jeudi , 26 décembre 2024

Télescope spatial James Webb : l’Obsession Originelle.

De quelle origine… ?

Pourrions-nous vivre, un instant, sans nous référer à nos origines individuelles et collectives ? Presque jamais, sauf si nous voudrions nous contenter d’exister. Or exister n’est pas vivre et comme nous avions décidé de vivre, nous ne cesserions jamais de nous interroger sur la date et le lieu de la présence du premier spécimen d’entre nous sur cette planète. Nous sommes si hantés par cette quête originelle que nous dépensons des sommes phénoménalement faramineuses pour la connaissance de l’émergence de notre espèce et tout ce qui nous entoure. Nous sommes intrigués, jusqu’à l’obsession, par la nature du premier être humain à avoir frôler le sol terrestre, homme ou femme… son « adresse », ses habitudes et ses préoccupations. Alors, nous fouillons sans repos les sols et inspectons les moindres traces fossiles à la recherche de vivants disparus et de leurs activités ; nous interrogeons sans répit les restes des ruines pour remonter aux cultures et aux cultes de groupes évanouis. Bref, nous visitons et repoussons en permanence les confins de la connaissance et de la science pour qu’enfin nous arrivions, un jour, à définir avec précision notre origine à nous, celle de l’Univers, ses planètes et ses exoplanètes.

A titre individuel

Même si actuellement nous sommes condamnés à rester sur place, interrogeons, tout de même, nos passeports bien confinés dans des tiroirs, pour savoir qu’est-ce qu’ils ont tous en commun à nous dire. Et que nous apprennent-ils ? Juste après le nom et le prénom : une origine du temps : né le …/…/…. Et une origine spatiale :  à tel endroit.

Aucun papier digne d’une pièce d’identité ne peut se passer de ces deux origines qui nous échappent complètement puisque seuls nos parents ont eu à les choisir pour nous à la date et au lieu de notre naissance. Ces deux origines sont si importantes et si présentes qu’elles définissent fondamentalement notre identité.

Et nous imposons cette manie des origines même aux objets que nous concevons et réalisons de nos propres mains. Par exemple, aucun véhicule, civile ou militaire, terrestre, aérien ou naviguant sur ou sous les eaux, ne peut circuler sans une carte d’identité où, justement, sont répertoriés la date de première mise en circulation et le lieu de fabrication…

A l’échelle sociétale.  

Or ce qui est le propre de l’individu l’est également des groupes d’humains. Toutes les sociétés actuelles enseignent, aux nouvelles générations, l’origine temporelle des pays : histoire ; et l’origine spatiale des frontières : géographie.  Chaque pays célèbre tous les ans à une date bien choisie sa fête nationale qui correspond généralement à sa fondation ou à son indépendance donc à sa naissance ou à sa renaissance.

Mya : Millions d’années.

Or et toujours, ce qui caractérise les sociétés humaines actuelles, l’a été également aux groupes terrestres anciens. Ainsi, nous avons fait appel aux diverses méthodes de datation allant de la méthode par Uranium-Thorium à la datation par Potassium-Aragon pour situer les premières présences humaines et nous avons abouti à localiser TOUMAÏ (Tchad, 7 millions d’années) ; ORRORIN (Kenya, six millions d’années) ; LUCY (Ethiopie, plus de trois millions d’années) …

A l’échelle planétaire.  

Et à nouveau, ce qui est valable aux groupes humains, récent ou disparus, l’est également à notre planète dont l’origine remonte à plus de quatre milliards s’années…

Et la science de préciser : quatre milliards et demi… et la science de repréciser à nouveau : quatre milliards cinq cent millions et trois cent mille années…et ainsi de suite, à force d’investigations scientifiques, jusqu’à de la localisation originelle avec exactitude définitive.

Rien ne nous décourage face à cette quête : nous voudrions savoir l’année, le mois et le jour de la naissance de la Terre, et si possible, l’heure avec le défilé des minutes et des secondes. Et tous les budgets sont permis pour permettre à la science de chasser la moindre incertitude qui empêche l’accès à cette origine. Et des moyens toujours sophistiqués et onéreux sont déployés pour sonder l’apparition de l’embryon terrestre le plus perdu et le germe de l’Univers le pus reculé.

A l’échelle universelle

Et c’est pour cette raison, qu’il y a à peine quelques semaines, le 25 décembre 2021 exactement, le plus gros télescope jamais construit a pris le large : destination les ténèbres enfouis dans le passé épais et lointain. Des tonnes de câblages, de miroirs… des antennes embarquées et surtout des systèmes de télécommunications bidirectionnelles vers et depuis l’observatoire via le réseau Deep Space de la NASA, en relation avec les trois stations au sol situées à Canberra (Australie), Madrid (Espagne) et Goldstone (États-Unis).

Et toute cette prouesse de télécommunications, à 10 milliards de dollars, dont la gestation a duré une trentaine d’années porte le nom de télescope spatial James Webb (JWST). Il mettra un mois pour atteindre son poste d’observation situé à 1,5 millions de KM de la Terre et beaucoup plus loin que les six cent Km auxquels était assigné son prédécesseur Hubble.

Et les premiers balbutiements de JWST sont attendus dans six mois donc pas avant juin 2022. Trente années de gestation, un mois de marche et six mois pour offrir la première grimace et communiquer, on dirait un nouveau-né !

Or, à une distance aussi lointaine de la Terre, à un million et demi de km, on est insensible à un quelconque virus terrestre dont les ravages demeurent invisibles là-haut. A une distance pareille de la Terre, on n’a pas idée d’un virus réputé très coriace, à moins qu’une imprudence technique l’ait laissé s’embarquer à bord de l’Œil Géant : une fois sur place, produirait-il les mêmes vagues Deltaïques et Omicroniennes qui tiennent, ici-bas, notre l’humanité en haleine !

Une petite curiosité originale

Le mot Origine est un dérivé du verbe latin Oriri qui signifie s’élever, prendre naissance. D’où originaire : qui a pour origine ; original : qui porte son origine ensoi et qui n’imite pas ; originel : qui nous intéresse ici, renvoie à ce qui date de l’origine. Un autre dérivé inattendu : avorter (préfixe ab– qui marque l’éloignement et l’absence), avorter c’est ne pas naître, ne pas donner naissance. Alors, est-ce parce que nous sommes nés que nous sommes condamnés à nous interroger sur nos origines ?

Par Ata-Ilah Khaouja

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