mercredi , 11 décembre 2024

Entretien avec Ahmed Khaouja un chef d’entreprise travaillant avec le numérique.

  • DG de la société PTT Maroc

    C’est quoi la transformation digitale ? :

L’économie basée sur le digital est une révolution issue de l’innovation disruptive. Le numérique ce n’est pas de l’informatisation des process au sein de l’entreprise. Le digital vise à révolutionner la chaîne de valeurs. Elle consiste à révolutionner, par exemple, la chaine de commercialisation d’un produit. Exemples : on achetait la musique sur des supports magnétiques, aujourd’hui, on achète de la musique via des applications sur smartphones telle ITunes. Le numérique est une conséquence de grandes évolutions : Capacités informatiques exponentielles à prix décroissant, une connexion internet permanente et plus rapide, baisse du prix de la bande passante, une expression et une collaboration facilitées par l’internet et une tentative de fusionner le réel avec du virtuel.

  • La nouvelle économie et ses caractéristiques ?

L’économie issue de la transformation numérique se caractérise par un ensemble de spécificités intéressantes sur le plan de la concurrence, telles que le développement de plateformes numériques dont les modèles commerciaux sont basés sur les effets de réseau, les données et l’utilisation d’algorithmes de différents types.

  • Justement concernant ces plateformes numériques, quels sont les modèles d’affaires qui émergent aujourd’hui :

Il existe généralement quatre modèles : l’un basé sur la Commission (PayPal), l’autre basé sur un abonnement (Netflix), le troisième basé sur la publicité (Facebook) et le dernier basé sur le service (Uber). Par exemple dans les pays en voie de développement, la faible maturité du secteur de la publicité pousse généralement les pays en voie de développement à adopter des business model basés sur des frais de transactions, couts chargés par les géants de l’internet au détriment des marchés locaux.

  • La transformation numérique nécessite elle une stratégie au niveau d’une entreprise ? !

Une transformation numérique réussie nécessite une vision et une bonne stratégie avec des préalables en amont et des actions pendant et après. Tout d’abord elle exige une vision claire, qui doit être insufflée de manière concrète et récurrente à l’ensemble des acteurs concernés afin de leur donner une idée précise sur ce projet d’envergure de transformation, de les aider à assimiler son enjeu et sa valeur ajoutée, et de les motiver pour se préparer à faire face à ce nouveau paradigme.  En outre, cette vision doit être accompagnée par une stratégie, traduite à travers un plan d’actions. Aussi, le temps, le budget et les ressources humaines suffisantes pour un tel projet devront être bien planifiés. D’ailleurs, la transformation numérique exige la redéfinition du rôle de chacun.

Elle demande un travail collaboratif, centré sur l’humain, basé sur l’innovation et l’effort de tous. Pour surmonter la résistance des personnes à ce changement majeur et rendre cette transition lucide, des motivations, formations et développements spécifiques avant et pendant cette phase devront être prévus. Cet accompagnement pourrait être dédié pour chaque type d’acteurs : coaching sur le « change management » ou la conduite du changement, formations sur la gestion de ce projet d’envergure. D’ailleurs les bonnes pratiques que nous venons de citer afin de réussir la transformation numérique sont appuyées par les 5 piliers génériques pour le succès du changement qui sont développé dans le modèle Knoster cité dans le guide de la transformation digitale dont les références sont mentionnées ci-après.  Il s’agit de la vision, des compétences, de la motivation, des ressources, et d’un plan d’action. Dans ce modèle Knoster on voit bien les conséquences quand on néglige un aspect du changement pour aller vers une meilleure transformation digitale.

  • Impacts du digital sur les emplois ?

Cette analyse qui est valable aussi à toute l’Afrique suscite des débats intéressants sur notre continent notamment par rapport à la problématique de l’emploi. En relation avec les impacts du numérique sur les emplois, plusieurs études ont été réalisées dont celle de plusieurs experts invités par Dell qui affirme que 85% des emplois de 2030 n’existent pas aujourd’hui. D’autres études montrent lorsqu’une délocalisation permet d’économiser jusqu’à 65% sur le coût du travail, une robotisation va réduire ce coût de 90%.  Comme on ne peut pas arrêter le progrès technologique, des solutions sont proposées pour réduire l’impact technologique sur l’emploi. Si les robots semblent remplacer les qualifications classiques, les systèmes à base de l’intelligence artificielle, semblent attaquer les métiers, dits supérieurs, comme ceux des médecins ou des avocats.

  • Quelle interaction existe entre la Politique et le numérique ?

Etant donné que le numérique constitue un nouveau paradigme qui impacte toutes les activités en Afrique, il est important de veiller au renforcement du niveau de la culture en numérique de nos élus africains et aussi de nos jeunes. Comprendre ces révolutions technologiques est une nécessité et ce afin de mieux les apprivoiser ou afin de mieux les contrer ! L’Afrique ne doit pas rater le train de cette nouvelle révolution du numérique. Ensuite, il est important de promouvoir les applications du numérique dans des centres d’incubation dédiés. L’Afrique a réussi dans la monnaie mobile. Modèle qui est en train d’être émulé avec des améliorations dans les autres continents. Aussi, le temps est venu pour revoir les programmes scolaires en pensant à initier nos jeunes dès le primaire à la programmation informatique pour accompagner les 300 milliards de dollars d’investissements prévus dans les nouvelles technologies numériques dans les dix ans à venir dans notre continent. Nos politiques africains ne doivent pas oublier que le numérique peut, entre autres, aider nos état à maîtriser les recettes et les dépenses, rendre transparents les services aux citoyens et aux entreprises, dématérialiser et simplifier les procédures administratives, améliorer la productivité des services de l’Etat, améliorer la sécurité civile et militaire, développer la santé, développer l’éducation, améliorer la pédagogie et démocratiser les compétences générales et techniques de base en TIC, protéger l’environnement et maîtriser les consommations d’énergie.

  • Quelles sont les conditions nécessaires pour une utilisation du numérique à des fins productives et créatrice de vrais entrepreneurs ?

  1. Encourager les innovations et l’esprit d’entreprise en la matière en visant particulièrement les plus jeunes dans un premier temps.

  2. Promouvoir la formation depuis l’enseignement dédiés aux compétences générales et d’usages TIC, en passant par l’éducation universitaire des ingénieurs en numériques et la formation continue des professionnels IT.c

  3. Transformer l’administration et Moderniser les plateformes IT de l’état à travers un plan d’action global afin de démocratiser l’accès à l’information, et rendre les services au citoyen et à l’entreprise plus simple, plus transparents et plus rapide.

  4. Continuer l’effort d’équipement en très haut débit en consolidant davantage la concurrence entre les opérateurs télécoms tout en visant la réduction de la fracture numérique par notamment le biais du fond du service universel.

  5. Entamer un cadre réglementaire numérique qui promeut la confiance numérique (la protection des données personnelles, la signature électronique, et la cyber sécurité).

Entretien réalisé par Youssef Diop avec Ahmed Khaouja.

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