La situation où les services postaux avaient toutes les raisons de penser que leur façon de fonctionner ne pouvait pas
être remise en cause par une forme quelconque de concurrence dans un environnement parfaitement stable est malheureusement révolue.
Le contexte actuel, amplifiés par la crise sanitaire, est difficile. Il est marqué par l’exacerbation de la concurrence et l’avènement massif de la digitalisation qui imposent aux différents opérateurs, une meilleure adaptation afin d’être mieux outillés pour faire face au nouvel environnement. Aussi, les activités traditionnelles sont soumises à des menaces très fortes en raison de la dématérialisation, la rationalisation du courrier, etc… Les tendances actuelles du secteur postal international mettent en évidence une diminution des volumes de courrier et un essor très rapide des volumes de colis, tirés notamment par l’essor du e-commerce. Aussi, beaucoup d’entreprises privées sont arrivées sur le marché qui proposent des prestations de distribution des envois de documents et de marchandises d’un niveau de qualité égal ou parfois bien supérieur à celui fourni par les entreprises postales historiques. En effet, certains segments de leur marché sont pris d’assaut par les opérateurs privés qui sont attirés par le potentiel économique de certains débouchés commerciaux. Ces nouveaux opérateurs exercent leurs activités à leur guise du fait de l’absence de réglementations et ciblent les segments de marché les plus lucratifs. Cette situation, en plus de marginaliser une bonne frange de la population pour accéder au service universel postal, elle a contribué fortement à ébranler la stabilité économique et financière des opérateurs historiques qui restent soumis à l’obligation d’assurer le service postal universel.
Pour faire face à cette situation qui engendre le déclin continu de leurs activités traditionnelles, les opérateurs postaux se diversifient et innovent dans les nouveaux services électroniques / numériques, ou encore prennent des initiatives relatives à la chaîne de valeur physique de la poste (adressage, logistique, gestion de la chaîne d’approvisionnement, etc.). Mais cela reste insuffisant en raison des liens étroits que l’opérateur postal historique entretien avec les structures sociales. Ceci engendre une discrimination dans l’accès au service universel et la difficulté pour la couverture de l’ensemble du le territoire national.
C’est pour cette raison que les congrès de Beijing 1999, Bucarest 2004, Genève 2008, Doha 2012 et Istanbul 2016 ont confirmé l’importance du service postal universel et sa formalisation dans la législation par la fixation des règles et des critères pour l’accès ainsi que le niveau de qualité.
Le Maroc, à l’instar des pays en développement, compte anticiper cette tendance et mettre en place un nouveau cadre juridique qui est sur le point d’être promulgué. Ce nouveau cadre rompt aussi bien avec le vide juridique tant décrié par certains, qu’avec l’obsolescence des textes en cours de 1924, la loi 24-96 et l’arrêté de 1998. Ce nouveau texte augure d’une nouvelle ère pour le secteur postal en mettant en place un nouveau paysage qui s’appuie sur une nouvelle approche ouverte et innovante.
A cet effet, la nouvelle loi postale vise à mettre en place un cadre de régulation efficace qui institue des règles équitables pour tous les opérateurs qui sont actifs dans ce secteur. Ainsi, le nouveau texte s’articule autour de 4 axes, à savoir :
la délimitation du champ de l’activité postale,
la définition du service universel postal et de son mode de financement avec la création d’un fonds du service universel postal qui sera alimenté par des contributions des prestataires de services postaux (excepté Barid Al Maghrib).
la définition des services postaux ouverts à la concurrence avec la définition d’un secteur d’activité appelé « services réservés » exclusivement offert par Barid Al Maghrib . La liste de ces services sera définie par arrêté.
La distinction entre les missions de régulation et les missions d’exploitation. Avec la mise en place d’une autorité de régulation nationale pour le secteur postal ; l’Agence nationale de règlementation des postes et des télécommunications (ANRPT), qui sera juridiquement distincte et fonctionnellement indépendante des opérateurs postaux. L’ANRPT sera investie de trois missions principales : suivi de la qualité du service ; veille tarifaire, et contrôle de l’affectation des coûts, pour le calcul du coût du service universel. Néanmoins, les missions de réglementation resteront du ressort de l’autorité gouvernementale chargée de la poste.
Selon la nouvelle loi, le Groupe Barid Al Maghrib assurera le service universel postal pour le compte de l’Etat dans le respect des principes d’équité, de continuité et d’adaptabilité, à des prix abordables répondant à des normes de qualité prédétermines. A ce titre il sera soumis à des obligations, notamment en matière d’accès, d’horaires d’ouverture des agences et de qualité de services offerts.
Parallèlement à ses missions, le Groupe Barid Al Maghrib continuera à exercer d’autres activités commerciales qui sont soumises aux exigences de rentabilité et d’équilibres financiers. Il continuera aussi à jouer un rôle primordial en accompagnant l’Etat dans la mise en œuvre de ses projets structurants sur les plans stratégique, sectoriel et social.
Il est inutile de souligner que les dynamiques socio-économiques que connait le Maroc actuellement ont besoin d’une infrastructure appropriée à l’appui des efforts de développement déjà engagés. La loi postale ne peut que mieux organiser le marché de communication et insuffler une dynamique dans le secteur et contribuer grandement à l’effort de développement du MAROC. Mais encore faut l que l’opérateur historique soit suffisamment préparé pour assumer pleinement son rôle et que son système d’information soit au point pour pouvoir bien négocier la couverture de ses charges.
(*) : M. Moulahid Noureddine est un expert en régulation postale
Contact : « noureddine.moulahid@gmail.com »
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