Plusieurs exemples de bio-inspiration dont les télécoms
juillet 11, 2017
tribune libre
Le « bio » c’est la vie, c’est-à-dire, bio signifie vie. La toute petite vie, comme celle-là qui a intrigué les occupants de la station internationale ISS, se nomme microbe dont l’étude est microbiologie. Par ailleurs, le bio est tellement à la mode, par les temps qui courent, qu’il mérite que nous nous y intéressons. Bien évidemment, il ne s’agit point de ce bio flairé par nos narines, savouré par nos langues gustatives et destiné à nos estomacs. Mais concentrons-nous, plutôt, sur celui-ci convoité par les neurones de nos cerveaux ; le bio de l’apprentissage : bio-cognition ; le bio des sciences : bio-technologie, bio-chimie, bio-médical, bio-éthique…. En particulier le bio qui n’a cessé d’inspirer des générations depuis toujours: le bio de la nature. Nous y reviendrons.
Le bio de cette nature que nous avions cru, jusqu’à récemment, muette, inépuisable et complétement soumise à nos envies. Nous l’avons longtemps crue ainsi, puisqu’un certain Francis Bacon, depuis son 16ème siècle, nous préconisait, quelque chose comme : « pour commander la nature, il faut lui obéir ». Cette recommandation est arrivée à une date où la Terre semblait infinie et les ressources paraissaient inépuisables. Or, l’exploitation, sans frein ni limites, a viré, vite, au saccage jusqu’à menacer toutes vies, la nôtre et celle de toute la planète. Patiente et sage, la nature nous a laissé faire durant des siècles, et puis, par l’effet du retour du bâton-réchauffement-climatique, nous a fait bien comprendre, sous le clin d’œil malicieux du trou de l’ozone, que nous n’avons plus à la commander mais plutôt à la ménager. Du coup, les appels à la raison et à l’utilisation prudente des richesses naturelles se multiplient. A l’exemple de ces apiculteurs qui, observant certaines abeilles menacées d’extinction, à cause des pesticides, et qui, pour être entendus, faisaient dire à Einstein ce qu’il n’a jamais dit : « l’humanité vivra quatre ans après la disparition des abeilles ». Cette vérité, alarmante, est partagée, aujourd’hui, par tous les scientifiques sensibles aux questions de l’environnement et de la diversité biologique. De la bio-diversité.
Mais tout d’abord, notons ce retard gigantesque : il a fallu du temps à l’Homme pour comprendre le génie de la nature : quand elle agit, elle le fait sans gaspillage de matière ni dépense excessive d’énergie et sans utilisation de produits toxiques non plus. De la goutte d’eau jusqu’aux baleines, en passant par les plantes sans oublier ni les abeilles ni les papillons, la nature est l’œuvre de l’intelligence assurant le rendement maximal. Et la beauté sublime en prime ! Tout à fait le contraire de nos actions. Il lui a fallu, ensuite, beaucoup de temps, pour comprendre que la nature n’est pas qu’un gisement de ressources à puiser, mais, qu’elle est une langue à comprendre et un message à lire. Il lui a fallu, enfin, du temps pour admettre qu’il n’est plus question de commander la nature, mais de faire comme elle. Et actuellement, la prise de conscience est telle, que tout est fait pour que l’Homme agisse comme elle sait faire. « Faire comme » s’appelle mimer ou imiter. Cela est d’autant plus d’actualité que des centres de recherche, partout dans le monde, s’intéressent à cette imitation appelée, à quelques nuances près, bionique ou bio-mimétisme. Ou encore bio-inspiration, pour désigner les procédés de fabrication, de production …et de transmission, qui miment, le mieux et le plus longtemps possible, cette belle nature.
Le bio-mimétisme de nos jours est, certes, à la mode, mais cela ne signifie pas du tout que c’est une innovation originelle. Beaucoup de réussites bio-inspirées ont été réalisées dans le passé, depuis l’aube même de l’humanité. Pour preuve, et à entendre et croire les spécialistes de l’histoire de l’Homme, les premiers essais de lecture des premiers humains ont débuté par lire les traces laissées par les animaux sur le sol. En effet, l’ichnographie, qui est l’ensemble des empreintes marquées par les pattes animales, était un vrai savoir. Puisque juste en observant les formes des marques, leurs profondeurs et tailles, nos ancêtres étaient capables de préciser la nature de l’animal tout en détaillant s’il était mâle ou femelle, adulte ou âgé… Et que, selon certains récits, l’Homme s’est mis à écrire en imitant les traces des mêmes gibiers. Nous y sommes : depuis la nuit des temps, l’homme n’a pas cessé de bio s’inspirer. Mieux, cette manière de faire a même fondé l’Histoire de l’humanité puisqu’on la date, justement, à partir de l’invention de l’écriture : l’homme a abandonné la préhistoire et s’est introduit dans l’histoire par pur bio-mimétisme. Bio-inspiration d’origine ichnographique.
Deuxième exemple, et toujours en lien avec l’apprentissage, savons-nous que le mot lycée, en grec, tire son origine du loup, et signifierait le lieu où l’on dressait les loups, et il est, de nos jours, par bio-mimétisme animal, le lieu où l’on élève et éduque la jeunesse ? Ce qui prouve que nos prédécesseurs, très proches de la nature et fins observateurs des loups, avaient remarqué, sans doute, que la louve élève ses louveteaux avec tendresse et, surtout, que la meute est organisée presque rationnellement. Ce qui révèle une avancée, en éducation et en pédagogie, de cette bête sur l’humain. Alors, l’Homme se mit à copier, son système d’apprentissage, sur le loup. Du bio-mimétisme d’origine animale.
Et d’autres exemples en vrac. Le premier silex, taillé pour couper, n’est autre chose qu’une dent, incisive ou canine, sortie de la bouche humaine ou de la gueule animale. La roue, inventée au néolithique, mime le mouvement de la hanche, du genou et de la cheville ensemble, lors de nos marches et de nos courses à pied. La grosse pierre d’abord et le marteau ensuite n’ont fait que reproduire le poing serré de la main… Voilà quelques aventures tirées de l’anthropologie qui prouvent, donc, l’antériorité de la bio-inspiration.
Même les récits monothéistes ont été précurseurs en bio-inspiration. Caïn, dans le désarroi total après avoir commis le fratricide, se trouve embarrassé par le corps de son frère Abel. Pour enterrer la dépouille d’Abel, Caïn s’est inspiré d’un oiseau, sans dire lequel, d’après l’ancienne version. Et selon la version la plus récente, l’inspiration a été soufflée par un corbeau. Et dans les deux cas, l’oiseau s’est mis à creuser dans le sol, à l’aide de son bec pointu comme un silex !, pour enterrer le corps d’un autre volatil mort. Caïn ne sachant quoi faire du corps du frère, a tout simplement reproduit la scène qui s’est produite, devant ses yeux, comme un modèle ou une méthode à suivre. Bio-inspiration d’origine cultuelle.
Qu’en est-il alors des télécoms ? Quelques exemples, non exhaustifs pour illustrer des télécommunications bio-inspirées.
Exemple de drone : après avoir observé de très près certains insectes, et après s’être interrogés sur leur vol, des chercheurs ont fini par comprendre la torsion des ailes pendant leurs battements. Plus exactement, c’est la torsion du battement de l’aile qui donne la portance nécessaire au vol. Cette observation qui paraît minime, a permis d’ouvrir la voie à des drones de la taille des insectes, impossible à imaginer il y a quelques temps.
Exemple de satellite. Tout d’abord, après avoir observé de très près le fonctionnement nocturne de la rétine de l’œil d’un papillon et remarqué l’absence de réflexion lumineuse, ensuite, après avoir compris l’origine micro-structurée de l’absence de ce reflet, et enfin, après avoir imité ce procédé, des chercheurs ont mis au point un revêtement révolutionnaire qui permet d’absorber les micro-ondes comprises dans la bande Ka (26-37 GHz). Ce matériau bio-sourcé, donc très peu coûteux, car il est fait à base d’œufs de poisson et de saccharose, permet déjà une économie d’énergie grâce à la faible consommation lumineuse, et pourrait trouver des applications dans les technologies furtives, types quelques satellites ou avions, destinés à échapper à toute détection radar.
Toujours du côté des satellites, mais cette fois-ci avec un papillon, bien précis, nommé le « Morpho », dont les ailes, en cas de forte chaleur, émettent un rayonnement qui fait baisser leur température. Cette « bio-climatisation », qui permet d’éviter toute surchauffe pourrait, tout particulièrement, être utilisée pour la protection des cellules photovoltaïques des panneaux solaires embarqués à bord de ses satellites.
Un dernier exemple de fibre optique. La fibre optique, inventée dans les années 50, est toujours fabriquée à partir du verre mis sous pressions et porté à des températures excessivement élevées (1500°C quand même !), avec l’utilisation contraignante d’un solvant très agressif. Pendant que le processus inventé par l’Homme réclame des conditions exigeantes et énergivores, Euplectella, qui est une éponge océanique tropicale, œuvre, sans conditions sévères de température ni de pression et sans additif nocif, pour, livrer au bout, du verre dont les propriétés s’apparentent aux fibres optiques ultramodernes, de qualité meilleure et à coût dérisoire. Avec deux atouts majeurs : ces filaments sont plus solides et sont fabriqués à température ambiante !
Pour conclure, retenons ce détail : la devise Baconienne, périmée et dépassée, conseillait de « commander ». Or ce verbe a pour origine le mot « main ». Quelle main ? Celle qui saccageait sans retenue, détruisait sans pudeur, arrachait sans décence, creusait sans mesure… alors au lieu de singer F. Bacon dont l’ère est révolue, il est temps de méditer notre nature et de la contempler. Autrement dit : à l’image de « Wikipédia » accessible, grâce aux télécoms, à tous et partout, la nature est une véritable « Bio-pédia » offerte à qui n’est ni sourd ni aveugle, et qui est prêt à bien s’en inspirer. Pour cela, il suffit juste de la protéger. Une fois préservée, elle sauvera notre vie, car la sauvegarder c’est nous sauver.
Par Ata-Ilah Khaouja