jeudi , 31 octobre 2024

Entretien réalisé avec Bertrand Piccard acteur important dans la lutte contre le réchauffement climatique en marge de la COP27.Entretien réalisé avec Bertrand Piccard acteur important dans la lutte contre le réchauffement climatique en marge de la COP27.

Présentation de M. Bertrand Piccard.

Monsieur Piccard, avant de vous poser mes questions, permettez-moi de vous présenter brièvement à nos lecteurs : Vous êtes médecin et pilote Suisse. Vous avez réalisé le tour du monde au bord d’un avion solaire « Solar Impulse » qui a atterri pour la première fois en Afrique à l’aéroport de Rabat Salé le 5 juin 2012.  Si ma mémoire est bonne vous avez aussi décollé avec votre avion solaire « Solar Impulse » en mars 2015 d’Abou Dhabi aux EAU, pour y revenir en juillet 2016 après dix-sept escales. Auparavant, Vous avez aussi réussi, avec le pilote britannique Brian Jones, le premier tour du monde en ballon en 1999. Actuellement, Vous êtes président de la fondation Solar Impulse dont l’une des missions est de labéliser les produits industriels respectant l’écologie tout en assurant une rentabilité financière aux entreprises.

Question 1 de Lte magazine :

De la COP 1 tenue à Berlin en RFA en 1995 à la COP 27 de Sharm El-Sheikh en Egypte en novembre 2022, pensez-vous qu’on est sur la bonne voie pour la réduction du réchauffement climatique ?

Réponse de M. Bernard Piccard :

Quand on voit les engagements des pays, la réponse est non. Quand on voit le secteur privé et les propositions qu’il propose comme solutions technologiques pour réduire l’émission du CO2 je suis un peu optimiste. Certains pays pensent qu’on allant vers une décarbonisation de leur économie ils vont perdre économiquement alors c’est le contraire. Car avec la décarbonisation les pays vont devenir plus efficient économiquement.

Question 2 :

Pour plus d’engagements ne pensez-vous qu’il est utile d’appliquer des obligations plus contraignantes pour pouvoir aller dans le bon sens ?

Réponse de M. Bernard Piccard :

Oui il faut des engagements contraignants. Ça force tous les pays à devenir plus efficient, c’est-à-dire à économiser l’énergie et à commencer à produire plus d’énergies renouvelables. Ce que la COP n’arrive pas à faire. Parce que dans les COP les pays cherchent à trouver des décisions à l’unanimité. Ce qui fait que les pays qui sont les moins ambitieux font la loi à la COP et non ceux qui sont les plus ambitieux. Ce qu’il faut faire maintenant, c’est qu’au lieu de négocier sur des engagements de diminution du CO2, on négocie plutôt sur l’engagement d’application de solutions écologiques. Donc il faut que les pays s’engagent sur quel type de solutions à mettre en place pour réduire justement les émissions du CO2 et avoir plus d’énergie renouvelable et moins de gaspillage des ressources naturelles comme l’eau.  Donc des engagements de ce genre sont plus plus efficients. Donc ce qu’il faut chercher c’est un partenariat pour la mise en œuvre des engagements pour des solutions technologiques et écologiques plus concrètes.

Entretien conduit par Ahmed Khaouja

Question 3 :

Après avoir fait le tour du monde avec un avion solaire vous voilà proposez des solutions technologiques viables pour l’écologie et pour les entreprises. En quoi consiste votre travail ?

Réponse de M. Bernard Piccard :

Nous avons cherché dans le monde et on a trouvé des solutions qui existent pour protéger l’environnement.  Certaines sont rentables d’autres ne le sont pas. Notre travail consiste à trouver des solutions qui sont à la fois rentables économiquement et écologiques. Justement on a trouvé 1450 solutions qui sont rentables et écologiques dans divers secteurs dont ceux de l’industrie et de l’agriculture. Notre travail consiste à mobiliser les gouvernements pour l’utilisation de ces solutions pour assurer un développement plus efficient et protéger l’écologie. Le but est de moderniser le monde. C’est dire remplacer tout ce qui pollue la nature par des solutions qui protège l’environnement.  Je suis sûr qu’aller dans ce sens on va économiser plus d’énergie et d’argent.

Question 4 :

En tant que Président de la Fondation Solar Impulse, vous affirmer que lutter contre le réchauffement climatique tout en assurant une rentabilité financière des entreprises est possible. Comment on y arriver sans l’instauration d’une taxe carbone et sans une implication les bailleurs de fond comme les banques ?

Réponse de M. Bernard Piccard :

Alors c’est vrai. La taxe carbone est une solution pour accélérer l’utilisation de solutions écologiques. Mais avant d’arriver à généraliser la taxe carbone il faut penser à faire mieux et ce dans plusieurs domaines. La taxe carbone fait peur et beaucoup de gens pensent qu’elle va leur couter beaucoup d’argent. C’est ça notre travail et d’ailleurs on a trouvé 200 solutions rentables et écologiques pour les villes. C’est 200 solutions pour les villes vont permettre la création des emplois tout en visant une réduction des ressources naturelles comme l’énergie et l’eau.

Question 5 : en marge de La COP 27 ici à Sharm El-Sheikh vous venez de publier un guide où vous annoncez les produits technologiques viables que les industriels peuvent utiliser tout en visant une rentabilité financière. Pouvons-nous dire plus à ce sujet ?

Réponse de M. Bernard Piccard :

Le guide a commencé par rechercher des solutions qui sont à la fois rentables économiquement et écologiques partout dans le monde. Le guide retrace où ces solutions ont été utilisées d’une manière à la fois rentable et écologique. On explique dans ce guide comment réussir les grands défis par rapport à la réduction du réchauffement climatique en utilisant des solutions qui existent un peu partout.

 Question 6 :

Vous avez toujours milité pour une économie efficiente. C’est-à-dire vous proposez de coupler le PIB avec la qualité et l’efficience et non avec l’augmentation de production et de consommation. Comment y arriver à cet objectif ?

Réponse de M. Bernard Piccard :

Notre monde pollue beaucoup en gaspillant les ressources naturelles. Par exemple quand vous avez une maison non isolée ça vous coute de l’argent pour la chauffer ou pour la climatiser. Mais si vous utiliser une bonne technologie écologique pour bien l’isoler vous devenez plus efficient. Parfois la consommation de l’énergie dans ce cas précis pourra être divisée par cinq. Donc on aura des économies d’énergie. Ce qui nous permettre d’économiser de l’argent pour justement investir dans une économie plus écologique.  C’est ça que j’appelle l’efficience et une croissance qualitative.

Question 7 :

La lutte sérieuse contre le réchauffement climatique ne passe pas à votre avis par un recourt à une mobilisation planétaire comme celle effectuée autour de la lutte contre la pandémie du covid19 ?

Réponse de M. Bernard Piccard :

Je comprends votre comparaison. C’est vrai dans la crise du Covid19 il y a eu une mobilisation planétaire. Vous avez raison avec cette crise écologique il faut faire la même chose pour utiliser toutes les solutions qu’on a. Donc notre vaccin contre le réchauffement climatique ce sont ces solutions technologiques rentables et écologiques. Bien sûr avec le covid 19 le danger était immédiat alors qu’avec le changement climatique le danger est un peu éloigné. Par conséquent on ne se mobilise pas assez pour l’écologie.

Question 8 :

Pensez-vous que les énergies renouvelables, avec la guerre en Ukraine, suffiront-ils à fournir toute l’énergie nécessaire à l’humanité dans le cadre des objectifs du développement durable à l’horizon 2030 ?

Réponse de M. Bernard Piccard :

Les problèmes liés à la crise énergétiques et à la guerre en Ukraine sont les mêmes. Aujourd’hui il y a moins de gaz russe et moins de céréales ukrainiennes. Donc comme solutions possibles il y a lieu de baisser la consommation. Aujourd’hui par exemple on consomme plus d’énergie avec des vieux systèmes un peu partout. Idem pour l’alimentation où on est moins efficient à cause du gaspillage de la nourriture et ce dans plusieurs pays. Donc si on modernise nos différents process on deviendra plus efficient. Sur le plan de l’énergie on doit travailler à deux niveaux. On doit en premier travailler sur l’utilisation des énergies renouvelables qui deviennent plus compétitives. Pour le 2ème niveau ça consiste à être plus efficient comme je viens de l’expliquer.

Question 9 : 

l’Europe envisage de mettre en place une taxe carbone à leur frontière à partir du 1 janvier 2023. Cette taxe sera certainement un handicap pour les pays en voie de développement comme Le Maroc ?

Réponse de M. Bernard Piccard :

Je pense que cela va forcer tous les pays qui exportent vers l’Europe de travailler pour être plus écologiques. Je pense que cette décision européenne sera bénéfique pour le Maroc car il va améliorer ses performances en matière de lutte contre le dégagement du CO2 et ainsi le Maroc va pouvoir exporter un peu partout ses produits en améliorant son standard écologique.

Question 10 :  L’Afrique est plus exposée aux conséquences des changements climatiques.  En plus elle est déjà soumise à divers autres défis.  Que préconiseriez-vous aux chefs d’Etats Africains ?

Réponse de M. Bernard Piccard :

Les chefs africains doivent comprendre que ça leur coute plus cher d’importer des énergies fossiles que de créer des centrales d’énergie renouvelables. Aller dans le sens de développer des énergies renouvelables est une opportunité pour la création de la valeur locale. Le Maroc a compris ça depuis longtemps, en investissant dans l’éolien et dans le solaire.

Question 11 :  Les centrales nucléaires dégagent moins de CO2 mais elles produisent des déchets radioactifs. Est-ce qu’on parle de sujet à Sharm El-Sheikh ?

Réponse de M. Bernard Piccard :

Il y a aussi des discutions autour du nucléaire à la COP 27. Le problème c’est que le nucléaire est plus cher que l’éolien ou le solaire. En effet entre les études et la réalisation il faut 15 ans en moyenne pour installer une centrale nucléaire dans un pays donné. Alors l’installation de l’éolien ou du solaire c’est plus rapide et relativement facile à mettre en œuvre.

Question 12 :

Quels messages vous adressez aux jeunes du monde entier par rapport à cette crise du réchauffement climatique ?

Réponse de M. Bernard Piccard :

Il faut que les jeunes agissent en parlant avec leurs élus et il faut qu’ils se mobilisent à travers tous les moyens de communications dont ils disposent. Il faut manger plus local, il faut économiser de l’énergie, il faut respecter les ressources naturelles. Il faut aussi que les jeunes choisissent des métiers contribuant à une meilleure protection de notre unique planète. Je veux rajouter un point important c’est que l’annonce de la recherche des 1000 solutions écologiques je l’ai faite à Marrakech lors de la COP 22.  Aussi c’était pour moi un grand plaisir de m’entretenir, lors de la COP 27, avec la délégation marocaine présidée par le Prince My Rachid au sujet de l’écologie à Sharm El-Sheikh en Egypte.

Merci beaucoup M. Bertrand Piccard à vous et à vos équipes pour cet excellent entretien.

 

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