Le présent article est né de la discussion que nous avons eue, moi et mon ami Ahmed Khaouja autour d’un café. Nous sommes partis de nos souvenirs des années 1978 – 1980 à Sup Télécom pour survoler les extraordinaires évolutions technologiques dans le domaine informatique (ordinateurs de plus en plus puissants et algorithmes et logiciels de plus en
plus performants) et leurs retombées sur tous les secteurs d’activité. Nous nous sommes vite retrouvés en train de parler de l’Intelligence Artificielle (IA), ses domaines d’application actuels et ses perspectives de développement. A ce propos, nous avons évoqué les questions que les spécialistes et les observateurs se posent : L’IA dépassera-t-elle l’intelligence humaine dans certains domaines ? Si oui, peut-elle dépasser l’intelligence humaine partout ?
Et voilà que l’ami me fixe et me demande de faire du thème de cette discussion une contribution à LTE Magazine.
J’ai pensé décliner poliment la proposition. La thématique en question est un peu loin de mon domaine de compétence, même si tout est dans tout et réciproquement! Finalement, passée ma première hésitation, je me suis dit que les éléments de notre discussion précitée pourraient faire l’affaire et que l’IA est en relation aussi avec les TIC et les télécoms, car comme on dit tout est lié et bien lié!
En l’état actuel du développement technologique, la définition qui semble la plus accessible est celle d’Elaine Rich: l’Intelligence artificielle est l’étude des méthodes permettant aux ordinateurs de réaliser des tâches pour lesquelles les êtres humains sont supérieurs. Autrement, l’IA est l’ensemble des capacités conférées « par l’être humain (rationnel) » à une machine (robot) pour penser et agir (rationnellement) comme lui.
QUELQUES EXEMPLEs D’APPLICATION de l’IA ?
Les véhicules autonomes :
A mon avis, l’exemple le plus pratique à considérer est celui des véhicules autonomes. Leur technologie repose sur le machine learning (ou apprentissage automatique). Il s’agit d’algorithmes informatiques capables d’apprendre tous seuls et de réaliser ainsi des tâches jusqu’ici impossibles à accomplir. Ces engins font peu à peu leur apparition dans la circulation réelle. Uber a d’ailleurs débuté ses tests en 2016 avec de vrais clients. Et, au dernier Salon de Francfort de septembre 2017, chaque groupe de constructeurs automobile a présenté au moins un prototype de véhicule autonome. Certains ont proposé l’option « Conduite Autonome ».
Dans ce type de véhicule, l’ordinateur à bord serait capable de conduire et prendre « toutes les décisions » à la place du conducteur: Il permet à la fois d’analyser des textes (panneaux de signalisation), des images (environnement de la voiture, type de panneaux), de prendre des décisions en fonction de l’environnement et du code de la route et de conduire comme le ferait un être humain. On passe ainsi d’une aide limitée au pilotage à l’automatisation totale ; à savoir le remplacement de la conduite humaine par une intelligence artificielle embarquée.
Ce tournant industriel s’avère important et soulève des questions d’éthiques liées à l’intelligence artificielle: Comment une voiture autonome réagirait-elle face au risque d’accident ? Ou encore, dans un accident, qui, une voiture autonome choisira-t-elle d’épargner ? Les vies humaines des passagers ou des piétons? Sauver un chat sur le trottoir ou épargner la vie de l’enfant qui traverse la route au dernier moment ? Quels choix, va effectuer l’algorithme d’une voiture autonome?
Ainsi, le déploiement de ces engins sur les routes nécessite un encadrement juridique approprié. Début 2016, les autorités fédérales américaines, saisies par Google, étaient prêtes à considérer les logiciels d’intelligence artificielle comme des conducteurs à part entière. En septembre 2017, toujours aux Etats-Unis, l’annonce pour l’allègement de la réglementation pour la mise en circulation des voitures autonomes a été faite. Ce possible changement de réglementation permettrait aux voitures autonomes de rouler sur l’ensemble du territoire américain
Les jeux :
Le Stockfish, champion du monde 2016 des logiciels « classiques », a été battu par l’intelligence artificielle d’une filiale de Google :
Le 5 décembre 2017, à London, un tournoi d’échecs a été joué entre deux machines dotées de l’IA : l’algorithme d’intelligence artificielle AlphaZero de la société britannique DeepMind rachetée en 2014 par Google et Stockfish, champion du monde des programmes d’échecs en 2016 et très supérieur à n’importe quel champion humain. L’algorithme AlphaZero a gagné contre Stockfish.
Le meilleur joueur français (et n° 5 mondial) Maxime Vachier-Lagrave déclarait ainsi : « C’est un résultat remarquable. Même en rêve, je serais incapable de battre Stockfish ne serait-ce qu’une seule fois. Le score d’AlphaZero est particulièrement impressionnant. ».
Après que L’ordinateur «Deep Blue» a gagné aux jeux d’échec contre Kasparov en 1997, un programme de Google Deep Mind installé sur un ordinateur a gagné aux jeux GO contre un champion professionnel en 2016:
Un programme de Google Deep Mind a relevé le défi du jeu de Go. Coup de maître dans l’univers de l’IA. Pour la première fois, un ordinateur a battu un joueur de Go professionnel en 2016 en Corée du Sud, jeu plus difficile que le jeu des échecs. Cet exploit vient après celui réalisé en 1997 quand le champion d’échecs Garry Kasparov avait perdu contre l’ordinateur d’IBM Deep Blue. Qui aurait parié un centime dans les années 1950 sur le fait que des ordinateurs gagneraient aux jeux d’échecs et aux jeux GO.
La médecine :
Au dernier meeting annuel (2017) de l’American Society of Clinical Oncology (ASCO) on a évoqué largement de la qualité des conseils de Watson en termes d’aide pour le traitement de cancers. En plus d’obtenir de très bons résultats pour la détection et le traitement de divers cancers, Watson est capable d’analyser les mutations et conseiller un traitement personnalisé pour les patients atteints de cancers du sein et des poumons 78% plus vite qu’un praticien habituel (24 minutes contre une moyenne de 110 minutes !). L’intelligence artificielle d’IBM Watson est déjà beaucoup utilisée à travers le monde, notamment dans des centres de soins en Australie, au Mexique, au Brésil et en Asie. IBM a annoncé l’équipement de neuf nouveaux centres médicaux afin d’assister les médecins dans le traitement de leurs patients. Plus Watson apprend des expériences traitées, plus il pourra analyser efficacement les différents types de cancers.
L’astronomie : A la recherche de nouvelles planètes
Le 14 décembre 2017, la NASA et Google ont annoncé lors d’une conférence de presse commune avoir découvert deux nouvelles exo planètes baptisées Kepler-80g et Kepler-90i grâce aux technologies d’apprentissage machine : 15 000 enregistrements déjà étudiés par les astronomes sont soumis à un réseau de neurones artificiels. Grâce à eux, l’ordinateur a appris à faire la différence entre les exo planètes, les systèmes à deux étoiles ou les simples erreurs d’observation, avec un taux de réussite de 98,8 %.
La gestion du spectre des fréquences : A la recherche d’une meilleure méthode d’allocation des fréquences.
Le spectre de fréquence est une ressource rare. Or le besoin de fréquences ne cesse de croitre avec plus de terminaux connectés. Actuellement des fréquences sont allouées de manière statique à des opérateurs télécoms. Dans l’avenir avec l’IA, tout va changer. Des recherches sont en cours aux USA dans le domaine de l’optimisation de la gestion du spectre des fréquences par l’utilisation de l’IA. Ces recherches visent à s’appuyer sur l’intelligence artificielle pour créer une méthode d’allocation des fréquences totalement dynamique et en temps réel. On pense ainsi à révolutionner la méthode d’allocation des fréquences et passer du mode statique actuel vers un mode totalement dynamique.
Vers une intelligence artificielle égale ou supérieure à l’humain ?
Depuis quelques années les géants du numérique IBM, Microsoft, Amazone, Google, Facebook, et Apple investissent énormément et ciblent des domaines de l’IA les plus porteurs de croissance. Un chiffre: En 2016, l’investissement dans l’IA dans le monde est de 26 à 39 milliards d’euros :
Pour IBM,un autre objectif de Watson, est de répondre à n’importe quelle question posée par un humain en langage naturel, à l’oral ou à l’écrit. Watson serait capable de lire des articles de presse ou de recherche, des tweets, des romans ou encore des posts de blogs écrits en anglais et dans sept autres langues. Le top management d’IBM indique que, fin 2017, plus d’un milliard de personnes utiliseront Watson à travers des programmes commerciaux grands publics ou business.
Chez Microsoft le Projet Brainwave permettrait de traiter les requêtes de l’IA en temps réel et dans le Cloud, avec une latence d’une milliseconde (aujourd’hui).
Google a annoncé la sortie de l’IA baptisée AutoML, capable de générer d’autres IA plus performantes. Nous sommes bien à la seconde étape de ce que l’IA est capable de faire.
Chez Facebook, le premier objectif est de réaliser un assistant virtuelle plus humain possible: Doté de sa propre intelligence, cet assistant serait capable de comprendre un humain et de l’aider, en dialoguant avec lui de façon naturelle.
Aux États-Unis, la Start-up,PredPol, entend conseiller les policiers pour prédire le crime dans le temps et l’espace afin d’orienter les patrouilles. Sera-t-il encore possible pour les agents de terrain de discuter les prédictions de ce logiciel ?
Intelligence artificielle : la meilleure… ou la pire chose pour l’Humanité ?
Dans une tribune publiée dans The Independant en 2014, Stephen Hawking avait même expliqué que l’intelligence artificielle pouvait être « soit la meilleure soit la pire chose jamais arrivée à l’humanité ». Tout dépend de la façon dont elle sera développée, appliquée et contrôlée. Une IA non contrôlée, conjuguée à une robotique domestique, médicale ou militaire, dont les progrès sont d’ailleurs remarquables, laisse entrevoir des possibilités effrayantes.
C’est pourquoi de grands acteurs dans le domaine demandent l’organisation de débats éthiques, circonscrivant le champ des recherches, le limitant jusqu’à ce que des solutions sûres et imparables soient trouvées pour assurer par l’Homme un contrôle effectif de l’IA et éviter d’aller au-devant de risques aisément prévisibles.
(*)Mohammed HAMMOUDA est expert dans les radiocommunications.
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