J’ai eu l’occasion et le plaisir de participer en Chine à un Forum sur l’Innovation et le Transfert technologique Chine–Monde Arabe et ce du 4 au 20 septembre 2017 avec une dizaine de mes collègues marocains. Il faut saluer les efforts de notre collègue Docteur Mohamed Khalil et de l’association Maroc-Chine dans la concrétisation de cette mission vers la Chine.
Ce Forum organisé par les autorités Chinoises et sponsorisé par certains pays arabe, a eu lieu dans les villes de Yinchuan et de Pékin.
Durant notre séjour en Chine, les organisateurs ont permis aux participants l’accès à Yinchuan et à Pékin aux grands centres de recherches et d’innovations, y compris au grand centre « Yinchuan city management command center ». Centre qui gère l’intelligence de la ville d’Yinchuan en temps réel. Dans un prochain article, on se propose de traiter de la thématique « smart Yinchuan city ».
Les participants ont été fortement impressionnés par le résultat des efforts entrepris par la Chine dans le domaine de l’innovation. En peu de temps, ce pays n’a pas seulement rattrapé son retard en innovation, mais ambitionne de devenir un pionnier en la matière.
La recherche et l’innovation sont devenues des priorités nationales au service du développement. La Chine détient déjà certains records mondiaux en la matière. A titre d’illustration, en 2017, la société des télécoms chinoise ZTE Corporation occupe la première place à l’Organisation Mondiale de Propriété Intellectuelle (OMPI) pour les demandes de brevet. Ainsi, ZTE a déposé 4123 demandes de brevets en 2016, plus que toute autre société, selon les données publiées par l’OMPI.
L’entreprise ZTE, qui consacre plus de 10% de son chiffre d’affaires à la recherche, opère sur les technologies télécoms de la prochaine génération dont la 5G, le cloud et l’Internet des objets.
L’un des succès du processus de l’innovation en Chine est dû entre autres à la qualité de l’enseignement. La Chine possède depuis fort longtemps, un système universitaire en pleine expansion et au cœur de nombreuses réformes. L’État souhaite actuellement en faire l’un des meilleurs systèmes mondiaux et s’en donne les moyens.
Tout le monde est impliqué dans le processus de l’innovation, les universités, les entreprises et l’Etat. La synergie fonctionne très bien entre ces trois entités et ce dans le cadre de contrats juridiques bien ficelés et des business modèles bien préparés. On a remarqué aussi que le niveau des salaires ne constitue pas un facteur contribuant au succès de l’innovation et de la recherche en Chine contrairement à ce qu’on peut penser!
Durant notre tournée en Chine, on a compris que l’innovation fait partie des priorités nationales. Des feuilles de route périodiques, visent à définir des politiques incitatives pour promouvoir l’innovation à l’université, dans les centres d’incubation et au sein des entreprises. Celui en vigueur s’achève en 2020. Différents ministères interviennent directement par le biais de financements, en soutien à la recherche et au développement et qui sont le plus souvent axés sur la recherche appliquée. En dehors du financement direct, des politiques de stimulation de l’innovation ont été mises en œuvre dans différents domaines, tel que le développement de centres d’innovation et d’incubation. On a visité, le 14 septembre 2017, le centre d’incubation de Haidian de Pékin, qui a été le premier centre à être « labélisé » en Chine en 1988.
Depuis la création du premier incubateur de Wuhan Donghu en 1987, on compte actuellement, plus de 7.500 incubateurs en Chine, qui ont permis la création de 223.000 entreprises, selon un bilan établi en 2016 par le Ministère des Sciences et Technologies en Chine.
L’attraction des compétences chinoises de l’extérieur est également un axe utilisé pour le développement de l’innovation et dont les autorités notent aujourd’hui positivement l’efficacité de la démarche. Un système de motivation pour attirer les chercheurs installés à l’étranger a été mis en place, offrant aux chinois travaillant dans des laboratoires étrangers des conditions d’installation en Chine très avantageuses. On a constaté la présence de certains de ces chercheurs chinois venant d’Allemagne dans les laboratoires d’IBI (international incubation and innovation de Pékin), qui travaillaient sur la robotique et qu’on a visités le 12 septembre 2017.
De telles conditions sont aussi parfois offertes à des chercheurs non chinois qui se voient offrir la possibilité d’effectuer leurs recherches en Chine dans des conditions idoines. A cet effet on a croisé des allemands qui travaillaient sur des équipements d’avenir destinés à la médecine dans les laboratoires de la société TE-PEMIC à Pékin. L’un d’eux nous a exposé un appareil d’avenir qui permet dans le cadre de la médecine préventive de nettoyer le sang du corps humain des différentes « anomalies ».
Le soutien à l’innovation, en Chine, passe aussi par de nombreuses autres initiatives. Ainsi, on insiste sur la nécessité de vulgariser les métiers scientifiques auprès de la population chinoise. Ou encore la mise en place des plateformes d’innovation réunissant les acteurs publics et privés autour de projets de recherche communs. La rencontre avec un professeur de l’université de Pékin, le 13 septembre 2017 nous a appris qu’on enseigne aussi la technologie et les sciences appliquées aux futurs juristes et avocats afin qu’ils soient capables de suivre le processus d’innovation du pays. Une rencontre avec un professeur de l’université de Yinchuan, le 10 septembre 2017 nous apprend que l’avancée de la Chine en matière d’innovation est due également à la méthode « TRIZ », conçue par le russe Genrich Altshuller (1926-1998), qui est utilisée aussi par les grandes compagnies sud coréennes, comme Samsung. La méthode « TRIZ », Théorie de résolution de problèmes inventifs, permet de résoudre de manière efficace des problèmes techniques particulièrement complexes. Ceux qui l’utilisent ont été satisfaits par sa contribution à la créativité et à l’innovation. On a appris que l’Institut National des Sciences appliquées (INSA) de Strasbourg propose récemment un Mastère spécialisé en conception innovante autour de l’enseignement de la méthode TRIZ.
Par l’ensemble de ces initiatives, la Chine se veut d’être un pays leader en matière d’innovation. Il est prévu que le montant des crédits alloués à la recherche passe à au moins 2,5% du PIB en 2020. C’est essentiellement le secteur des entreprises publiques qui contribue à cette augmentation.
Au sein du gouvernement chinois, le Ministère de la Science et de la Technologie définit des plans sur quinze ans pour fixer des objectifs en matière de recherche et développement. La nouvelle volonté chinoise de développer les capacités d’innovation technologique du pays remonte en fait au début des années 90.
Il y a lieu de noter que le programme de recherche chinois s’oriente plus pour le développement expérimental au détriment de la recherche fondamentale. Bien entendu, d’autres facteurs contribuent aussi au succès de l’innovation en Chine dont notamment la discipline, le sport et le réveil très matinal des chinois !
Avec les résultats impressionnants atteints par la Chine dans le développement économique, on peut aisément affirmer que la Chine s’est bien réveillée et que le monde entier doit en tenir compte. Napoléon Bonaparte a vu juste en 1816, quand il avait affirmé que quand « la Chine s’éveillera, le monde tremblera » et ce bien avant que cette citation soit le titre du livre de Alain Peyrefitte en 1973!
Par Ahmed Khaouja Directeur de PTT Maroc et expert de l’UIT.
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