Le brevet est l’élément central de la valorisation de la recherche ou d’une norme et à ce titre il mérite un traitement d’autant plus privilégié que la protection des résultats est évoquée à l’occasion des diverses missions de valorisation.
Le brevet, une stratégie d’établissement
La recherche publique est en effet peu familiarisée et donc peu ouverte au dépôt de brevet. Etant par essence spéculative, elle donne lieu plus facilement par culture à des publications dont l’impact sur les évaluateurs est supérieur à celui d’un dépôt de brevet.
Il est important de laisser dans le cadre d’une recherche partenariale, le partenaire industriel décider de l’opportunité de breveter, de déposer le brevet et de l’exploiter sans contrepartie. Cette démarche est en grande partie réaliste, car le partenariat industriel a pour origine un besoin identifié. Elle présente toutefois l’inconvénient :
De limiter l’exploitation à un domaine ciblé. Elle peut présenter d’autres dangers sous-jacents pour l’établissement, d’une part de ne pas obtenir souvent pour n’avoir pas osé les demander des retours financiers sur les résultats auxquels il a contribué, d’autre part pour n’avoir pas limité le domaine d’étude, de voir protéger un trop large domaine, privant ainsi le laboratoire d’autres collaborations ou de la possibilité de développer par essaimage, ses propres résultats.
En effet, une démarche vers la création d’entreprise nécessite que sa compétence soit parfaitement, non seulement maîtrisée, mais également protégée.
Il convient néanmoins de noter que le dépôt d’un brevet et son éventuelle extension nécessitent à la fois des compétences spécifiques et des dépenses importantes pour un dépôt dans la plupart des pays industrialisés. Les établissements publics de recherche ne disposent généralement ni des unes ni des autres.
La prise de brevet doit donc être abordée comme un élément de la stratégie d’un établissement. Dans ce cadre, elle s’appuiera sur des partenariats, afin de mobiliser les compétences pour l’étude de brevetabilité, des fonds pour le dépôt de brevets et la valorisation de ceux-ci.
Les éléments d’un brevet
La définition légale de l’invention brevetable et des conditions de dépôt est donnée sur le code de la propriété industrielle.
Objet: Souvent considéré comme un droit d’exploitation, le brevet d’invention est un titre de propriété qui confère à son titulaire le droit d’interdire la reproduction de la convention. Il est donc important de s’assurer au moment du dépôt que la façon pourra aisément être prouvée au risque de ne disposer que d’une protection symbolique.
Procédure de dépôt / extension Pour jouer son rôle de protection, la brevet doit être déposé, en France auprès de l’Institut National de la Propriété (INPI), dans les autres pays, auprès des organismes habilités. Le déposant bénéficie d’un délai de 12 mois dans son pays avant d’assurer l’extension à quelques autres pays. Dans l’hypothèse où l’intérêt de l’invention nécessité une protection immédiate dans de nombreux pays, deux procédures sont à envisager :
Le dépôt européen, géré par l’Office Européen des Brevets (OEB) permet d’obtenir pour tous les pays désignés parmi les 18 possibles, à partir d’un seul dépôt et par une seule procédure, un brevet européen qui sera ensuite éclaté en autant de brevets nationaux que de pays désignés. Il est possible de désigner un grand nombre de pays (ou même tous les pays membres) au départ et de ne valider ces choix, en retenant finalement seulement les pays pour lesquels on désire réellement une protection, qu’au moment de fournir les traductions (obligatoires dans la quasi-totalité des pays), soit 3 à 6 ans plus tard.
Au niveau mondial, la procédure PCT (Patent Coopération Treaty) gérée par l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI), permet d’obtenir, à partir d’une demande unique déposée dans la langue du demandeur et désignant des pays adhérents, d’obtenir un brevet national dans plus de 90 pays. Chacun des offices nationaux ou régionaux (tels que l’OEB) récepteurs traite la demande selon ses règles propres. La procédure PCT connaît un grand développement en raison de la Possibilité de désigner a priori un grand nombre de pays et d’attendre jusqu’à 30 ou 31 mois avant d’entrer dans la phase nationale de chaque pays.
Validité / entretien La protection est accordée pour une durée de 20 ans sous réserve d’entretien, c’est-à-dire le paiement des taxes correspondantes dans chaque pays.
Brevetabilité La délivrance est subordonnée à trois critères :
« Sont brevetables les inventions nouvelles impliquant une activité inventive et susceptible d’application industrielle. «
Nouveauté : » l’invention est considérée comme nouvelle si elle n’est pas comprise dans l’état de la technique « .
Ce critère de nouveauté mérite une attention particulière de la part des chercheurs. Il implique qu’il n’existe, préalablement au dépôt, aucune antériorité de divulgation de l’invention, c’est-à-dire pas de publication, de communication (publique, orale, poster, conférence, soutenances de diplômes ou de thèse). Le dépôt du brevet est donc un choix stratégique important.
Activité inventive : « une invention est considérée comme impliquant une activité inventive si pour un homme de métier, elle ne découle pas d’une manière évidente de l’état de la technique « .
Application industrielle : Une invention est considérée comme application industrielle si son objet peut être fabriqué dans tout genre d’industrie, compris l’agriculture.
Ne peuvent être considérés comme invention :
Les découvertes ainsi que les théories scientifiques et les méthodes mathématiques.
Les créations esthétiques.
Les plans, principe et méthodes dans l’exercice d’activités intellectuelles, en matière de jeu ou dans le domaine des activités économiques, ainsi que les programmes d’ordinateurs.
Les présentations d’informations.
Certaines catégories spécifiquement définies comme les variétés végétales, les races animales et les procédés essentiellement biologiques pour l’obtention de plantes et d’animaux, sont exclues de la brevetabilité par la Convention sur le Brevet Européen.
En revanche, des brevets peuvent être obtenus aux Etats-Unis et au Japon pour des organismes supérieurs. Mais, en Europe aussi, les nouvelles plantes qui ne sont pas des » variétés végétales » (cf. Ci-dessous variétés végétales) ne sont pas considérées comme exclues de la brevetabilité par l’Office Européen des Brevets (OEB).
Les Variétés végétales ou « obtentions végétales » qui répondent à des critères très précis d’originalité, nouveauté et distinction d’un ou de plusieurs de leurs » caractères « , homogénéité et stabilité, peuvent faire l’objet, dans de nombreux pays d’un droit spécifique, sous l’égide de la Convention instituant une Union pour la Protection des Obtentions à Paris le 2 décembre 1961.
La protection implique le dépôt, non seulement d’une demande de certificat d’obtention végétale, mais également de la variété végétale elle-même auprès de l’administration compétente. La délivrance du certificat d’obtention végétale est subordonnée à une vérification de la nouveauté, du caractère distinctif, de l’homogénéité et de la stabilité de la nouvelle variété végétale par cette administration.
Circuits intégrés L’extrême complexité de leurs constituants et de leurs interactions mutuelles rend leur description quasi impossible dans la pratique. Ils peuvent depuis peu faire l’objet de systèmes spéciaux de protection dans certains pays. Les lois qui les régissent, toutes très semblables, du circuit intégré de l’Office de brevets ou d’une autre autorité compétente du pays concerné. La protection est acquise pour une période en général de dix ans, à compter du dépôt ou de la première utilisation commerciale.
Les programmes d’ordinateurs Ils sont, en tant que tels, généralement exclus de la brevetabilité. Mais un brevet peut protéger un ensemble technique, dont un programme d’ordinateur ne formerait que l’un des éléments constitutifs. Ils peuvent dans de nombreux pays, bénéficier en tant que tels du régime de protection offert par le droit d’auteur.
Structure du brevet : celui-ci contient :
Une description précise de l’invention pour que « l’homme de l’art » puisse l’exécuter. Une description insuffisante peut être une cause d’invalidité.
Des revendications qui précisent la portée technique de l’invention et qui pourront être opposées au contrefacteur.
La prise de brevet dans un établissement La découverte est l’un des buts fondamentaux de toute recherche scientifique. L’opportunité de protéger ses résultats et de les utiliser comme un instrument d’intelligence économique est une responsabilité politique. Dès lors qu’elle est décidée, elle nécessite de dégager les moyens de sa mise en œuvre, en particulier le recours à des spécialistes (consultants ou cabinets de brevet) dont le professionnalisme sera une garantie d’une protection efficace et (peut-être) d’un retour sur investissement.
Par DR Daoud Abdelaziz expert de l’ONUDI Tunis.
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