Entretien avec Amal Zdaik Responsable du Système d’Information à l’Administration de la Douane au Maroc.
janvier 3, 2019
Innovation
Dans cet entretien, accordé à M. Khaouja (Lte Magazine), Mme. Amal Zdaik précise que la transformation numérique avance bien à l’Administration de la Douane au Maroc et qu’à partir de début de 2019 la douance marocaine passera à zéro papier.
1-L’Administration des douanes et impôts indirects (ADII) compte s’appuyer sur la transformation numérique, parmi ses choix stratégiques pour améliorer le service rendu à ses usagers, particulièrement à l’international. Pouvez-vous en quelques mots nous décrire les objectifs fixés pour cette transformation numérique ?
Réponse: Les objectifs fixés pour la transformation numérique sont multiples et variés, en fonction de l’acteur considéré.
D’abord pour l’opérateur économique, l’ADII vise une facilitation des procédures douanières, une accélération du passage en douane en minimisant les déplacements aux bureaux douaniers et une réduction des coûts inhérents aux processus de traitement.
Pour l’agent douanier, il s’agit de le faire bénéficier d’une meilleure organisation du travail, d’une fluidité de traitement des dossiers au quotidien ce qui lui permettra de se focaliser sur les opérations à risque.
Pour l’ADII en tant qu’organisation, il s’agit d’assurer une qualité meilleure du service rendu à ses clients et d’optimiser les coûts à travers un redéploiement de ses ressources humaines vers d’autres métiers.
2- Dans le cadre de cette transformation numérique vous avez fixé aussi pour objectif d’arriver à terme à une administration où on aura zéro papier. Pouvez-vous nous décrire les étapes qui seront suivi à terme pour arriver à cette situation de zéro papier ?
Réponse: En plus des objectifs par type d’acteur et comme vous avez bien voulu le souligner, la transformation numérique vise globalement la dématérialisation totale (le zéro papier) des processus douaniers. Les principales étapes qui seront suivies à court terme pour contribuer à l’atteinte du zéro papier peuvent être décrites comme suit :
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La suppression du dépôt physique de la déclaration et de ses documents annexes prévue le 1er janvier 2019 après généralisation une année plutôt de l’utilisation de la signature électronique à l’ensemble des opérateurs économiques.
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La poursuite de la généralisation de l’utilisation des tablettes dans le cadre du projet « Douane mobile » qui offre aux agents douaniers travaillant sur le terrain la possibilité́ d’accéder aux fonctionnalités métier via une application installée sur des équipements mobiles comme s’ils travaillaient dans leurs bureaux. Ceci permet d’alimenter le système en temps réel et de fluidifier ainsi le passage en douane.
Quant aux principales étapes qui contribueront à moyen et long terme à l’atteinte du zéro papier, elles peuvent être décrites comme suit :
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La généralisation du circuit électronique d’échange, via la plateforme Portnet, des résultats de vérification avec tous les organismes de contrôle (ONSSA, ANRT, Ministère de la Santé, …). Il est à noter que le circuit en question est complétement dématérialisé avec le département de l’industrie.
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La dématérialisation du reste des documents émis par les intervenants de la chaîne du commerce international (consignataires, dépoteurs, transporteurs, …) et qui sont toujours déposé à la douane sous format papier. Leur délivrance sera matérialisée par des échanges de système à système.
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La mise en place des échanges de données informatisées avec les autres partenaires nationaux dont principalement le Ministère de la Justice et des Libertés dans le cadre du projet du tribunal numérique, l’Office des Changes (transfert et royalties), les banques pour tous les aspects relatifs au recouvrement et la Cour des comptes pour la dématérialisation des échanges des titres recette et des bordereaux.
3-la transformation numérique nécessite une sécurité des flux d’informations dans le cadre d’actions en amont et en aval. Quelles sont les actions prises par la douane en matière de sécurité numérique pour limiter les divers risques?
Réponse: La sécurité des flux d’information a toujours été une priorité au sein de la douane qui n’a cessé de mettre en place les dispositifs permettant la protection de son patrimoine informationnel.
Bâti au départ sur un environnement propriétaire et un réseau privé, le SI (Système d’Information) de l’ADII a connu plusieurs phases de développement en suivant les recommandations du schéma directeur élaboré en 1998. Ce dernier prévoyait la modernisation des équipements informatiques par la banalisation de la micro-informatique, la généralisation des réseaux locaux et la mise en œuvre d’un réseau de télécommunications intersites sécurisé, moderne et ouvert sur les standards de communications en vigueur.
L’ouverture sur Internet a constitué un événement marquant l’évolution du SI de l’ADII. La fin des années 90 a connu la publication du site web informationnel ainsi que l’utilisation de la messagerie. L’impact de l’ouverture sur Internet est devenu d’une grande ampleur depuis janvier 2004 avec la mise en production du premier palier du nouveau système douanier BADR (Base Automatisée des Douanes en Réseau).
Pour accompagner ce développement et lui assurer le niveau de sécurité requis, plusieurs mesures ont été mises en œuvre. Elles ont touché aussi bien le domaine technique qu’organisationnel et procédural.
En ce qui concerne le volet technique, une infrastructure de sécurité réseau a été mise en place utilisant une batterie de dispositifs : Firewalls, sondes d’intrusion, et implémentant plusieurs zones de sensibilités différentes.
Le début de l’année 2007 a connu un fait marquant dans cette démarche. En effet, l’ADII a confié à un prestataire spécialisé la réalisation d’une mission d’audit de la sécurité de son SI.
Cette mission a permis de mesurer le niveau de maturité du SI en matière de sécurité et a débouché sur une série de recommandations destinées à consolider les points forts et à améliorer certains volets en prenant en considération les exigences des standards internationaux.
Parmi les principales recommandations mises en place à l’issue de cette première mission d’audit, on peut citer la mise en ligne en interne d’une infrastructure à clés publiques qui garantit une meilleure sécurité des accès. Ceci sans oublier le cryptage de l’ensemble des échanges considérés à risque comme l’envoi du login et du mot de passe.
Depuis lors, l’ADII s’est attelée à consolider son dispositif de sécurité à travers le lancement de plusieurs chantiers dont les principaux sont :
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L’adaptation des mesures de sécurité organisationnelles et techniques en vue de l’amélioration du taux d’application des règles édictées par la DNSSI (Directive Nationale de la Sécurité des Systèmes d’Information).
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La collaboration avec maCert pour la veille technologique et la gestion des incidents de sécurité.
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L’audit régulier de la sécurité du SI pour identifier d’éventuelles nouvelles failles et prendre les mesures nécessaires afin de réduire les risques.
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La mise en place d’un Plan de Secours Informatique pour le système de dédouanement.
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La migration vers les clés cryptographiques délivrées par Barid Al-Maghrib.
4- Dans le temps, la douane marocaine a su aussi réussir dans les opérations de télépaiement. Comment vous comptez envisager l’évolution de ces opérations dans l’avenir et tirer profit notamment du paiement par les mobiles qui sera lancé au Maroc fin novembre 2018 ?
Réponse: Pour répondre à cette question, il serait utile de rappeler, à travers un aperçu historique, l’évolution des opérations de télépaiement au sein de la Douane : L’ADII a mis en place, le processus de paiement par EDI depuis plus d’une quinzaine d’années. Basé sur les technologies de l’EDI mettant en relation la Douane, la Banque, le Redevable et l’Opérateur du Réseau à Valeur Ajoutée (ORVA), ce service permet aux entreprises d’acquitter les droits et taxes douaniers selon un procédé informatique simple, rapide et entièrement sécurisé.
L’année 2015, quant à elle, a été marquée par la mise en place du processus de paiement par carte bancaire.
L’extension de ce produit vers un paiement multicanal, prenant en charge tous les canaux bancaires, partant du GAB jusqu’à l’agence bancaire, en passant par le e-Banking, le m-Banking et les services de proximité a été lancée en 2017.
5-Comment la douane marocaine tire profit de la Loi n° 53-05 relative à l’échange électronique de données juridiques afin de garantir l’authentification des documents échangés ?
Réponse: Comme vous le savez, la loi 53-05 relative à l’échange électronique de données a fixé le cadre juridique applicable à la signature électronique.
Les dispositions du code des douanes et impôts indirects traitant de la transmission informatique des déclarations en douane et des documents y annexés (article 203 bis) ont été amendés et alignés sur les dispositions de la loi 53-05 précitée, par la loi de finances n° 110-13 de l’année budgétaire 2014.
Les conditions réglementaires pour l’instauration de la dématérialisation des formalités de dédouanement étant réunies, la douane s’est attelée ensuite à la mise en place d’une solution de signature électronique sécurisée conformément aux exigences de la loi n° 53-05 susvisée et le développement d’un module d’envoi des documents exigibles.
Ces deux réalisations ont permis de signer électroniquement la déclaration en détail et de lui adosser tous les documents exigibles et annexes.
Dans le cadre de la conduite du changement, l’ADII a fait le choix de déployer la signature électronique de façon progressive en commençant, d’abord, par les formalités de cession sous régimes économiques en douane, puis la généralisation à l’ensemble des régimes douaniers à partir du mois de Janvier 2018.
L’ADII a donc pu tirer pleinement profit de la loi n° 53-05 puisque la signature électronique est aujourd’hui une réalité et une expérience réussie partagée avec l’ensemble des opérateurs économiques de la douane.
Khaouja: Merci beaucoup Mme Amal Zdaik pour nous avoir consacré ce temps pour cet entretien.