mercredi , 16 octobre 2024

Covid-19 : Quelques enseignements à retenir du bilan mi-parcours (mars 2020-Mars 2021)

Sur les plans scientifique et technologique

Par M. Mohammed Taher SBIHI (*).

Les réseaux télécoms et les technologies de l’information ont permis aux humains de développer une certaine résistance face à la pandémie. La dernière fois qu’un virus a été aussi dévastateur remonte à 1918, année de l’éclosion de la fameuse grippe espagnole. A cette date, on comptait à peine 13 millions de postes téléphoniques fixes dans le monde, et ce, pour une population mondiale de 1,86 milliard à l’époque. Sur ces 13 millions de terminaux, 9 millions étaient en service aux USA. Aucune chaine de télévision ni de radio n’existaient à l’époque. Alors qu’aujourd’hui, 70% de la population mondiale (comptant au total 7,8 milliards) est équipée d’un téléphone mobile et plus de 50% de cette population est dotée d’un smartphone, avec accès aux divers services de l’internet. Au cours de la première année du Covid-19, les gens ont ainsi eu la particularité de vivre dans deux mondes différents : le physique et le virtuel ; alors qu’en 1918, l’humanité n’habitait que dans le premier monde !

Aujourd’hui, nous devons donc vivre plus numériquement, et l’accès au numérique doit désormais être considéré comme une prestation prioritaire, un service public à part entière, à l’instar de fournitures classiques tels l’électricité, le gaz ou l’eau potable.

La révolution numérique a bien changé des choses. En 1918, il était impensable que les administrations, les entreprises et les écoles puissent fonctionner à distance. Or, avec le déclenchement du Covid-19, le télétravail et le téléenseignement sont devenus une réalité quotidienne, voire incontournable. De même, la généralisation de la digitalisation, déjà amorcée avant cette crise sanitaire, se poursuit à présent à un rythme soutenu et dans tous les domaines.

Nul doute que l’Homme a finalement compris qu’il a intérêt à gérer les systèmes, les risques, les urgences et les situations de crises, en groupes pluridisciplinaires (intelligence collective) et en s’appuyant sur des processus décisionnels et outils collaboratifs, confortés par de l’intelligence artificielle.

A cet effet, le big data sera un atout majeur pour ceux qui le produisent et le maitrisent. Les plus efficients feront le monde de demain, Toutefois, la question de la protection des infrastructures numériques refait surface. En effet, sans ces dispositifs de protection et de maintenance, il est admis, aujourd’hui, que cette ’infrastructure pourrait facilement s’effondrer.

Sur le plan des stratégies mondiales et de la politique économique : 

Plusieurs certitudes scandées hier ont été ébranlées. En effet, le choc économique et la récession mondiale et multisectorielles provoqués par la pandémie, ont révélé l’extrême vulnérabilité de la mondialisation, présentée jusque-là comme triomphante.

 Le Covid-19 a mis en lumière les limites du libéralisme. Les règles du marché ne peuvent plus, à elles seules, diriger le monde : L’interventionnisme de l’Etat est devenu salutaire pour réguler les marchés et corriger les dysfonctionnements du libéralisme (réduction des disparités et des inégalités sectorielles et régionales, protection de l’écosystème et gestion des crises sanitaires). Il ne fait plus de doute, aujourd’hui, que la réduction de la fracture socio-économique est du ressort exclusif de l’Etat. Toute la stratégie de celui-ci devrait dorénavant se déployer autour d’un mixage sélectif et subtil de «libéralisme régulé ». Les politiques protectionnistes et interventionnistes d’antan, ne faisant plus simplement partie des annales de l’histoire, s’imposent aujourd’hui plus que jamais.

La première année du Covid-19 a été aussi l’occasion de prendre conscience de la valeur du voisinage régional, comme un bien commun, qui est susceptible de favoriser les possibilités de croissance, de réduire la dépendance vis-à-vis des « grands » et de renforcer le pouvoir de négociation des pays émergents.

 L’impératif de favoriser la coopération entre les Etats, de se regrouper en pôles régionaux et d’établir des partenariats multilatéraux, gagnants de part et d’autre, a repris ses lettres de noblesse.

Au plan interne et à l’échelle des pays, la pandémie a particulièrement sensibilisé les décideurs sur l’importance d’investir davantage dans les domaines de la santé publique               (recherche médicale et médecine numérique entre autres) et de l’éducation, respectivement pour une égalité de soins et de savoir. Ces décideurs sont aussi sensibilisés sur la nécessité de développer davantage la recherche fondamentale, la protection de l’écosystème et les systèmes d’alerte. Le souci d’élargir, pour ce faire, la sphère de l’intelligence artificielle et de l’innovation a également repris le dessus, en cette période de crise.

Sur le plan social et culturel : 

Tout au long de l’épreuve sanitaire, il a été observé des foyers de vulnérabilité et de tension sociale, des souffrances psychologiques chez des milliards de personnes. Ces souffrances individuelles et collectives sont dues à la vague de chômage et de sous-emploi, consécutifs au marasme économique, mais aussi à la dureté des mesures de confinement des populations.

Au lendemain du Covid-19, l’Homme s’est rendu compte que le globe terrestre qui l’abrite n’est qu’un village en fait, que les distances géographiques, si lointaines soit-elles, sont réduites à néant grâce aux NTIC, que les innovations technologiques les plus sophistiquées ne sont pas infaillibles en présence de situations de crises, que la santé de tous est un bien commun à préserver. Ainsi, malgré les progrès réalisés par l’humanité depuis des siècles, l’Homme s’est aperçu qu’il est foncièrement vulnérable et le restera peut être toujours.

 En conclusion, après la guerre espagnole et la seconde guerre mondiale, l’humanité n’aura pas connu un bouleversement aussi brutal que celui du Covid-19. La communauté internationale a souffert le martyr. Mais, prise globalement, elle a fait preuve d’une certaine résilience face à l’épreuve, avec cependant la prise en conscience de la nécessité d’une meilleure solidarité intercommunautaire pour affronter, en commun, les défis d’aujourd’hui et de demain. 

(*) : M. Mohammed Taher SBIHI, universitaire, économiste et chercheur en gestion.

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