Il est développé, dans ce qui suit, sous forme d’un aperçu en 5 points, les principaux éléments à retenir de la taxation des géants numérique, au titre de leurs activités internationales. En matière de taxation des géants du net, l’exemple de la France est avancé à titre d’illustration. Il existe des expériences analogues en Inde et en Autriche. Mais notons que la France a prévu d’abandonner cette loi une fois les accords de l’OCDE concernant la taxation des géants du numérique deviendra opérationnelle
- La taxation des géants du numérique (OCDE) :
Dans la déclaration adoptée récemment par l’OCDE (OCT 2021), on a créé le principe de la taxation des entreprise multinationales (EMN) et des géants du numériques en l’absence de présence physique dans un pays donné. Les entreprises couvertes sont les entreprises multinationales dont le chiffre d’affaires mondial dépasse 20 milliards d’euros et dont la rentabilité est supérieure à 10 %. Pour les entreprises concernées, 25 % du bénéfice résiduel défini comme le bénéfice au-dessus d’un seuil de 10 % sera attribué aux juridictions de marché qui satisfont au critère à partir d’une clé de répartition fondée sur le chiffre d’affaires. En effet afin d’être éligibles à ce droit de taxation, lesdites juridictions devraient recevoir au moins 1 million d’euros de recettes par multinationale concernée. ce qui exclut la plupart des économies des pays africains de ce nouveau modèle d’allocation des recettes fiscales. Il est vrai que la déclaration du cadre inclusif prévoit une exception pour les petites juridictions, dont le PIB est inférieur à 40 milliards d’euros, en leur attribuant un droit d’imposition à partir d’un seuil de 250 000 euros. Mais il y a lieu de constater que même ce critère n’est pas suffisamment inclusif, notamment s’agissant des économies africaines. Dans cet accord de l’OCDE on a aussi prévu un impôt mondial minimum sur les sociétés, dont le taux a été fixé à 15 %. Ce nouveau taux d’imposition minimum s’appliquera aux entreprises qui réalisent un chiffre d’affaires d’au moins 750 millions d’euros. Afrique semble non concerné aussi par ce deuxième pilier puisque le taux d’imposition moyen en Afrique s’élève à 27% en 2023.
- Taxe appliquée aux géants du numérique en France prévue par la Loi française du 24 juillet 2019 :
La taxe instituée en application de cette loi s’inspire de la proposition de directive de la Commission européenne concernant le système commun de la taxe sur les services numériques. Cette loi du 24 juillet apporte des amendements au code général des impôts français, afin d’intégrer la taxation des géants de l’internet. Mais la France a prévu d’abandonner cette loi une fois les accords de l’OCDE concernant la taxation des géants du numérique (cité dans point 1) deviendra opérationnelle. Cette taxation numérique en France sera, comme c’est le cas en Autriche, appliquée aux très grandes entreprises qui font un chiffre d’affaires mondial sur leurs activités numériques de 750 M€ au niveau mondial et un chiffre d’affaires en France de plus de 25 M€. Soulignons que depuis sa mise en œuvre cette loi française rapporte en moyenne 500 millions d’euros annuellement à la France. La France est consciente qu’avec les accords de l’OCDE ne peut espérer recueillir cette somme.
- Contrairement à l’impôt classique sur les sociétés,
La taxe numérique n’est pas appliquée sur les bénéfices mais sur le chiffre d’affaires de l’entreprise. Elle est déclarative. Pour les entreprises qui payent l’impôt sur les sociétés en France, elles pourront déduire le montant de cette taxe de leur base d’imposition sur les bénéfices.
- Concrètement, chaque entreprise sera tenue
De définir son chiffre d’affaires numérique en France, puis de le déclarer au fisc. Cette taxe est donc déclarative, à charge pour Google, Facebook et consorts de calculer eux-mêmes leur propre coefficient de présence numérique. Ils s’exposent évidemment à un contrôle fiscal en cas de minoration de la part du ministère des finances.
- La taxe ne cible pas l’intégralité du chiffre d’affaires des entreprises du numérique :
En effet, elle se focalise sur les trois activités qui génèrent le plus de valeur : Il s’agit des revenus tirés de la publicité en ligne, de la vente de données personnelles à des fins publicitaires et de l’activité dite de « marketplace » (place de marché en français). Par exemple, un libraire ou un particulier met en vente un livre à 20 euros sur le site d’Amazon. S’il trouve preneur, Amazon va prélever 15% sur le montant de la transaction au titre des « frais de vente », soit 3 euros. Ce géant réglera ensuite les 3% de la taxe sur les 3 euros gagnés dans l’intermédiation.
(*) Youssef Diop est consultant Télécoms et TICs.