samedi , 27 juillet 2024
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La Société de L’Information :  ENJEUX ET TENDANCES

La Société de L’Information : ENJEUX ET TENDANCES

Le développement croissant des Technologies de l’Information dans tous les secteurs de la vie économique, sociale et culturelle constitue un mouvement fort et irréversible qui contribue à l’émergence de ce que l’on appelle la Société de l’Information. A tel point que l’ONU consacre périodiquement un sommet mondial sur le sujet (SMSI) et ce depuis le premier tenu à Tunis en 2005. Le dernier a eu lieu à Genève du 12 au 17 juin 2017. Ces sommets sont organisés en étroite collaboration avec l’ensemble des institutions du système des Nations Unies.

La Société de l’Information se caractérise par la généralisation progressive du numérique et de l’immatériel dans la production industrielle et les services.

 I- Au cours des vingt dernières années sont, en effet, apparues des transformations économiques radicales notamment dans les sociétés des pays développés qui résultent de l’internationalisation des échanges (mondialisation de l’économie) et de leur accélération, de l’augmentation de la productivité, de modifications des rapports de forces à l’échelle planétaire, d’une recherche permanente de la réduction des coûts de gestion interne des organisations et de l’effacement progressif du rôle de l’Etat.

Ces transformations se traduisent par:

  • le renforcement des phénomènes de concentration économique et capitalistique

  • des délocalisations/relocalisations d’activités (ex. . sous-traitance « offshore » dans des pays à main d’oeuvre faiblement qualifiée),

  • l’introduction de la flexibilité dans l’organisation du travail (temps partagé, horaires modulés, annualisation du temps de travail..) et dans les rapports sociaux (ex. : modification des rapports entre sphère professionnelle et sphère privée),

  • la modification des processus de production et généralisation de l’immatériel dans la production,

  • des changements dans les rapports internes et avec les clients

  • Apparition de nouvelles formes d’entreprises appelées les startups.

 II- Les Technologies de l’Information et l’Information elles-mêmes jouent un rôle déterminant dans de telles transformations et l’on peut légitimement penser que ce rôle va encore se renforcer quand on suit les indices qui permettent de suivre l’édification de la société de l’information et aujourd’hui de l’économie numérique. Indices conçus par l’UIT à cet effet. Plusieurs experts, parlent même d’une quatrième révolution comparable à celle de la révolution industrielle, de l’apparition de l’automobile, de l’électricité ou du chemin de fer. Les impacts de cette révolution étant encore incalculables surtout dans le cadre des derniers développements de l’intelligence artificielle.

Quelques exemples montrent l’importance croissante des Technologies de l’Information, accélérée par les nouvelles possibilités techniques qu’offrent le développement des réseaux numériques à très haut débit d’une part, et la baisse des coûts des matériels d’autre part :

  • la « corbeille » boursière est aujourd’hui mondialisée et virtuelle en raison du développement de réseaux de télécommunications mondiaux et des câbles sous-marins, qui permettent une consultation en temps réel des informations et des cotations et des transactions électroniques;

  • les télécommunications permettent à divers fabricants de gérer leur production sur des sites différenciés: recherche et conception dans un laboratoire de la Silicon-Valley en Californie, fabrication des composants électroniques dans le Sud-Est Asiatique, assemblage en Europe;

  • certaines administrations centrales situées à Dublin ont pu délocaliser leurs activités dans d’autres régions de l’Irlande et permettre ainsi à leurs employés de bénéficier d’une meilleure qualité de vie, grâce à la mise en place d’un réseau de télécommunications dédié;

  • par l’introduction de l’EDI dans des secteurs comme le bâtiment et les travaux publics (programme « Communication-Construction » du Plan Construction et Architecture), les délais de paiement des entreprises de travaux publics ont été considérablement réduits;

  • le développement d’Internet a permis à aussi à certaines villes d’engager des coopérations internationales en matière de recherche en robotique industrielle et de promotion des entreprises locales situées sur le territoire.

III- Le développement de la Société de l’Information représente un certain nombre d’opportunités pour les organisations, les territoires et les activités, parmi lesquelles:

  • la dynamisation du tissu économique et social par l’introduction et la structuration de pratiques de réseaux qui remettent en question les cloisonnements traditionnels et par la flexibilité comme facteur de mobilité et d’innovation;

  • la diminution de coûts résultant de la mise en oeuvre de services partagés et de circuits courts;

  • l’amélioration de la qualité de vie par les possibilités d’aménagement du temps et de localisation du travail et l’apparition des smart villes;

  • le développement et l’accélération des échanges qui permettent un enrichissement mutuel des organisations, des individus, de leurs savoir-faire et de leurs compétences;

  • la constitution ou le renforcement des pôles de croissance générateurs de valeur ajoutée dans les secteurs des télécommunications et de l’informatique et dans les autres domaines des transports, de la finance, de la distribution, de la formation, de la médecine, de la presse, etc…

En créant de nouveaux emplois et métiers, en valorisant les savoir-faire, en injectant de la valeur ajoutée financière, ces pôles contribuent à restructurer les territoires régionaux sur lesquels ils sont implantés et à créer dans une compétition internationale de plus en plus forte, un « différentiel d’attractivité » de nature à séduire de nouveaux investisseurs;

  • la création d’emplois qualifiés et surtout l’émergence de nouveaux métiers et de nouveaux savoir-faire dans des domaines encore inconnus il y a peu de temps.

IV-Cette approche optimiste des opportunités de la Société de l’Information doit cependant être modulée par une prise en compte réaliste des risques et des impacts potentiellement négatifs des Technologies de l’Information:

  • un certain nombre d’incertitudes lourdes illustrées par l’apparition de tendances, d’ailleurs parfois contradictoires, mais rapides dans leur évolution. De ce point de vue, la Société de l’Information constitue en grande partie un saut dans l’inconnu. Ainsi, comment vont évoluer les territoires urbains dans les prochaines années au regard des modifications de flux d’échanges et d’activités (délocalisations) ? Quelle sera la nouvelle structure des emplois et des métiers de demain? Comment l’organisation sociale va-t-elle progressivement intégrer ce développement de la Société de l’Information?

  • on assiste aujourd’hui à l’échelle mondiale à une redistribution des pouvoirs et une modification des rapports de forces économiques qui combinent d’un côté flexibilité dans l’organisation des entreprises et dans leurs relations, et de l’autre concentration des capitaux et des savoir-faire.

Cette concentration se bâtit en grande partie sur des alliances stratégiques sur le plan mondial qui échappent totalement aux décisions politiques des Etats.

L’enjeu est clair: contrôler à l’échelle mondiale l’ensemble de la chaîne multimédia « conception – diffusion – réseaux – commercialisation » de façon à créer des points de passage obligés d’accès à l’information pour les utilisateurs. Paradoxalement, la constitution et la survie de ces nouveaux empires est d’autant plus fragile que de nouvelles concurrences peuvent émerger à tous moments par la constitution de nouvelles alliances et/ou la fabrication de nouveaux produits réalisés à moindres coûts.

Le risque est, par conséquent, très important de voir se développer sur le plan mondial, de nouveaux mécanismes de contrôle de l’information qui échappent à toute négociation politique;

  • l’information devient un facteur de différenciation économique et sociale majeur par conséquent, d’accroissement des fragmentations.

L’histoire des sociétés montre que l’information a toujours joué un rôle important dans le développement économique: le dynamisme des ports phéniciens, de la république de Venise, le développement commercial des villes hanséatiques, la structuration des bourses financières, pour ne citer que quelques exemples, se sont réalisés grâce à l’apport et au rôle structurant de l’information sous ses formes les plus diverses (missives, navires, télégraphe…). Le changement qu’introduit la Société de information ne transforme pas fondamentalement ce rôle qui se caractérise au contraire par:

  • une accélération des processus d’échanges rendue possible par les nouvelles techniques de l’informatique et des réseaux, répondant à la nécessité d’augmenter la productivité,

  • le caractère de plus en plus stratégique de l’information.

Dès lors, se créent indiciblement, mais réellement, des différences entre les individus, organisations et entreprises qui possèdent l’information et qui peuvent avoir accès à cette information et les individus, organisations et entreprises qui ne disposent pas de l’information et des moyens d’y accéder. Ce processus de fragmentation par différenciation a bien entendu un impact social dans la mesure où l’information devient un nouveau facteur d’accroissement des exclusions. Dès les années 90 le rapport du commissaire européen Bangemann a souligné à l’époque ce risque: « Le principal danger réside dans la création d’une société à deux vitesses dans laquelle seule une partie de la population a accès aux nouvelles technologies, les utilise avec aisance et jouit des avantages qu’elles procurent » ayant pour conséquence possible « un rejet de la nouvelle culture de l’information et de ses outils ».

L’existence de ces risques ne doit pas apparaître comme un élément rédhibitoire contribuant à inhiber toute action en faveur de la Société de l’Information. La prise en compte réaliste des impacts potentiellement négatifs du développement des Technologies de l’Information est indispensable à l’accompagnement de l’émergence de la Société de l’Information. Elle ne saurait à elle seule masquer les opportunités que celle-ci représente.

 La connaissance des enjeux, des tendances et des opportunités comme des risques de la Société de l’information apparaît indispensable à l’élaboration de toute stratégie régionale dans ce domaine et ce pour au moins deux raisons:

  • les Technologies de l’Information ont un impact économique et social sur les territoires. De ce point de vue, leur développement et leur accompagnement ne sauraient être pensés en dehors de l’action économique et sociale et de l’aménagement du territoire.

  • les Technologies de l’Information favorisent l’émergence de dynamiques internes et leur insertion dans les flux mondiaux d’échanges économiques et d’informations.

Certainement dans l’avenir on parlera plutôt d’une société numérique que de société d’information. D’ailleurs le nouveau « Bulletin d’information économique de la région MENA » de la banque mondiale d’octobre 2018 précise que pour accélérer la croissance économique autrement et créer des emplois pour des milliers de jeunes chômeurs, les pays de l’Afrique du Nord devront développer une véritable économie numérique !

Houda JARRAYA

Houda JARRAYA

Par Pr. Daoud Abdelaziz Expert UNIDO

Par Pr. Daoud Abdelaziz
Expert UNIDO

Par le Pr Abdelaziz DAOUD et Houda JARRAYA  (Tunis)

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