La cybernétique, un concept pionnier introduit par Norbert Wiener, a profondément marqué le paysage intellectuel du XXᵉ siècle. Ce domaine, né au croisement des mathématiques, de la biologie et de la philosophie, a trouvé un écho particulier en France, où il a été publié pour la première fois, et a influencé des régions aussi lointaines que la Chine. Cet article de M. Mohamed Najim (**) explore la manière dont la France a cristallisé la cybernétique et son rôle dans l’incubation de l’intelligence artificielle en Chine. Il s’appuie sur des recherches approfondies et des conférences qu’il a données en 2023 et en 2024 pour retracer l’impact de ce champ interdisciplinaire, tout en rendant hommage à la vision et à l’héritage de Norbert Wiener, 60 ans après sa disparition.
Ce titre d’article quelque peu provocateur a été enrichi à travers trois conférences complémentaires que j’ai données successivement en 2023, à Casablanca [1] , Maroc, le 3 mai 2023, à TELECOM, Plateau d’Orsay, Paris le 5 septembre 2023 et le 7 mars 2024 à la Sorbonne, sur le site de Jussieu. J’avais le sentiment de faire des révélations au public. De plus, après avoir lu en premier lieu un éditorial intitulé « Le retour de la cybernétique » [2]publié dans Nature en 2019, qui remet la cybernétique au cœur de l’actualité, et deuxièmement un livre qui vient de paraître [3]m’a conduit à vouloir partager les résultats de mes recherches avec les lecteurs de Nature ou d’autres magazines.
C’est aussi un hommage à Wiener qui nous a quittés le 18 mars 1964, il y a exactement 60 ans. Bien que je ne sois pas historien des sciences, j’ai une certaine légitimité à discuter des travaux de Wiener. En effet, j’ai enseigné les approches complexes de Wiener [4] , réputées pour être difficiles à comprendre pour les étudiants du troisième cycle à tel point que mon premier livre, publié en français, où je présentais ces approches, a reçu le compliment suivant lors de son analyse dans la revue Automatica : « quel dommage que ce livre ne soit disponible pour le moment qu’en français» [5] .C’était particulièrement élogieux car cela validait le travail que j’ai effectué au Maroc, pays du Sud où j’ai travaillé de 1972 à 1988. Cependant, j’ai également effectué des publications en langue anglaise [6] , et plus récemment, grâce à une étroite collaboration avec des mathématiciens purs, nous avons pu étendre au cas multidimensionnel [7] , l’algorithme appelé algorithme de Levinson, présenté dans l’annexe B du livre de Wiener (en note 4), page 129. L’influence française sur la publication du livre Cybernetics par Norbert Wiener à Paris (note 1) est certes bien connue, mais le processus qui a conduit à sa décision de le publier en France l’est beaucoup moins. Il n’est évoqué que très brièvement dans des publications, telles que :
« Lorsque le mathématicien nord-américain Norbert Wiener rencontre Enrique Freymann, directeur de la maison d’édition Hermann et Cie, à Paris en 1947, il ne peut guère se douter que le résultat de leur déjeuner serait la publication d’un livre dont on peut dire qu’il a transformé le paysage de l’histoire intellectuelle de l’après-guerre » [8]. et de nombreuses autres publications [9]. A la défense des auteurs anglo-saxons que je n’ai pas tous cités, M. Ronan Le Roux [10] , un universitaire français, qui a eu le mérite de traduire le livre Cybernetics en français en 2014, a publié un ouvrage volumineux d’environ 800 pages, qu’il consacre à l’histoire de la cybernétique en France de 1948 à 1974 ne fait pas allusion aux séjours de Wiener en France en 1947, ni à Pierre Cassous-Noguès dans son livre paru en 2014 (voir note 21), mais à Pierre de Latil [11] , plus connu et estimé aux USA, y a fait référence. C’est ce voyage que je me propose de décrire et d’analyser dans cet article. Je me propose également de consacrer un volet dans cet article, à la Chine où la cybernétique a joué un rôle exceptionnel pour son développement. En fait, c’est au cours d’un long séjour en France que Wiener a mûri sa réponse favorable à Freymann (note 9) pour la publication de Cybernétique à Paris. Il faut souligner l’ampleur de l’activité intellectuelle de Norbert Wiener. En effet, il entra à l’université à l’âge de 12 ans, et soutint sa thèse à 18 ans ; il pouvait exprimer très aisément ses vues sur tous les domaines intellectuels possibles, depuis les mathématiques pures, la biologie, la physiologie, la philosophie, les langues, les applications à l’ingénierie, les religions, aux scénarios de films et de romans. C’était un grand voyageur, souvent dans des pays occupés, en pleine guerre, comme ce fut le cas en Chine en 1935 [12] , [13]. Wiener maîtrisait de nombreuses langues, notamment le français, et avait apparemment une affection particulière pour la France, attiré par la notoriété de ses mathématiciens qu’il avait rencontrés à de nombreuses reprises tant en France qu’à l’étranger comme Hadamard, Szolem Mandelbrojt ou son neveu Benoit Mandelbrot [14] . De plus, les mathématiciens purs français le considéraient comme l’un des leurs. De plus, Enrique Freymann, le libraire et éditeur parisien qui était un point de convergence pour tous les mathématiciens français, joua un rôle singulier et clé. Wiener et Freymann, d’origine mexicaine, devinrent amis. La « mexicanité » de son ami était un trait qui ne pouvait que lui rappeler son autre ami et partenaire au Mexique, le spécialiste en physiologie Arturo Rosenblueth avec lequel il avait mené tant d’expériences pour comprendre l’homéostasie et donc le concept de rétroaction qui était au cœur de l’incubation de la cybernétique. Ainsi N. Wiener écrivait (note 14) : « En fait [15] , l’idée d’un livre exhaustif sur ces sujets a commencé à germer à mon arrivée à Paris. Là, un collègue du MIT m’a présenté à l’un des hommes les plus intéressants que je n’aie jamais rencontrés, l’éditeur Freymann, de la société Hermann et Cie ». Nous parlâmes longuement du Mexique et, finalement, la conversation s’orienta vers mes travaux scientifiques. Freymann aborda le sujet qui l’avait surtout intéressé. Vais-je rédiger un livret pour sa série sur mes idées concernant la communication, l’usine automatique et le système nerveux ? Il m’expliqua qu’il était le gendre de l’ancien éditeur Hermann et qu’il avait été le seul de la famille à vouloir continuer l’entreprise après la mort de son beau-père. Il me raconta les divers dispositifs par lesquels il avait obtenu des contrats de publication pour un certain nombre de sociétés savantes et comment il en avait profité pour créer une maison d’édition vraiment intellectuelle, aussi libre de toute motivation de profit que peut l’être une maison d’édition. Une autre particularité française est l’existence de « Bourbaki », une société savante secrète née après la Première Guerre mondiale pour pallier la disparition des mathématiciens expérimentés d’une part et, d’autre part, pour réaliser, comme le ressentaient les jeunes mathématiciens, des présentations plus rigoureuses et plus unitaires des mathématiques. Elle était réservée aux mathématiciens purs de moins de 50 ans.
Wiener la cite ainsi (référence en note 14) : J’avais déjà entendu parler du groupe singulier de mathématiciens français qui ont uni leurs efforts sous le pseudonyme de « Bourbaki » [16].Le résultat d’un canular étudiant, lorsque le groupe avait commencé à écrire sous le nom d’un général français d’autrefois. Freymann m’a dit qu’il était en fait le fondateur du groupe et qu’il souhaitait l’étendre en favorisant une nouvelle université fictive, appelée l’Université de Nancago, d’après les deux écoles existantes à Chicago et à Nancy. J’ai pensé que ce serait amusant de faire partie d’un groupe aussi intéressant. Un autre aspect important est qu’à cette époque, au cœur de Paris, notamment dans les cinquième et sixième arrondissements, se trouvait la plus forte densité de mathématiciens au monde. Ainsi, à quelques pas, on peut rejoindre la Faculté des Sciences de Paris, c’est-à-dire la Sorbonne, l’École Normale Supérieure (rue d’Ulm), l’École Polytechnique (rue de la Montagne Sainte Geneviève [17] ), le Collège de France, la librairie Hermann et l’éditeur du même nom jouxtent la Sorbonne au n°6 de la rue de la Sorbonne. M. Arthur Hermann, le fondateur des Éditions Hermann était lui-même mathématicien, diplômé de l’École Normale Supérieure d’Ulm, amoureux des mathématiques et ayant encouragé, pour ne pas dire instigué, la création du groupe des Bourbakistes, sorte de groupe «anonymous » vertueux des temps modernes. Il avait pris un très grand risque commercial en publiant des livres dont les auteurs étaient inconnus et que lui seul connaissait. Hermann fréquentait et était ami avec des mathématiciens et physiciens parisiens. C’est lui M. Hermann et le prince Louis De Broglie, prix Nobel de physique, qui décidèrent de la création de la prestigieuse collection « Actualités Scientifiques et Industrielles » où allait paraître Cybernetics : une sorte de consécration de Wiener par ses collègues mathématiciens français les Bourbakistes ! (voir note 14) : « J’ai donné plusieurs conférences extérieures, certaines sur des sujets d’ingénierie devant un groupe de l’Ecole Supérieure de Télécommunications » [18].
Mais N. Wiener, curieux et ouvert d’esprit, va aussi se rapprocher dans le sixième arrondissement des penseurs et philosophes français qu’il apprécie. Il connaît ainsi les « existentialistes » dans les différents « cafés » et « brasseries » de Saint-Germain des Près, « les Deux Magots » et « le Café de Flore », où Jean Paul Sartre avait élu domicile et où Wiener s’y était coopté. Il fréquente aussi le « Select » à Montparnasse, café alors fréquenté par des écrivains français et étrangers, et des artistes tels que Pablo Picasso, Ernest Hemingway, S. Fitzgerald etc. (référence 14) : « J’ai aussi donné une conférence philosophique dans une salle située presque à l’ombre de la maison de l’existentialisme : l’appartement de Sartre. Nous sommes allés dans un salon de l’appartement d’un des professeurs de philosophie, où j’ai été glorifié à la manière typiquement française ».
Il a ainsi intégré l’approche existentialiste dans sa propre démarche et réflexion philosophique (référence dans la note 14) : « Tout cela représente la manière dont je crois avoir pu apporter quelque chose de positif au pessimisme de Kierkegaard et de ceux des écrivains qui s’en sont inspirés. Parmi ceux-ci, les plus importants sont les existentialistes. Je n’ai pas remplacé la tristesse de l’existence par une philosophie optimiste dans aucune Polyanna, mais je me suis au moins convaincu de la compatibilité de mes prémisses, qui ne sont pas loin de celles de l’existentialisme, avec une attitude positive envers l’univers et envers notre vie en lui ».
C’est donc dans ce contexte extrêmement riche intellectuellement que Wiener, homme multidimensionnel, se retrouva comme un poisson dans l’eau, parmi les mathématiciens, parmi les philosophes et probablement aussi parmi les Parisiens. Tous ces contacts furent facilités par sa maîtrise de la langue française. Wiener travaillait dur mais savait profiter de la vie à Paris, il le raconte ainsi (référence dans la note 14) : « J’ai passé beaucoup de temps à bavarder avec Freymann dans son bureau, à jouer aux échecs au Bar Select sur le boulevard Montparnasse [19] , et dans les autres divertissements mineurs de la ville. Nous allions beaucoup au cinéma et nous avons appris à connaître un peu les bons restaurants et les cafés de Paris ».
C’est dans ce contexte que Wiener a vécu à Paris. Il appréciait aussi les bons restaurants, les pâtisseries et les cinémas. Durant ce séjour à Paris, il donna 21 leçons au Collège de France. Il s’y sentait très à l’aise et la tradition française des « appariteurs » l’amusait et le flattait, lui qui avait eu du mal à s’inscrire à l’université et à obtenir un poste d’enseignant à Cambridge, MA [20] :
« J’aimais enseigner au Collège de France et j’étais traité exactement comme un de leurs collègues. Chaque jour, pendant mes vingt cours, je me rendais dans le petit bureau, je réfléchissais quelques minutes à mon exposé, je signais le livre de bord et j’étais conduit dans la salle de cours par l’appariteur à la jambe de bois, ou un employé de l’université. Je donnais mes cours en français, appelant mon auditoire à l’aide lorsque mon vocabulaire me manquait ».
L’atmosphère de l’époque à Paris est bien décrite par l’historien israélien Schlomo Sand [21] , professeur émérite à l’Université de Tel-Aviv, lorsqu’il écrit : « On peut dire que, dans la capitale de la France, les intellectuels ont hérité à la fois du rôle de « fou du roi » qui pouvait toujours dire ce qu’il pensait sans être châtié, et du prêtre, qui servait d’intermédiaire entre le croyant et la vérité divine. La France n’a jamais oublié non plus que, depuis le Grand Siècle des Lumières, le capital de prestige accumulé par les gens de lettres en a fait, pendant de longues années, l’épicentre culturel du monde occidental. »
Après Paris Wiener se rendit à Nancy (Est de la France) pour participer à la première conférence internationale sur l’analyse harmonique organisée conjointement par le professeur Jean Delsarte, doyen de la Faculté des Sciences de Nancy, qui joua le rôle de secrétaire du groupe Bourbaki, et Szolem Mandelbrojt, également bourbakiste, un ami de longue date de Wiener et co-organisateur de cet événement (référence 14) : « En été 1947 devait avoir lieu en France, à l’Université de Nancy, une conférence de mathématiques sur l’analyse harmonique. J’ai été invité à y participer ».
Wiener était sans aucun doute la vedette de cette conférence et a donné la conférence d’ouverture. Cette manifestation a réuni des personnalités danoises, suédoises, suisses, allemandes [2] et des mathématiciens français. Quelques années plus tard, deux de ces participants se verront décerner la médaille Field : Laurent Schwartz [23]et Jean Pierre Serre. Szolem Mandelbrojt, en invitant Wiener à cette conférence, cherchait à l’inciter à publier un livre pour formaliser ses idées en rétroaction, sur la théorie de l’information et les processus aléatoires. Wiener fut royalement accueilli à Nancy, des réceptions eurent lieu en son honneur aux résidences du préfet (représentant du pouvoir exécutif dans les départements français), du maire et du recteur et ses idées furent largement débattues. De fait, il charma et émerveilla les participants. Ainsi Elie Cartan [24] , le grand mathématicien français, a écrit sur Wiener en rendant hommage au doyen Delsarte qui avait été la personne qui avait amené Wiener à Nancy :
« A Nancy, Delsarte se fait un devoir de faire mieux connaître ses jeunes collègues Laurent Schwartz et Roger Godemont. C’est en partie dans ce but qu’il organise, en juin 1947, avec le parrainage du CNRS [25] ,une conférence internationale sur l’analyse harmonique. Il réussit à impliquer Norbert Wiener, dont l’agilité d’esprit étonna les participants : car à chaque exposé il s’endormit profondément, puis à la fin de l’exposé se réveilla brusquement et ne manqua pas de faire des remarques pertinentes sur ce qui avait été dit ». Il écrit plus loin : « la conférence tourne autour de ses idées. (Cartan, 2003, p. 25-26), faisant allusion à Wiener qui lui-même écrivit plus tard (référence 14) : « En fait, une grande partie de la réunion était consacrée à discuter de mes idées ».
Cette dernière citation de Norbert Wiener montre que Norbert Wiener était considéré par les « Bourbakistes », l’« élite » des mathématiciens français, comme faisant partie de leur famille. Cette grande estime est bien exprimée dans l’article de synthèse du mathématicien Jean-Pierre Kahane qui fut dirigé conjointement, pour son «Doctorat ès Sciences Mathématiques », par S. Mandelbrojt et le médaillé Field Laurent Schwartz. Dans cet article très exhaustif, intitulé : « A partir et autour de Wiener », il salue les contributions de Wiener aux mathématiques pures. Il cite les domaines de l’analyse harmonique généralisée (AGH), des théorèmes taubériens (TT), de l’intégrale de Fourier et de certaines de ses applications (FICA) et bien d’autres sujets, mais non des moindres, l’analyse des probabilités et des processus aléatoires et tant de théorèmes qu’il a établis, parmi eux les théorèmes de Paley–Wiener, Wiener–Lévy, Wiener–Kintchine. On lui doit également le concept dit de convolution qu’il a mis en évidence en lui donnant d’abord un nom allemand « Faltung » [26] , que Laurent Schwartz appellera plus tard en 1950 « produit de composition » dans son « Traité sur les Distributions ». C’était donc un homme heureux, jouissant de la vie dans une ambiance très chaleureuse, ayant passé de bons moments d’échange avec ses collègues mathématiciens français et européens à Paris et à Nancy et ayant avec eux de riches échanges qui revient à Paris pour signer les contrats avec Freymann. Il laissa libre cours à sa gourmandise intellectuelle et gastronomique, ainsi lorsque fut signé le contrat pour la publication de Cybernétique Wiener relate ceci (note 14) :
« J’ai accepté de faire un livre pour Freymann, et nous avons scellé le contrat autour d’une tasse de cacao dans une pâtisserie voisine. »
Freymann reçut le manuscrit de cybernétique trois mois plus tard. Wiener ne relut pas les épreuves et quelques erreurs typographiques furent oubliées dans l’édition qui fut publiée à Paris et qui servit également à l’impression aux USA. La distribution internationale fut assurée par Hermann et C°. Je trouve la citation suivante très descriptive de l’état de Wiener : « L’habitus intellectuel dans lequel la cybernétique est née pourrait en fait être décrit comme un Nouveau Siècle des Lumières Scientifiques, dans lequel des scientifiques multilingues et mobiles à l’échelle internationale comme Wiener ont promu un nouveau type d’universalisme où le concept directeur n’était pas la Raison mais l’information [27] » .
Lorsque le livre paraît le 18 octobre 1948, il est analysé simultanément par le Times Magazine le 27 décembre et par le prestigieux journal français Le Monde dans son édition du 28 décembre parue la veille, le 27 décembre, c’est-à-dire le même jour que le Times. Quant à l’article du Monde rédigé par le père Dominique Dubarle, dominicain, article de deux pages qui peut paraître prophétique, un véritable article fondateur aujourd’hui et qui est le suivant : « Ne pourrait-on pas imaginer une machine qui recueillerait tel ou tel type d’information sur la population et le marché, par exemple, puis qui déterminerait, en se basant sur la psychologie moyenne des hommes et sur les mesures qu’il est possible de prendre à un moment donné, quelles seront les évolutions les plus probables de la situation ». Ce passage est prophétique, préfigurant l’avènement de l’intelligence artificielle et l’anticipation d’écrivains tels qu’Isaac Asimov.
La cybernétique a été rejetée en URSS et en France [28] par le PCF (Parti Communiste Français, aligné sur le CPUSSR [29] ) qui fut le parti politique le plus important (et le plus prestigieux) en France après la Seconde Guerre mondiale, auquel se joignirent des artistes et des écrivains prestigieux : Pablo Picasso, Paul Eluard, Louis Aragon, Louis Althusser. De plus, cela a donné lieu en France aux débats et controverses les plus intenses du monde entier et à un écho extraordinaire à la cybernétique en France notamment dans les sciences sociales, alors que la version française du livre de Wiener ne sera disponible qu’en 2014. La cybernétique a influencé Levi Straus, Edgar Morin et bien d’autres. Mais on oublie souvent que l’Automatique (ou Contrôle) est une discipline, issue de la cybernétique, qui s’est beaucoup développée en France. Lors d’une réunion tenue à Paris, en septembre 1957, des représentants de cybernéticiens d’une vingtaine de pays décidèrent de s’organiser en une société scientifique nommée IFAC (Fédération Internationale d’Automatique) et d’organiser son premier Congrès à Moscou en 1960. La présidence du Congrès fut confiée au cybernéticien russe Aleksander M. Letov et la présidence de l’IFAC à Harord Chesnut [30] . C’était juste après la tenue du XXe Congrès du PCUSSR qui s’est déroulé à Moscou en février 1957. À Moscou, lors du congrès de l’IFAC, Wiener était la vedette : « Je me souviens que les Russes étaient tous enthousiasmés par la cybernétique. C’était tout ce dont ils voulaient parler. Norbert Wiener était la vedette du spectacle [31] . « a écrit le professeur Bernard Widrow [32]de Stanford qui était dans les années 60 dans le même département que Wiener au MIT et présent au congrès de l’IFAC à Moscou en 1960.
Après le congrès de l’IFAC tenu à Moscou, les pays occidentaux les plus actifs ont été les États-Unis et la France qui a longtemps été classée deuxième pays, juste derrière les États-Unis. En fait, au cours de la période 1961-2011, les États-Unis ont organisé 98 conférences sponsorisées par l’IFAC [33].et la France arrive en deuxième position avec 89 conférences, suivie de l’Allemagne de l’Ouest avec 79 conférences. Mais cette communauté a raté le passage du Contrôle à l’Intelligence Artificielle (IA). À cette époque, la France compte des scientifiques de premier plan dans la théorie du contrôle comme le professeur JL Lions [34]qui fut le premier mathématicien pur qui légitima plus tard les mathématiques appliquées en France et établit un pont avec les Bourbakistes. Il fut encadré pour son doctorat, par le futur médaillé Field, Laurent Schwartz. Il commença aussi sa carrière à Nancy ! Ses deux premiers livres, publiés en français, furent respectivement traduits en anglais par de très brillants universitaires aux USA, notamment Sanjoy Mitter [35] qui dirigeait le Laboratoire Decision and Control du MIT et Richard Bellman [36] dont le nom est associé à ce qu’on appelle la programmation dynamique.
Le pays où la cybernétique a le plus pénétré dans la stratégie de développement de l’État, et au plus haut niveau, est probablement la Chine. Cela contribue peut-être à expliquer l’utilisation quotidienne de l’IA en Chine aujourd’hui. On peut attribuer cette influence au Dr Tsien Hsue-Shen, diplômé du MIT, fondateur du Jet Propulsion Lab, à Caltech, Pasadena, qui a publié le premier livre de cybernétique dédié aux ingénieurs considéré comme une étape importante vers l’ingénierie du contrôle [37] ,en 1954, il a commenté comme suit dans le journal de la Society for Industrial and Applied Mathematics ( SIAM ) : « En 1948, le mathématicien du MIT Norbert Wiener a donné une explication largement diffusée, bien que complètement non mathématique, de la cybernétique. Un traitement plus mathématique des éléments de la cybernétique technique a été présenté par HS Tsien en 1954, motivé par des problèmes liés au contrôle des missiles. Ensemble, ces travaux et d’autres de cette époque constituent une grande partie de la base intellectuelle des travaux modernes en robotique et en contrôle [38] ».
Après 1956, le Dr Tsien Hsue-Shen [39] , [40] , [41] (également écrit Qian Xuesen) devint le conseiller scientifique du président Mao Tse Toung et son protégé, le Dr Song Jian, précédemment conseillé pour son doctorat par Alexander Feldbaum, un prestigieux cybernéticien de Moscou, fut à la tête du ministère de la Science et de la Technologie (MOST) de Chine de 1985 à 1998 avec le rang de vice-Premier ministre et de ministre d’Etat. Tous deux constituèrent le noyau d’une « École chinoise de cybernétique ». Le Dr Song Jian est considéré comme le père de la politique chinoise de la science et de la technologie [42] , [43] . A ma connaissance, le seul chef d’Etat qui a inclus la cybernétique, dans ses discours politiques, comme outil de développement de son pays a été le président Deng Xiao Ping [44]comme le rapporte l’anthropologue de Harvard Susan Greenhalgh. Cette dernière a introduit, à propos de la cybernétique en Chine, le concept de « cybernétique sinisée » [45] . Dans son livre, à la page 142, elle écrit : « Dans son discours à la Conférence nationale des sciences en mars 1978, nul autre que Deng Xiao Ping n’avait vanté les vertus de la science, et en particulier de la cybernétique et des ordinateurs, comme étant essentielles pour transformer la Chine en une nation moderne et puissante. »
Au terme de cette croisière, nous pouvons enfin répondre à la question provocatrice du titre de l’article. La cybernétique a germé aux USA, mais s’est cristallisée en France où elle a trouvé une « mère porteuse » : Paris. Mais en France, seules les sciences sociales et la discipline du contrôle ont bénéficié de ce processus, probablement grâce à des journalistes, des ecclésiastiques et des scientifiques de talent tels que : Pierre de Latil, Albert Ducrocq, Georges-Théodule Guilbaud, le Père Dominique Dubarle et J.L. Lions.
La France n’a pas profité de cette occasion pour développer l’IA, ni lors de celle qu’aurait pu lui offrir la création du Centre Mondial d’Informatique et de Ressource Humaine (CMI ) [46] . par le président Mitterrand en 1981, qui attira pendant deux ans de brillants chercheurs comme Nicholas Negroponte [47] et Seymour Papert [48] du MIT, ou des chercheurs invités pour une durée plus courte tels qu’Alan Kay, Raj Reddy.
Le CMI a été fermé suite à une décision du gouvernement français, et par mépris, ou par réticence, de la communauté informatique française, qui n’a pas su voir l’opportunité qui lui était offerte. Beaucoup ont vu, le langage Logo de Seymour Papert [49] et la tortue qui lui est associée, uniquement comme un jeu pour enfants, mais pas comme un puissant outil pédagogique d’apprentissage pour les enfants et les adultes tiré du langage LISP développé par John McCarty, l’un des fondateurs de l’IA. (voir note 56). En finalisant cet article, je me suis rendu compte que je suis moi-même un pur produit parmi ceux qui ont implicitement intégré la cybernétique dans leur approche à travers le Contrôle [50].
En effet, en juillet 1972, lorsque j’ai soutenu mon Doctorat d’Etat ès Sciences Physiques en ingénierie des micro-ondes-radar, à Toulouse, en France, on m’a proposé divers postes en Europe. Cependant, j’ai décidé de revenir au Maroc (mon pays natal) et de me diriger vers le Contrôle, qui me semblait plus adapté, pour contribuer au développement du pays. C’était un pari risqué, mais je pense avoir réussi puisque j’ai été honoré à la fois par l’IFAC, en étant membre de son conseil d’administration de 1978 à 1990, et par le Dr Song Jiang, lorsqu’il m’a invité en 1982 [51]. en Chine pour me demander d’organiser une conférence sponsorisée par l’IFAC en Chine. Et c’est ce qui s’est effectivement passé lorsque nous avons organisé la conférence avec l’Association chinoise de l’automatisation (CAA) [52]en 1985 à Pékin. La conférence [53] fut la première à être organisée en Chine après la révolution culturelle. L’objectif du Dr Song Jian, qu’il m’a présenté en 1982, était de permettre à la communauté scientifique chinoise de rétablir ses relations avec la communauté scientifique internationale à travers les sociétés savantes l’IFAC, l’IEEE, l’IFIP [54]et IFORS [55].
Enfin, le débat sur la relation entre l’IA et la cybernétique s’est ouvert entre ceux qui ont participé aux réunions de Macy’s, à New York, depuis 1941, où la cybernétique était en incubation et ceux qui ont participé à la conférence de Dartmouth [56] , dans le New Hampshire, où l’IA était censée naître, est désormais alimentée par l’expérience chinoise où l’IA a été incubée grâce à la cybernétique.
Notes
- En tant que conférencier principal à la « 4e Conférence internationale de l’IEEE sur l’ère numérique et les avancées technologiques pour le développement durable», Institut EHTP, Casablanca, Maroc, du 3 au 5 mai 2023.
- Le retour de la cybernétique, Editorial, Nature, Vol. 1, sept. 2019, p. 385.
- « Cybernétique pour le XXIe siècle », édité par Yuk Hui, Hanart Press, Hong Kong, 2024. Thing Kong, 2024. Cette citation semble très pertinente. Dans son entretien de 1966 (publié dix ans plus tard) avec Der Spiegel, à qui on demandait ce qui venait après la fin de la philosophie, Heidegger répondit : « La cybernétique », dans Martin Heidegger « Nur noch ein Gott Kann uns retten » Der Spiegel, 30 mai 1976, pp. 193–221.
- N. Wiener, « Extrapolation, interpolation et lissage des séries temporelles stationnaires », J. Wiley 1949, NY. Ce livre a également été intitulé « Le péril jaune » car il était très difficile à comprendre pour les étudiants et les ingénieurs.
- M. Najim : « Modélisation et Identification en Traitement du Signal », Masson Editeur, Paris, Bld Saint Germain des Près, 1988, dans une Collection Jaune intitulée « Control Series », probablement pour imiter le « Yellow Peril Book of Wiener », voir Note 5. L’ouvrage a été analysé par RA Vingerhoeds, dans Automatica, Elsevier, Vol. 24 No. 1, janvier 1990 pp. 185–186.
- M. Najim : « Modeling , Estimation and Optimal Filtering in Signal Processing», J. Wiley, NY 2008.
- I. Serban, F. Turcu, Y. Stitou et M. Najim : « Coefficients de Schur dans plusieurs variables », Journal of Mathematical Analysis and Applications, Vol. 320, pp. 293–302, 2006. L’algorithme dit de Levinson consiste à rendre plus rapide la procédure d’inversion de matrice de Toeplitz. Une telle inversion met en évidence les coefficients dits de réflexion, de corrélation partielle ou de Schur qui sont mis à jour de manière récursive. Une version de cet algorithme utilisant les coefficients de Schur a été brevetée par l’entreprise néerlandaise Philips, Eindhoven aux Pays-Bas, pour la compression de la parole pour le standard européen de téléphonie mobile connu sous le nom de GSM. De plus, l’étude de la stabilité des systèmes linéaires pour identifier une condition nécessaire et suffisante pour les systèmes unidimensionnels utilise ces coefficients de Schur dont il suffit juste de vérifier qu’ils sont inférieurs à l’unité ? Nous avons étendu le test de stabilité aux systèmes multidimensionnels en nous basant sur les fonctions de tranches de Rudin pour tester la stabilité (notre article dans cette note). Cette extension a été présentée pour la première fois lors d’un « Workshop » dédié au 70e anniversaire du professeur Thomas Kailath, à Stanford les 7 et 8 juin 2005 et publiée dans un numéro spécial de la revue Communication Information and System, sous le titre : « Multidimensional Schur Coefficients and Bibo Stability » Vol. 5 No. 1, pp. 131–142, 2005.
- Ch. Johnson : Cybernétique française, dans French Studies, vol. 69, n° 1, pp. 60–78, 2015. »
- Bernard Dionysius Geogheagan : « CODE, de la théorie de l’information à la théorie française » Signe, stockage, transmission, Duke University Press, 2023.
- Ronan Le Roux : « Une Histoire de la Cybernétique en France (1948 à 1974) », Classiques Garnier, Paris, 2018.
- Pierre de Latil : « Thinking by Machines », Houghton Miffin Company Publisher, 1957, NY, avec une préface d’Isaac Asimov (traduite du français). Il a été salué par Kevin Kelly dans son livre « Out Of Control », Basic Books, NY, 1994.
- Nature, 1935, vol. 135, p. 423. Wiener a rendu visite à YW Lee, professeur à l’université Tsinghua de Pékin, qui était auparavant son doctorant au MIT. Voir également la note 40 sur la carrière ultérieure de Lee au MIT.
- N. Wiener : Une vie en cybernétique : Ex-Prodige : Mon enfance et ma jeunesse et Je suis mathématicien : La vie ultérieure d’un prodige, The MIT Press 2018.
- Le mathématicien appliqué qui a introduit la géométrie fractale et la théorie du chaos, 1979. Il a été « rejeté » par les Bourbakistes.
- c’est-à-dire 1946/1947.
- L’article de mise au point suivant fournit la genèse du groupe Bourbaki : D. Aubin : “The withering Immortality of Nicolas Bourbaki: A cultural Connector at the Confluence of Mathematics, Structuralism and the Oulipo in France” : Vol. 2 No. 2 (1997) pp. 297–342 Sciences in Context. Cet article fait partie de la thèse de doctorat soutenue par D. Aubin « On the History of Chaos », Princeton 1998. Probablement occupé à finaliser sa thèse de doctorat, il ne fait pas explicitement référence à N. Wiener dans son article mais plus tard sa doctorante Anne Sandrine-Paumier a consacré un chapitre complet de sa thèse de doctorat, à la conférence de Nancy sur l’analyse harmonique dont la vedette était N. Wiener (note 25).
- Maintenant dans le sud de Paris.
- Désormais nommé Télécom Paris où j’ai donné la conférence du 5 septembre 2023 comme rapporté au début de cet article.
- Situé dans le sixième arrondissement de Paris.
- Pierre Cassou-Noguès : « Les Rêves Cybernétiques de Norbert Wiener» , Le Seuil, Paris 2014.
- Schlomo Sand : « La fin de l’intellectuel français », Cette citation est extraite de la traduction française du livre, de l’hébreu, Editions La Découverte, Paris, 2016, La version anglaise du livre a été publiée par Verso Book.
- Harald Bohr (le frère de Niels Bohr, prix Nobel de physique), Torsen Carleman, Michel Plancherel, A. Ostrowski, Michel Loève…
- Il se vit refuser (ainsi que le mathématicien Hadamard) un visa pour participer au Congrès mondial de mathématiques tenu à Cambridge, dans le Massachusetts, en 1950, où il devait recevoir la médaille Field. C’était la période du maccarthysme, il était accusé d’être communiste et seule l’intervention personnelle du président américain Harry S. Truman lui permit d’obtenir un visa pour assister au congrès.
- Cité par Anne-Sandrine Paumier : Laurent Schwartz (1915–2002) et la Vie Collective des Mathématiques, PhD, Mathématiques, Paris Sorbonne-Jussieu 2014.
- Équivalent du NSF aux États-Unis.
- Norbert Wiener, parce qu’il maîtrise de nombreuses langues et leurs subtilités, est représentatif de ce que les linguistes appellent le processus de « commutation de langue » qui se produit automatiquement lorsque deux personnes maîtrisent deux langues ensemble. Il est parfois difficile de suivre leur conversation car ils expriment leur idée dans la langue la plus appropriée qu’ils maîtrisent tous les deux ensemble. Ce processus est très courant au Canada pour les Canadiens bilingues, français-anglais et en Afrique du Nord pour les personnes qui parlent couramment l’arabe et le français. Dans le cas de Wiener, sa maîtrise de plusieurs langues lui permet de formaliser ses concepts dans la langue qui lui permet d’exprimer la meilleure formalisation de ses idées comme ce fut le cas dans le choix des mots Cybernetics, Faltung. Néanmoins le mot cybernétique a été introduit auparavant en français sous le nom de « Cybernétique » par le physicien André-Marie Ampère, en France en 1834, mais N. Wiener ne le savait pas lorsqu’il a introduit « cybernétique ».
- Dans la note de référence 6, l’auteur fait référence à un article intéressant sur l’universalité rédigé par Geof Bowker : « How to be Universal: Some Cybernetic Strategies, 1943–70 » dans Social Studies of Science, février 1993, vol. 23 n° 1, pp.107–127.
- D. Mindell (MIT), Jérôme Segal (Institut Max Planck, Berlin), Slava Gerovitch (Institut Dibner, Académie des Sciences de Russie) : « Cybernétique et théorie de l’information aux États-Unis, en France et en Union soviétique » : une histoire comparée, Mark Walker (Dir.) Routledge, Londres, 2003, pp. 66–95.
- CPUSSR : Parti Communiste de l’URSS.
- Il a travaillé pour General Electric et a participé au programme Apollo vers la Lune. Il a été le premier rédacteur en chef de la revue Automatica IFACen 1961. Il a été l’un de ceux qui m’ont parrainé pour que je sois co-opté au conseil technique de l’IFAC en 1978 lors du congrès triennal qui s’est tenu à Helsinki.
- B. Widrow : « Norbert Wiener Stories », Springer Series on Bio-and Neurosystems, 16 octobre 2022. Le professeur Bernard Widrow appartenait au laboratoire de théorie des systèmes créé en 1961 à l’université de Stanford, qui est devenu le laboratoire des systèmes d’information peu après que le professeur Thomas Kailath (voir note 8) a rejoint l’Université de Stanford en 1964. J’ai souvent rencontré Bernard Widrow depuis 1982, lorsque je rendais visite à Thomas Kailath.
- Bernard Widrow a proposé en 1959 avec son doctorant M. Hoff, « Adaline » le « Premier réseau neuronal formé par l’algorithme de descente de gradient ». Ce dernier algorithme aussi nommé LMS (Least Mean Squares Algorithm, on peut consulter un aperçu exhaustif dans la référence citée en note 7) est l’un des algorithmes les plus populaires en traitement du signal et contrôle, actuellement largement utilisé dans les approches de « reinforcement » dans les systèmes d’apprentissage profond en IA. Un article de synthèse, facile à lire, sur Adaline se trouve dans : B. Widrow et al. : « The Hebbian-LMS Learning Algorithm », pp. 37–53, Vol. 11, Nov 2015, IEEE Computational Intelligence Magazine. L’algorithme LMS était connu pour être sous-optimal (optimal signifie le meilleur selon un certain critère), jusqu’en 1996 où Thomas Kailath et al. ont démontré son optimalité selon un critère appelé H-infini : « H-infinity Optimality of the LMS Algorithm », IEEE Transactions on Signal Processing, Vol. 44 No. 2, pp. 267–280, 1996.
- Aux États-Unis, les Workshops et les Symposiums de l’IFAC ont été co-parrainés par l’AACC (l’American Automatic Control Council) et l’IEEE Control Society.
- Amy Dahan Dalmedico : « Jacques-Louis Lions, un Mathématicien d’Exception » Editions la Découverte, Paris 2005.
- J.L. Lions : « Contrôle optimal des systèmes régis par des équations aux dérivées partielles » Traduit du français par S. Mitter, Wissenschafen, Band 170, Springer-Verlag, 1971.
- J.L. Lions : « Méthodes de Quasi Réversibilité et Application aux Equations aux Dérivées Partielles ».
- Tsien Hsue-Shen : « Control Engineering » , Mc Graw Hill, 1955.
- «Control, in Information Rich World », rapport du panel des orientations futures en contrôle, dynamique et systèmes, publié par la prestigieuse revue SIAM(Society for Industrial and Applied Mathematics) éditée par Richard M. Murray.
- In addition to the article published by Nature in 1935 , note 13, the following quotation looks interesting to the reader: « Cybernetics in China doe’s begin with Qian Xuesen. There is a prehistory, of course, that include Li Yurong, the brillant mathematician of Tsinghua who welcomed Norbert Wiener to the country in 1936 », In chapter « A brief history of Chinese Cybernetics, in the Book Edited by Yuk Hui:” Cybernetics for the 21th Century “ Hanart Press, Hong Kong, 2024. One has to note the Li Yurong named here is known in the US as Y. W. Lee : “When the Japanese invaded Northern China , J.W. Lee was offered an Assistant Professorship position at MIT, with a charter to bring into electrical engineering community the ideas of his mentor (i.e. Norbert Wiener), In Ch. W. Therrien :” The Lee-Wiener Legacy : A history of Statistical Theory of Communications “, IEEE Signal Processing Magazine, vol. 19 ,n°6, pp. 33-44, 2002. In others words the duty of Lee at MIT was to make understandable the content of the book the ”Yellow Peril” cited in note 5.
- Bien qu’il n’ait eu aucune activité politique, il fut accusé d’être communiste et échangé avec 11 pilotes d’avion américains faits prisonniers en Chine depuis la guerre de Corée. C’est lui qui se rendit en Allemagne en 1945 pour interviewer Von Braun et d’autres spécialistes nazis qui avaient mis au point les fusées V2, afin de les ramener aux États-Unis. (voir note 41).
- Dylan Levi King : « The Genealogy of Chinese Cybernetique », Palladium Magazine, pp. 1–17, 17 octobre 2022.
- J’ai rencontré le Dr Song Jian pour la première fois au congrès triennal de l’IFAC, à Helsinki, en Finlande, en 1978. Il était accompagné de Yang Jiachi et de Chen Han-Fu, tous deux des scientifiques de très haut niveau appartenant à « l’élite chinoise » participant pour la première fois à un événement scientifique international après la révolution culturelle. Je les ai rencontrés par la suite à plusieurs reprises.
- M. Najim : « On the Origins of Chinese Science and Technology Policy : Crossing Roads with Dr Song Jian and AI Origins » to be submitted 2024 .
- Bien sûr, il y a eu le cas du Chili, de l’expérience avortée de l’introduction de la cybernétique à travers le projet Cybersyn pendant la courte présidence de Salvador Allende. Dans son livre « Cybernetic Revolutionaries : Technology and Politics in Allende’s Chile », Cambridge, Mass, MIT Press 2011, Eden Medina, en commentant l’inauguration de la salle qui abritait le projet Cybersyn, écrit, page 168 : « Beer a proposé qu’Allende inaugure la salle et a même rédigé un modèle de discours que le président prononcerait lors de l’événement, mais il n’a jamais été prononcé. Le discours contenait des sentiments tels que : « nous » avons entrepris courageusement de construire notre propre système dans notre propre esprit. Ce que vous allez entendre aujourd’hui est révolutionnaire… » Dans cette citation, Beer est « Stafford Beer », un citoyen britannique qui était le consultant du président Allende en charge du projet Cybersyn pour soutenir la gestion du secteur public de l’économie chilienne.
- S. Greenhalgh: « L’Enfant Unique, science et politique dans la Chine de Den», 2008, University of California Press, 2008.
46.https://fr.wikipedia.org/wiki/Centre_mondial_informatique_et_ressource_humaine
- Après son retour au MIT, il fonde le Media Lab.
- Il a cofondé avec Marvin Minsky le laboratoire d’intelligence artificielle du MIT.
- Disposant d’une plus grande marge de manœuvre quand j’exerçais à Rabat, au Maroc, et ayant pu mobiliser des ressources, j’ai dirigé une équipe multidisciplinaire de 1982 à 1985 pour mener la plus longue expérience avec des enfants d’une école primaire de Rabat basée sur l’utilisation du langage Logo. Cette expérience a été relatée dans la thèse d’Annie Clauzet, soutenue à l’Université de Bordeaux en 1985 et présentée lors du Workshop Stanford/UNESCO : « Computers in Education », Stanford, CA, 1986.
- J’ai rejoint, probablement la fin des années 70, la WOSC : Organisation Mondiale des Systèmes et de la Cybernétique,
- J’ai passé une semaine à Pékin et trois semaines à Shanghai à donner des séminaires dans le domaine commun du contrôle et du traitement du signal. Ces séminaires ont constitué le noyau de mon premier livre (voir référence 5).
- CAA : Association Chinoise d’Automatisation. Depuis 2014, la CAA est co-éditrice, conjointement avec l’IEEE, de la revue chinoise Automatica Sinica(JAS) publiée en anglais. La JAS annonce chaque année, dans son numéro de décembre, les lauréats des prix « Wiener » et « Tsien Hsue-Sien » (note 38) aux auteurs des meilleurs articles publiés dans la JAS. Ainsi, en Chine, certains considèrent Tsien Hsue-Sien comme le Norbert Wiener chinois.
- Conférence de l’IFAC sur la « science et la technologie du contrôle pour le développement », j’ai été président de l’IPC : le comité international du programme. Jang Jiachi (voir note 43), était le président du NOC : le comité national d’organisation de cette conférence, et également le rédacteur des actes de la Conférence publiés par Pergamon Press, Oxford, Royaume-Uni en 1986.
- IFIP : Fédération Internationale du Traitement de l’Information.
- IFORS : Fédération Internationale des Sociétés de Recherche Opérationnelle.
- Conférence de Dartmouth organisée par John McCarty, alors jeune « professeur assistant » qui considère Norbert Wiener comme un « gourou ». Elle a été suivie par Marvin Minsky, Claude Shannon et bien d’autres dont Bernard Widrow cité dans la note (33).
Remerciements
Je tiens à remercier mes collègues : Rigas Arvanitis (Université Paris Cité et IRD) pour les nombreux échanges que j’ai eu avec lui et pour m’avoir fait découvrir le monde des sciences sociales, Mme Susan Greenhalgh (Harvard) pour les échanges que j’ai eu avec elle depuis janvier 2020 et pour les « preprints » qu’elle m’a fournis, Geoffrey Bowker (Irvine, Ca) pour ses commentaires éclairants sur les premières versions de cet article, Andrew Pickering (Exeter) pour ses commentaires et suggestions amicaux et constructifs, et Alain Bensoussan (Université du Texas, Dallas) pour ses tout premiers et précieux commentaires et suggestions . Je suis également redevable au professeur Thomas Kailath (Stanford) qui a visité mon groupe de recherche au Maroc en 1986. Depuis 1982, il m’a fortement encouragé à poursuivre mes travaux sur le domaine commun du contrôle et du traitement du signal et m’a enrichi de sa vaste culture mathématique et notamment de certaines réalisations du mathématicien Isaac Schur. Pour terminer, je voudrais évoquer la mémoire du professeur Zhang Zhongjun que j’ai rencontré à plusieurs reprises. Je l’ai accueilli à Rabat, au Maroc, en 1988 en tant qu’ami. J’ai beaucoup appris avec lui sur le contrôle et la cybernétique en Chine. Il est le fondateur du département Contrôle/Cybernétique de l’Université Jiao Tong de Shanghai, qui a érigé une statue en son honneur après son décès. Zhang Zhongjun a été le premier chinois à obtenir un doctorat en ingénierie du MIT avec le professeur Thomas Kailath qui a été le premier indien dans le même cas.
(*) L’auteur de cet article est Mohamed Najim, né au Maroc le 8 juin 1945. Il a obtenu son diplôme d’ingénieur en 1967, Université de Bordeaux, et un doctorat d’Etat en 1972, Université de Toulouse. Il a rejoint l’Université de Rabat, au Maroc, comme Maitre de Conférences en 1972, et promu professeur en 1974. Il a été professeur invité Fullbright au département de génie électrique et informatique de l’Université de Berkeley en 1983. Il a fondé, en 1985, l’ENSIAS, une école d’ingénieurs en informatique et analyse des systèmes au sein de l’Université Mohamed V, Rabat. Depuis 1988, il est titulaire de la première chaire ouverte en traitement du signal et de l’image sur le campus de Bordeaux, en France, où il a fondé le laboratoire de traitement du signal et de l’image. Il a travaillé dans divers domaines : micro-ondes, modélisation et identification, filtrage adaptatif, H infini et du contrôle. Ses intérêts de recherche sont actuellement la modélisation et l’identification en traitement multidimensionnel du signal et de l’image avec des applications dans la parole, la sismique, le biomédical, le traitement du signal radar, les textures et le rehaussement de l’image. Il a récemment proposé, en étroite collaboration avec des mathématiciens purs, de nouveaux modèles et de nouveaux critères de stabilité pour les signaux et systèmes M-D (Multidimensionnels). Cette dernière contribution s’inscrit dans l’esprit de l’école de Stanford avec laquelle il a commencé à collaborer depuis 1982.
Il a dirigé plus de 60 thèses de doctorat, publié plus de 250 articles et co-écrit plus de 10 livres. Il a donné des conférences dans des universités du monde entier (dont Stanford, Princeton, Technion, Istanbul, Al Quds, La Havane, Caracas, Budapest, Beijing, Shanghai, EPFL, Bologne, KAUST, Canberra..). Il a créé la « CAD Software Library » au sein du GDR-CNRS, un programme de recherche français sur le traitement du signal et de l’image. M. Najim a organisé plus de 15 symposiums sur le contrôle, le traitement du signal et les échanges conviviaux via Internet (UE, Bruxelles). Il a été co-président de la conférence IEEE sur le traitement statistique du signal organisée à Bordeaux en juillet 2005. Il a été l’éditeur de nombreux actes de symposiums. De 1981 à 1990, membre du conseil technique de l’IFAC, membre du comité technique sur le traitement numérique du signal de l’IEEE Circuits and Systems Society. Depuis 1989, il est membre élu de la TWAS (The World Academy for Sciences). Il a géré des projets avec des partenaires industriels (dont Texas Instruments*, DEC*, ST Microelectronics, Mathworks-Matlab, Al Alamyah*, Thales, EDF, SNECMA, SAFRAN, SAGEM) et dirigé des consortiums au sein des programmes européens. Il a dirigé un laboratoire commun TOTAL /CNRS pendant 15 ans. Nommé IEEE Fellow en 1989 (sur ses travaux effectués au Maroc) , il a reçu le prix de la fondation A. Shuman en 1982, la plus haute distinction royale marocaine (Wisam Al Arch) en 2000, la Medaille de la TWAS Academy en 2011, pour les approches adaptatives, la plus haute distinction de la société EURASIP (EURopean Association of Signal and Image Processing) en 2013 pour ses contributions pionnières à la théorie et aux applications du traitement du signal et de l’image et la distinction française Palmes Académiques en 2015. A été porteur des deux premiers Doctorats Honoris Causa, décernés dans les disciplines de l’Ingénieur, à Bordeaux, pour honorer respectivement les professeurs Th. Kailath de Stanford, en 2003 et M. Vetterli, Président de l’EPFL, en 2021. Lors de son mandat au Maroc, il a mis en place divers partenariats avec la Haute Autorité des Phosphates (OCP), le Ministère de l’Agriculture (ORMAH, ORMVAG) la SNED, la SIMEF, l’ACIOR, (* alors qu’il était en exercice au Maroc).
(**) : L’article, Najim, M. (2024) « Éditorial :Did Norbert Wiener’s cybernetics crystallized in France and incubate AI in China », a été publié comme Éditorial du numéro de décembre 2024 de la revue indexée Kybernetes. Nous tenons à cet effet remercier au nom de Lte magazine la maison Emerad éditrice de la revue Kybernetes qui nous a autorisé à reproduire l’article.