Une révolution silencieuse se nomme formation continue. Elle a pour agent l’obsolescence qui frappe les connaissances acquises en formation initiale avec une force aussi rapide que vivace, dès l’accès au monde de l’emploi, parfois même avant. Comment réagissent systèmes et organisation systèmes et organisations qui y sont confrontés ? Système éducatif, organisations, établissements, entreprises n’ont guère le choix ; ils doivent reconsidérer les parcours de formation et l’acquisition des compétences tout au long de la vie. Le « passe ton bac d’abord » cède la place au « tu as toute la vie pour te former». Enjeu pour la société tout entière, la formation continue est la clef d’accès aux mondes multiples du savoir.
Preuve d’une certaine forme d’impuissance devant le phénomène, chacun revendique de façon désordonnée le droit à la formation tout au long de la vie. Mais, dans les faits, loin s’en faut : un récent rapport de l’union européenne remarque que l’objectif de généralisation de l’accès à la formation continue des adultes est loin d’être atteint.
La formation continue est en Europe une vieille idée. Dès la fin du siècle dernier, en Europe du Nord, les « écoles du soir » développaient l’alphabétisation des adultes. Depuis, la formation continue ou permanente s’est progressivement imposée comme outil de maintien des connaissances dans un contexte de redéfinition des qualifications dans l’entreprise notamment. Désormais, le concept européen de lifelong learning (Apprentissage tout au long de la vie) est un enjeu reconnu par tous en termes de promotion, d’accès à la culture ou, plus fréquemment, de maintien des qualifications, gage d’évolution dans l’emploi.
Deux grands types de formations continues peuvent être identifiés :
l’actualisation et le maintien des compétences, dans le cadre de parcours promotionnels
l’accès à la culture générale et à la compréhension d’un monde changeant
Mais c’est surtout l’évolution récente du marché de l’emploi qui a eu des répercussions importantes en matière de formation continue. Il faut ma intentant composer avec des critères nouveaux tels que l’employabilité qui introduit des critères différents, comme la variabilité des carrières, des compétences et des emplois. La linéarité ou la successivité des carrières, qui a paris en France un sens particulier et établit une rupture nette entre formation initiale et formation continue, cède progressivement la place à des notions plus complexes de construction d’un parcours individuel de formation et de maintien des compétences. La formation continue ne peut plus se concevoir comme le complément ponctuel d’une formation initiale acquise une fois pour toutes, mais comme une adaptation nécessaire à des changements, plus nombreux que naguère, de vie professionnelle et sociale.
Pour autant, l’épanouissement personnel et collectif ne se résume pas à la seule vie professionnelle. L’accès à la culture générale est aussi important que la culture professionnelle, car il autorise et détermine les comportements essentiels à l’adaptation tout au long de la vie. La formation continue est aussi un problème de société du temps dégagé. Elle peut devenir un levier puissant de savoir partager, notamment grâce à des coûts réduits en matière d’édition électronique ou traditionnelle.
Université et formation continue : un bilan
L’Université est concernée au premier chef par la formation tout au long de la vie. Nombreux sont les établissements d’enseignement supérieur à s’être dotés de services communs de formation continue. L’Université a vocation à devenir un lieu privilégié de passage et de brassage de populations différentes. On peut toutefois se demander si l’université est prête à aménager cet espace de confrontation et d’enrichissement des différences.
La France s’est dotée de plusieurs outils intéressants dans le domaine de la formation continue tout au long de la vie avec par exemple la validation des acquis professionnels (loi du 20 juillet et 1992). Ce dispositif tient lieu de sucées aux épreuves dont le candidat a été dispensé par un jury ad hoc. Les premiers bilans dressés par le ministère de l’Education nationale montrent que ce système a fait ses preuves, même si la référence absolue demeure le diplôme académique et si le découpage des diplômes existants en modules n’est pas toujours adapté à la réalité de l’expérience professionnelle ; néanmoins, ce système favorise le retour des adultes à l’université. De même, la loi quinquennale sur l’emploi votée en décembre 1993 a mis en place le capital temps formation qui, au sein de l’entreprise, permet d’articuler une logique individuelle de formation avec la démarche collective de l’entreprise en termes de parcours promotionnels. Toutefois, le lien entre formation continue et mobilité professionnelle ascendante est souvent ténu. Le congé individuel de formation est également un outil intéressant.
Demeurent, cependant, un certain nombre de freins à la généralisation de la formation continue universitaire en termes de coûts, de préparation et de formation des enseignants à ces nouvelles tâches, de disponibilité des locaux, des horaires et surtout de prise en compte de ces activités dans l’évaluation des enseignement.
Pour une reconnaissance de la formation en continu
Pour être pleinement reconnue et mise en œuvre, la lever plusieurs défis :
Le socle de formation initiale doit être redéfini en conséquence. Il s’agit de réfléchir au socle de base à partir duquel toute formation complémentaire sera rendue possible au cours d’une vie professionnelle. Les filières de formation sont-elles adaptées à ce nouveau partage des rôles entre formation initiale et continue ?
La formation continue est un véritable défi pour tous les acteurs sociaux pour le système éducatif, il s’agit :
de préparer dès la formation initiale aux exigences nouvelles de la vie professionnelle en faisant du jeune en formation un « acteur de la construction de sa qualification » et en substituant les logiques de passivité à celles de l’autonomie dans l’acquisition des savoirs,
de repenser l’évaluation et la docimologie en termes de savoir être et de savoir-faire,
de dispenser aux adultes en fonction de demandes ciblées des formations qui renforcent leurs capacités d’adaptation aux mutations technologiques et à l’emploi,
Pour l’économie, il s’agit :
de repenser l’évaluation et la docimologie en termes de savoir être et de savoir-faire,
de dispenser aux adultes en fonction de demandes ciblées des formations qui renforcent leurs capacités d’adaptation aux mutations technologiques et à l’emploi,
Pour l’entreprise, il s’agit :
de retrouver un lien fort entre logique de formation et parcours promotionnels au sein de l’entreprise, de développer la mobilité professionnelle,
d’accorder une place plus importante aux partenaires sociaux dans la définition et l’application des référentiels de formation.
Une coopération plus systématique s’impose entre l’entreprise et système éducatif pour préciser et approfondir un nouveau partage des rôles entre formation initiale et continue. Et l’Université peut endosser le rôle « d’école de la deuxième chance » pour de nombreux adultes à des niveaux différents.
Les demandes croissantes de formation témoignent d’accès généralisé à la connaissance. L’Université peut devenir ce lieu de confrontation
(et d’explication) des cultures professionnelle, générale et initiale, contribuant ainsi à bâtir des réseaux de connaissance et des brassages culturels et sociaux plus fréquents.
Enfin, l’enseignement à distance représente un gisement d’accès à la connaissance. De même, la télé travail ouvre des perspectives nouvelles pour le devenir des zones rurales et urbaines.
Dans ce cadre, il serait judicieux de faire participer l’Université privée qui pourrait apporter une contribution appréciable en plus de celle fournie jusqu’à présent par l’Université étatique. Elles peuvent jouer ensemble et sous la direction du ministère de l’Enseignement supérieur un rôle central pour la mise en place d’une politique ambitieuse de formation continue.
Elles doivent, par ailleurs, mener une campagne de sensibilisation auprès des enseignants qui sont les principaux acteurs pour faire aboutir cette action de grande envergure.
Abdelaziz DAOUD
Professeur universitaire et expert international de l’ONUDI
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