samedi , 27 juillet 2024
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La nouvelle économie de l’Intelligence Artificielle: longue traîne, plateformes et énergie

La nouvelle économie de l’Intelligence Artificielle: longue traîne, plateformes et énergie

Article de Carlo Maria Rossoto Responsable principal des investissements, responsable mondial des Télécom, des infrastructures et des Médias à la Société Financière Internationale (SFI).

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Photo de​​ Carlo Maria Rossoto​​ 

Le fabricant d’automobiles américain Ford a défini le modèle d’affaires du siècle dernier. L’application de la technologie à la ligne de production automatisée de la voiture « Model T » a permis d’exploiter des économies d’échelle pour produire un grand nombre d’unités d’un produit standardisé et destiné au grand public. À la même période, les producteurs européens produisaient encore des véhicules personnalisés/customisés, destinés aux classes supérieures. 

C’était le paradigme pendant plus d’un demi-siècle. La customisation du produit était relativement moins importante quand l’échelle, les coûts du travail et la logistique, étaient à la base de la compétitivité. On peut penser, par exemple, au produit Nutella, bien aimé dans le monde entier et produit par le producteur/fabricant/ la firme Ferrero. Ce produit a été fabriqué et est arrivé sur le marché grâce à l’application des technologies plus modernes et a été légèrement adapté aux préférences des consommateurs. Le produit Japonais est légèrement plus brillant que le produit Européen ; le Nutella aux EEUU est plus doux et moins opaque que la version européenne. Cependant, le paradigme de Ford reste le même : économies d’échelle et accès au marché facilités par la technologie.  

Puis, Internet 1.0 a tout transformé, bousculant la longue traîne, c’est-à-dire l’utilisation des plateformes digitales pour vendre un produit très personnalisé à des clients de niche éparpillés et loin des centres de​​ production. Pensez au modèle d’Ebay, qui donne la possibilité à des petits vendeurs de vendre à des consommateurs de niche très​​ loin​​ d’eux.

Ensuite, tout a changé encore une fois. Steve Jobs et l’IPhone ont redéfini la compétitivité, autour de 2010. Les smartphones donnent lieu à une hyperpersonnalisation​​ et à une géolocalisation des stratégies de marketing. La Chine à cette époque n’avait que zéro pourcent du marché des smartphones, et le​​ BlackBerry​​ était dominant. L’hyperpersonnalisation​​ s’appuie sur les économies de densité et sur la localisation. Les​​ plateformes mult-iside ont redéfini la transformation numérique en obligeant des sociétés aussi diverses qu’Uber, Nike et Engie à investir des milliards de dollars pour devenir des entreprises platformisées.

Les économies de densité impliquaient la construction de grandes installations de stockage de données à proximité des pôles de connectivité c’est-à-dire dans les grandes villes et dans les pays à revenu élevé. La Chine contrôle maintenant plus de 50 % du marché mondial des téléphones portables. La plupart des licornes ont adopté le modèle de plateforme numérique, les États-Unis et la Chine en ayant chacun créé plus de 300 licornes. Des villes comme Jakarta et São Paulo ont connu une croissance explosive. La géographie du capitalisme a changé, avec des centaines de millions de personnes dans les pays en développement rejoignant la société de consommation. Les hyperscalers ont construit des « régions » pour gérer l’économie selon ce nouveau paradigme : centré sur les smartphones​​ hyper personnalisés​​ et​​ géo localisés.



L’intelligence artificielle change à nouveau le paradigme. Les besoins de traitement des données de l’IA nécessitent le calcul haute performance (HPC). La construction physique et l’emplacement des centres de données sont impactés. Equinix commercialise des​​ data-centers « AI ready ». Les sociétés d'infrastructure-as-a-service (IaaS) offrent un accès cloud aux machines NVIDIA. Les serveurs atteignent des températures élevées, ce qui stimule l'innovation dans les systèmes de refroidissement et, par conséquent, cela offre de nouvelles opportunités commerciales. Les échangeurs de chaleur optimisent le refroidissement. Un data center à Saint-Denis, un quartier parisien sensible à l'environnement, dispose d'une serre sur le toit de l’immeuble (abritant le data center). La chaleur transmise par l’échangeur permet de produire du miel, religieusement « bio », et de chauffer la piscine du quartier. Plus fondamentalement, l’IA dépend d’une énergie abondante et optimisée. Microsoft a annoncé un « copilote » pour les détaillants, utilisant l'IA générative pour faciliter l'expérience client. L'espoir est d'arriver sur le marché avec un produit qui peut être utilisé par la plupart des modèles fondamentaux d'IA/ML avec une fraction de l'intensité des données (et donc d’énergie) de ChatGPT. Les entreprises industrielles en prennent à nouveau conscience, en s’associant aux acteurs de l’IA. Par exemple, NVIDIA a rejoint l’Abu Dhabi Electricity and Water Authority pour investir à grande échelle dans l’infrastructure de données d’IA durable.

Internet 1.0 et 2.0 ont redéfini la compétitivité et,​​ par-là, la géographie du capitalisme. Il est trop tôt pour comprendre l’impact de l’IA sur l’Internet 3.0. Mais cela aura sûrement un impact sur l’architecture, l’emplacement et les éléments structurels de l’infrastructure de données et de la connectivité. La latence et la proximité des données peuvent être mises en balance avec d’autres critères. C’est l’énergie qui remodèlera la​​ géographie du capitalisme à l’ère de l’IA, créant des opportunités pour les pays, qui investissent dans les infrastructures habilitantes.

Article de Carlo Maria Rossoto Responsable principal des investissements, responsable mondial des Télécom, des infrastructures et des Médias à la Société Financière Internationale (SFI).

 

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