Entretien avec Si Mohamed Essaidi
juillet 4, 2022
Régulation
On remercie beaucoup le Président Fondateur de l’IEEE, section du Maroc, M. Mohamed Essaidi, d’avoir bien accepté de nous consacrer le présent entretien en dépit de son agenda chargé.
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Vous êtes le président fondateur de la section du Maroc de l’IEEE. Pouvez-vous, nous préciser la mission et le statut de l’IEEE (Institute of Electrical and Electronics Engineers ) et ce au niveau international.
L’Institute of Electrical and Electronics Engineers (IEEE) est une association professionnelle pour l’ingénierie électronique et informatique (et les disciplines associées) dont le siège social se trouve à New York et le centre opérationnel à Piscataway, New Jersey aux USA. Elle est née en 1963 de la fusion de l’American Institute of Electrical Engineers (fondé en 1884) et de l’Institute of Radio Engineers (fondé en 1912).
En raison de l’expansion de son champ d’action dans tant de domaines connexes, il est simplement désigné par les lettres I-E-E-E (prononcé I-triple-E). ll s’agit de la plus grande association de professionnels techniques au monde, avec plus de 423 000 membres dans plus de 160 pays du monde. Ses objectifs sont l’avancement éducatif et technologique du génie électrique et électronique, des télécommunications, de l’informatique et d’autres disciplines émergentes comme l’intelligence artificielle, l’internet des objets, la réalité virtuelle, les « smart grid » et les villes intelligentes.
Par ailleurs, IEEE compte plus de 1200 normes actives, et plus de 650 normes en cours de développement au sein des groupes de travail de la IEEE Standards Association (IEEE SA). L’un des plus notables est le groupe de normes IEEE 802 LAN/MAN, avec les normes de mise en réseau informatique largement utilisées pour les réseaux câblés (ethernet, norme IEEE 802.3) et sans fil (IEEE 802.11 et IEEE 802.16), la norme IEEE 1547 pour l’interconnexion des ressources distribuées avec les systèmes d’alimentation électrique, et les normes ISO/IEEE 11073 pour l’informatique de santé.
La Section IEEE du Maroc a été officiellement formée en novembre 2004, et depuis elle a activement contribué au développement de la recherche et de l’innovation dans les domaines de spécialité de IEEE à travers l’organisation de conférences internationales spécialisées sur différentes thématiques telles que l’informatique, les télécommunications, l’électronique, l’intelligence artificielle, l’internet des objets, les villes intelligentes, etc. Elle a également contribué d’une façon extraordinaire au réseautage des enseignants-chercheurs et même des étudiants des écoles d’ingénieurs et des universités marocaines au réseau mondial de IEEE.
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L’IEEE joue un rôle très important dans l’établissement et la publication de normes notamment dans le domaine du WIFI. Comment on travaille à l’IEEE et comment on s’organise pour assurer la coordination entre l’ensemble de ses membres présents un peu partout à travers les cinq continents ?
IEEE est organisée en plusieurs entités géographiques et thématiques. Dans le cadre de l’organisation géographique, IEEE divise le monde en 10 régions, à savoir :
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Région 1 à Région 6 : USA
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Région 7 : Canada
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Région 8 : Europe, Moyen Orient, Afrique. La section IEEE du Maroc relève de cette région.
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Région 9 : Amérique Latine
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Région 10 : Asie et Océan Pacifique
Au niveau des Régions IEEE, les pays sont représentés par des Sections IEEE. Au sein de ces section on peut avoir également des Branches d’Etudiants (IEEE Student Btanches) représentant des universités ou des écoles d’ingénieurs.
IEEE dispose également d‘une organisation disciplinaires ou thématiques représentée par les 38 Sociétés IEEE telles que : Informatique (IEEE Computer Society), Télécommunications (IEEE Communication Society), Education (Education Society), Télédétection Spatiale (Remote Sensing Society), Ingénierie en Médecine et Biologie (Engineering in Medicine and Biology Society), Société des Systèmes Electroniques Aérospatiaux (IEEE Aerospace and Electronic Systems Society), Société de l’Energie (Power & Energy Society), etc. Ces sociétés contribuent au développement de la formation, de la recherche et innovation, et des normes industrielles dans leurs disciplines respectives.
Il y a également une autre entité IEEE, appelée « IEEE Future Directions » qui développe plusieurs initiatives sur des technologies émergentes telles que : Cloud Computing, IoT , IA, Blockchain, Future Networks, Digital Reality, Digital Privacy, Quantum Computing, etc.
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Comment l’IEEE coordonné ses activités de normalisation avec les autres organismes de normalisation concernés comme L’UIT, 3RGP, l’ETSI, l’ISO, OneM2M et d’autres part avec Les autres acteurs concernés comme, Cisco, Huawei, General Electric, Oracle, Qualcomm et la ZigBee Alliance.
L’Association des normes de lIEEE est une unité commerciale de l’IEEE qui élabore des normes mondiales dans un large éventail de secteurs, notamment : Énergie et puissance, systèmes d’intelligence artificielle, Internet des objets, technologie et électronique grand public, biomédical et soins de santé, technologies d’apprentissage, technologie de l’information, robotique, télécommunications, automobile, transport, domotique, nanotechnologie, sécurité informatique, technologies émergentes, et bien d’autres.
Cette entité IEEE de normalisation n’est pas un organisme officiellement autorisé par un gouvernement, mais plutôt une communauté. L’ISO, la CEI et l’UIT sont des organismes de normalisation internationaux reconnus. Les membres de l’ISO sont des organismes nationaux de normalisation tels que l’ANSI américain, le DIN allemand ou le JISC japonais. Les membres de la CEI sont ce que l’on appelle des comités nationaux, dont certains sont hébergés par des organismes nationaux de normalisation. Ils ne sont pas identiques aux membres de l’ISO. La CEI et l’ISO élaborent toutes deux des normes internationales fondées sur le consensus et le principe « un pays, une voix », qui représentent les besoins de l’industrie au sens large. Leurs normes ne peuvent être parrainées par des entreprises ou des organisations individuelles. Par ailleurs, IEEE SA collabore avec ces différentes organismes internationaux de standardisation à différents niveau et même pour l’élaboration conjointe de normes comme c’est le cas de la norme ISO/IEEE 11073 pour l’informatique de santé.
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L’IEEE est une organisation à but non lucratif de droit américain. Comment l’IEEE veille à son indépendance notamment par rapport aux industriels américains par exemple ?
Le fait que IEEE soit une organisation de droit Américain impact certainement son fonctionnement, ses activités et produits même si presque la moitié du nombre de membres sont originaires d’autres pays. A titre d’exemple, on a assisté il y a quelques années à l’intervention des autorités américaines pour appliquer sa décision d’embargo sur la Section IEEE de l’Iran. Par ailleurs, le fait que certains groupes de travail de standards IEEE SA comportent une majorité de ressortissants américains ceux-ci peuvent influencer les spécifications techniques de ses normes.
5- Comment sont financés les activités de IEEE ?
Les activités de IEEE sont financées principalement par les frais annuels d’adhésion des membres (plus de 400000 membres), les revenues des publications et des normes IEEE (la plateformes IEEE Xplore offre plus de 5,6 millions articles de recherche et normes IEEE) et à travers l’organisation de conférences à travers les frais d’inscriptions.
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L’IEEE est un puissant organisme international qui établit les standards entre autres de l’Ethernet et des réseaux locaux sans-fil. Est-ce que l’IEEE est aussi impliqué dans les nouveaux domaines comme l’Internet des objets (IoT) ou celui des algorithmes en relation avec l’intelligence artificielle ?
En plus des normes IEEE très répandues telles que les familles IEEE 802.3 pour l’Ethernet et IEEE 802.11 pour le WiFi, IEEE SA contribue d’une façon très importante à la normalisation des technologies émergentes telles que les normes :
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IEEE 1451-99 : Harmonisation et sécurité de l’IoT
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IEEE 2700 : Performance et qualité des capteurs de l’IoT
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IEEE P7006 : Norme pour les données personnelles Agent d’intelligence artificielle.
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EEE 7001-2021 : Transparence des systèmes autonomes
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IEEE P2784 : Guide de Planification et de technologies des Smart Cities.
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Comment s’inscrit le rôle de la Section du Maroc dans cette mission internationale de l’organisation IEEE.
Le rôle de la section IEEE du Maroc porte sur deux actions principales, à savoir, la diffusion des normes IEEE au sein des communautés universitaires et industrielles et la mobilisation de ses membres à participer aux groupes de travail de IEEE SA.
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Normalement la normalisation est du ressort du ministère de l’industrie au Maroc. Est-ce que vous coordonner les activités de IEEE avec le ministère de l’industrie ?
Il n’y a pas une coordination directe entre IEEE ou IEEE Maroc et le Ministère de l’Industrie. Mais une chose est sûre, le travail réalisé par les équipes du Ministère fait certainement appel aux normes IEEE dans le cadre de benchmarks et études réalisés dans cet exercice.
9- L’ANRT opère dans le cadre du régime des agréments, en vérifiant la conformité des équipements télécoms par rapport aux spécifications techniques qu’elle élabore et par rapport aux exigences de la compatibilité électromagnétique. Sachant que L’IEEE abrite aussi le Comité international sur la sécurité électromagnétique. Est-ce il existe une collaboration à ce sujet entre l’IEEE et l’ANRT ?
Il n’y a pas de collaborations directes entre IEEE et l’ANRT dans le domaine de la vérification de la conformité des équipements aux spécifications techniques des normes ainsi qu’aux exigences de la compatibilité électromagnétique. Cependant, les experts de l’ANRT utilisent certainement les spécifications et les recommandations de IEEE SA dans ces domaines, surtout que celles-ci sont qui sont largement adoptées par de nombreuses institutions similaires de par le monde.
10- Ne pensez-vous pas que certaines anciennes institutions de normalisation opérant dans le cadre multilatéral sont de plus en plus dépassées par les forums ou les associations si elles ne s’adaptent aux nouveaux paradigmes organisationnels et technologiques notamment ceux en relation avec l’agilité et la flexibilité ?
Les institutions de normalisations doivent absolument s’adapter au nouveaux paradigmes organisationnels et technologiques, notamment, au niveau flexibilité et agilité. Celles-ci doivent également promouvoir la coopération et la collaboration au sens large pour réussir leurs missions en termes de qualité et pertinence des normes développées et du niveau de leur adoption par les différentes organisations de normalisation et certification à travers le monde.