la maison mais ils n’ont pas les clés pour entrer, et avec un simple message depuis votre mobile vous aurez la possibilité de leurs ouvrir la porte et conduire en tout confort grâce à l’assistance routière, dans un futur plus proche vous n’aurez pas à imaginer car ces innovations devraient permettre au grand public de bénéficier d’un cadre de vie plus intelligent.

 

Par Meryem LAMKIMEL

(*)Ingénieur d’Etat en Télécommunications et Technologies de l’Information de l’INPT (Majorante de promotion 2015) et ayant obtenu un doctorat en télécom.

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