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La Régulation Des Télécommunications En Europe

La Régulation Des Télécommunications En Europe

Comme tout secteur de l’économie européenne, les télécommunications ou les communications électroniques obéissent à un encadrement communautaire entre les différents pays de l’Union Européenne et dont l’objectif est d’assoir des règles du jeu  harmonisé et uniforme dans tous les Etats membres.

En matière de télécommunications, on ne peut parler de la régulation européenne sans s’attarder sur le fameux livre Vert[1] de 1987 sur les télécommunications européennes.  Ce livre vert publié par la commission européenne  visait le développement du marché commun des services et équipements de télécommunications et  traduisait ainsi  la première étape de mise en œuvre de la politique européenne des télécommunications.  Ce document proposait un  certain nombre de mesures dont l’ouverture à la concurrence du marché des terminaux de télécommunications et  la libéralisation du marché des services des télécommunications. Le Livre vert  de 1987 sera consacré par la suite par une importante résolution du conseil des ministres européens, le 30 juin 1988, portant sur  les lignes directrices d’une politique européenne des télécommunications dont la finalité est la création progressive d’un marché communautaire  ouvert des services de télécommunications.

Une autre étape importante dans l’histoire de la régulation des télécommunications en Europe se traduit par le livre vert  du 25 octobre 1994 et 25 janvier 1995, qui  porte sur la libéralisation des infrastructures de télécommunications et des réseaux de télévision par câble.

Ce livre vert a le mérite d’encadrer la notion de service universel et de traiter les problèmes liés à l’interconnexion et l’interopérabilité des réseaux, à l’octroi des licences ainsi que des conditions en vue d’une concurrence loyale.

En publiant ce livre vert la commission européenne  insistait sur l’extrême importance des infrastructures de télécommunications en considérant que «  Les infrastructures de télécommunications formeront la base fondamentale sur laquelle reposeront la société et l’économie européenne au cours des décennies à venir. Ces infrastructures, qui entraîneront d’immenses flux d’informations en Europe, de façon libre et rapide, conjugués avec les nouveaux services et applications conçus spécialement pour les besoins des utilisateurs, constitueront la colonne vertébrale de la société de l’information européenne ».

Cette citation de la commission européenne s’est avérée vrai puisque depuis la vague de libéralisation des marchés européens de télécommunications et leur ouverture à la concurrence, les besoins et attentes des marchés se sont accentués donnant lieu à de nouveaux services mais aussi à de nouvelles problématiques nécessitant un encadrement harmonisé à l’échelle européenne.

Ainsi, la commission a adopté un ensemble de textes alimentant le droit européen des télécommunications et connu communément sous la dénomination « le Paquet Telecom ». Parmi les textes communautaires constituant le Paquet Télécom, on cite :

–  la Directive « cadre » (2002/21/CE) qui  définit un cadre juridique harmonisé pour la réglementation des réseaux et services de communications électroniques et des ressources et services associés. Elle définit par ailleurs les objectifs généraux d’intervention des autorités de régulation nationales et leurs obligations de coopération avec la Commission et entre elles ;

– la Directive « autorisation » (2002/20/CE) qui encadre le régime d’autorisation générale unique applicable à l’établissement et à la fourniture de réseaux et services de communications électroniques, ainsi que le régime d’octroi d’usage des fréquences radioélectriques et des ressources en numérotation ;

– la Directive « accès et interconnexion » (2002/19/CE) qui définit les conditions d’accès aux réseaux et aux ressources associées, les conditions de l’interconnexion ainsi que les obligations des opérateurs puissants notamment les obligations d’accès à des éléments de réseaux, à des infrastructures physiques et à des ressources associées ;

– la Directive  « service universel » (2002/22/CE) qui définit le service universel, le droit des utilisateurs finals et les obligations correspondantes des entreprises

– la Directive « concurrence » (2002/77/CE) qui adapte le droit de la concurrence au secteur des communications électroniques et interdit le maintien de droits exclusifs ou spéciaux pour des prestations relatives aux communications électroniques ;

– la Décision de la Commission européenne (2009/978/UE) du 16 décembre 2009 qui modifie la décision « fréquences » 2002/622/CE, qui vise à harmoniser l’attribution des fréquences radioélectriques aux services de communications électroniques ;

– le Règlement du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009 qui institue l’Organe des régulateurs européens des communications électroniques (ORECE[2]). Cet organe qui joue un rôle important en termes de coordination entre les différents régulateurs européens.

–  le  Règlement du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2015 établissant des mesures relatives à l’accès à un internet ouvert et encadrant l’itinérance sur les réseaux publics de communications mobiles à l’intérieur de l’Union.  Ce  règlement établit :

  • des règles communes destinées à garantir le traitement égal et non discriminatoire du trafic dans le cadre de la fourniture de services d’accès à l’internet et les droits connexes des utilisateurs finals.

  • un nouveau mécanisme de fixation des prix de détail pour les services d’itinérance (du roaming) réglementés dans l’ensemble de l’Union, en vue de supprimer à partir du 15 juin 2017 les frais d’itinérance au détail supplémentaires sans provoquer de distorsion sur le marché national ou sur le marché visité.  Autrement dit, les appels des consommateurs en roaming entre différents pays de l’union européens ne subiront pas de surfacturation au titre des frais du roaming. En attendant le 15 juin 2017, une baisse de prix intermédiaire intervient à partir d’avril 2016 avec une autorisation de sur- tarification limitée à 0,05 euros par minute d’appel. Il s’agit d’un règlement important pour le consommateur européen et allant vers les sens d’un marché unique.

Après avoir passé en revue les principaux textes du Paquet Télécom, qui constitue d’ailleurs un instrument important de la politique de la Commission européenne dans le domaine des télécommunications, il est primordial d’apporter une précision sur la portée juridique de ces textes. En effet, il y a :

–  les  Règlements qui sont des textes qui émanent du Parlement et du Conseil ou du Conseil seul, sur proposition de la Commission.  Ces règlements sont directement applicables et obligatoires dans tous les États membres de l’UE sans qu’il soit nécessaire d’adopter des dispositions d’exécution dans la législation nationale. Tous les Etats de l’union  sont directement liés par les dispositions d’un règlement européen et doivent le respecter au même titre que le droit national.

– les Directives sont des textes  du Parlement et du Conseil sur initiative de la Commission, ou des textes émanant  du Conseil seul ou de la Commission seule. Les Directives lient les États membres quant au résultat à atteindre dans un délai donné, les régulateurs nationaux ont le droit d’adopter les moyens de leurs choix.   Ces textes doivent être transposés en droit national, dans les délais impartis par les Directives en question, pour entrer en application dans chaque Etat Membre. Le non-respect  de la transposition peut donner lieu à des poursuites pour manquement au droit communautaire à l’encontre de l’Etat membre concerné devant  la Cour de justice des communautés européennes (CJCE).

– les Décisions qui sont des textes adoptés notamment par la Commission qui  sont obligatoires au même titre que les Règlements mais seulement pour les destinataires qu’elles désignent. La décision peut être adressée à un, à plusieurs ou à tous les États membres, à des entreprises ou à des particuliers.

– les Recommandations et Communications qui sont des instruments juridiques non contraignants. Ils indiquent l’interprétation faite par la Commission d’une disposition ou d’un sujet précis. Pour les communications électroniques les recommandations ont un statut juridique particulier dans la mesure où les autorités réglementaires nationales doivent en tenir compte et qu’en cas de non-respect d’une recommandation, ces dernières doivent motiver leur position à la Commission.

 Si la commission européenne a réussi à assoir des règles communautaires accompagnant l’ouverture à la concurrence et la libéralisation des marchés télécoms, elle n’a pas pour autant pu réaliser son souhait de mettre en place un super-régulateur des télécoms à l’échelle européenne piloté par la commission et auquel devait se soumettre les régulateurs nationaux des Etats membres.

En effet, la commission européenne  a dû se contenter de l’ORECE (l’organe des régulateurs des communications électroniques)   qui se présente comme un organisme rassemblant les acteurs nationaux et travaillants en partenariat avec la Commission, mais sans en être directement dépendant. Si le rôle premier de l’ORECE reste le conseil et la coordination, il n’en disposera pas moins d’un certain pouvoir ; en particulier un droit de veto sur certains décisions « majeures » des autorités nationales, en l’occurrence lorsqu’il estime que le régulateur national privilégie son opérateur historique.

Le rôle de l’ORECE est important en tant que consultant et assistant aux décisions des régulateurs nationaux pour leur propre marché mais aussi pour les décisions réglementaires au niveau européen (harmonisation des bandes de fréquences, choix des technologies…).  Il dispose également d’une force de proposition et assure un suivi efficace des nouveaux enjeux auxquels sont confrontés les régulateurs européens. C’est dans ce sens, que l’ORECE a communiqué, fin 2015, son avis sur la révision du cadre réglementaire des communications électroniques en Europe en insistant sur le fait que cette révision fasse partie de la stratégie de Marché unique Numérique plus large, qui inclut une variété d’autres initiatives de la Commission autour de l’économie numérique.

 A ce titre, il est opportun d’avoir une idée sur la stratégie de l’ORECE pour 2015-2017, qui serait nécessairement un soubassement de nouvelles régulations européennes.  Cette stratégie s’articule autour de trois axes fondamentaux :

– la promotion de la concurrence et de l’investissement, pour adresser notamment les problématiques suivantes:

  • La virtualisation des réseaux,

  • l’internet des objets,

  • les positions communes sur le dégroupage, bitstream et liaisons louées

  • les dynamiques du déploiement des réseaux à très haut débit,

  • les concentrations dans le secteur des communications électroniques,

  • la réduction du coût du déploiement de réseaux de communications électroniques à haut débit.

– le parachèvement du marché intérieur en termes de finalisation notamment du rapport de l’ORECE sur les services dits over-the-top.

– la protection des consommateurs pour assurer entre autres la mise en œuvre d’un système de suivi de la qualité de service internet pour 2017.

En conclusion, on pourrait dire que l’Europe des 28 a pu tirer profit des diverses expériences de ses Etats Membres pour pouvoir établir, via ses institutions et ses moyens de travail basé sur le consensus,  un socle de règles accompagnant un secteur aussi dynamique  et aussi vivant que les télécommunications mais aussi pour hisser la régulation au sein de certain nouveaux états membres au niveau de celle des Etats puissants au sein de l’union.

 

Mme El Fatihi Amina

Juriste d’affaires

 

[1] Les livres verts sont des documents publiés par la Commission européenne dans le but de stimuler une réflexion au niveau européen sur un sujet particulier. Ils invitent les parties concernées (organismes et particuliers) à participer à un processus de consultation et de débat sur la base des propositions qu’ils émettent. Les livres verts sont parfois à l’origine de propositions législatives qui sont alors exposées dans des livres blancs.

[2] En anglais BEREC : Body of European Regulators of Electronics communications

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