mercredi , 25 décembre 2024

L’ONU à la croisée des chemins : Réforme ou obsolescence

Par Youssef Fayz.

Créée en 1945 à la place de la Société Des Nations (SDN), l’ONU préparait l’objectif, utopiste à l’époque, de fédérer toutes les nations autour de la paix mondiale en promouvant la sauvegarde des principes sains de justice et de dignité de tous les humains.

Pour réaliser ces objectifs, l’ONU s’est dotée de six organes principaux : en plus de l’Assemblée Générale et du Conseil de Sécurité, elle s’appuie sur le Conseil Economique et Social, la Cour Internationale de Justice (CJI) et le Secrétariat Général. La CJI constitue l’organe judiciaire de l’ONU qui ne traite que des litiges entre Etats.

Pour veiller à son fonctionnement convenable, l’ONU s’appuie sur une charte, sous forme d’une convention multilatérale, qui constitue un instrument d’administration des relations internationales. Elle s’assure, d’une part, les grands principes d’égalité souveraine entre les états et, d’autre part, interdit aux pays de recourir à la force. Cette charte, fixe les obligations et les droits des états membres et organise la création des organes et des procédures. Chaque membre qui siège à l’Assemblée Générale dispose d’une voix. Le Conseil de sécurité est composé de quinze membres dont cinq permanents et dix non permanents élus par l’Assemblée Générale pour une période de deux ans.  Curieusement, le mot démocratie, qui n’apparait nulle part dans la charte, laisse douter de l’équité de sa constitution et de ses décisions. Tout d’abord de sa constitution, confirmée par la jouissance du droit de veto de cinq pays par rapport au reste de l’humanité. En effet, le droit de veto qui donne des pouvoirs absolus aux 5 membres permanents du Conseil de Sécurité est en flagrante contradiction avec le principe d’égalité de tous les états membres, principe inscrit dans une charte onusienne qui manque, justement et explicitement, de définir de manière rigoureuse cet avantage. En dépit de l’existence de ce conseil par l’utilisation de ce passe-droit, ces grands pays passent souvent à l’action au mépris des dispositions de la charte de l’ONU, et s’octroient, par conséquent, plus de pouvoir et davantage de partialité : sans le veto, l’ONU serait plus démocratique et plus efficace.

Ensuite, le deuxième point de discorde, sont ses décisions car, de 1945 à 2024, ces pays armés de ce droit inique, ont abusé de ce privilège plus de 270 fois. En plus de cette faveur, l’ONU se trouve souvent court-circuitée par les réunions des G7 ou des G20 qui prennent une part importante dans la gestion de certaines crises internationales.  Depuis sa création, l’ONU ne semble plus un organe de paix et de justice à travers le monde. Ses activités et ses décisions imposées à certains pays et non à d’autres, font d’elle plutôt un moyen de pression des grandes puissances pour légitimer des lois et soumettre aux reste de la planète une vision du monde vue par la suprématie des grandes puissances.

Quant à la Cour Pénale Internationale (CPI) qui a été créée à Rome en 1998, ne fait pas partie des organes de l’ONU, mais elle reste à son service. En effet, le conseil de sécurité de l’ONU peut saisir aussi la CPI même si certains pays comme les USA ou la Russie, ayant le droit de veto, n’ont pas encore ratifié le statut de la CPI. Et cette instance n’échappe pas non plus à la même impuissance onusienne déjà évoquée ci-dessus, puisque, jusqu’à aujourd’hui et depuis sa création en 1998, toutes les procédures abouties de cette CPI n’ont concerné que les pays faibles.

L’ONU, elle n’a pas malheureusement réussi à arrêter, la guerre contre l’Iraq, la guerre Ukraine-Russie… Aussi, faut-il garder à l’esprit que l’un des plus grands drames de l’ONU est l’impuissance à régler le problème de la Palestine en dépit des différentes résolutions adoptées par l’ONU. L’ONU d’aujourd‘hui ne peut résoudre des problèmes actuels avec des conditions de départ complètement désuètes, et pour cause, l’ONU de 1945 n’est plus celle de notre siècle, celui de la révolution numérique. Le siècle qui abritait 1945 avait ses problèmes qui ne sont en aucun ceux par exemple de la lutte contre la pollution du globe ou des attaques par des drones dotés de l’intelligence artificielle.

Nouveaux défis, écologiques et technologiques, certes, mais également un facteur humain non négligeable : le manque d’indépendance entre la justice internationale et les pouvoirs politiques. Cette dépendance pousse parfois les grandes puissances à désigner, au niveau de la plupart des organes de l’ONU, des représentants qui favorisent leurs intérêts nationaux à court terme au détriment de la justice internationale. Jusqu’à aujourd’hui, l’analyse du travail effectué par l’ONU depuis 1945, nous amène à exprimer de profondes convictions de la nécessité de réformer cette organisation en tenant compte des nouveaux défis. Cette réforme salvatrice est tout à fait faisable si la volonté de la communauté internationale existe réellement. Tout le monde, tous les pays doivent se plier au droit international défini par ceux qui ont la suprématie du moment (convention de Vienne de 1969).

Pour toutes ces raisons et bien d’autres, et pour qu’elle perdure, l’ONU doit se réformer en profondeur afin d’être un véritable instrument au service de la paix. La plupart des pays membres actuellement, n’existaient pas à l’époque de la création de l’ONU et les générations ayant vécu la création de cette organisation ne sont plus de ce monde. Dernier argument s’il en faut encore un, toutes les constitutions, les juridictions de tous les pays ont changé depuis 1945 et seule reste les lois qui régissent l’ONU.

Enfin, pour donner de la crédibilité au droit international et renforcer l’efficacité opérationnelle de l’ONU, il est urgent de corriger la distribution des pouvoirs de cette organisation à commencer par revoir le droit de veto de certaines puissances. C’est une question de mentalités qui ne cessent de changer et de se révolutionner. D’ailleurs, l’acte constitutif de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) de 1946 précise bien que « Les guerres prenant naissance dans l’esprit des hommes, c’est dans l’esprit des hommes que doivent être élevées les défenses de la paix ».

Par Youssef Fayz, consultant ayant participé à plusieurs réunions multilatérales (ONU, OMC,…) .

Charte de l’ONU

https://www.un.org/fr/about-us/un-charter/full-text

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