Coronavirus : un mot qui a monopolisé les débats et discussions dans toutes les sphères de notre planète depuis quelques mois. Ce phénomène apparu en Chine à la fin de l’année 2019 a pris de cours et semé la panique dans tous les pays du monde. Il s’est déplacé à une vitesse fulgurante et mis à l’arrêt toute la machine économique mondiale.
Le Covid-19, puisque c’est de lui qu’il s’agit, a mis à nu la fragilité des systèmes socio-économiques de plusieurs pays qui se croyaient à l’abri de toute perturbation à l’échelle planétaire. Il a dévoilé la vulnérabilité de cette société qui découvre la faiblesse de son système sanitaire délaissée au profit d’un développement fortement capitalistique. Par ailleurs, cette petite particule a provoqué le désaveu des populations, dans plusieurs pays et régions du monde face d’une part, à l’incapacité de leurs dirigeants à gérer convenablement cette pandémie, d’autre part, au manque de solidarité exprimé par certaines puissances pour engager une action commune contre ce fléau. Ces facteurs auront probablement un impact sur les relations au sein de certains groupements régionaux considérés comme de grandes puissances économiques. Cette situation, associée aux perturbations que connaît actuellement le secteur pétrolier, pourrait entraîner une nouvelle configuration de la carte géopolitique mondiale.
Actuellement l’humanité pleure ses morts qui se chiffrent par milliers et déplore son incapacité à agir avec célérité pour endiguer cette catastrophe.
Le Maroc, ayant très tôt pressenti les effets néfastes de cette pandémie, s’est empressé rapidement de mettre en place toutes une batterie de mesures (fermeture des frontières, confinement, fermeture des établissements scolaires et universitaires, arrêt du transport interurbain, création d’un fonds spécial Covid-19…) pour la contrecarrer, et qui ont emporté l’adhésion de toute la nation. La presse internationale n’a d’ailleurs pas tardé à citer le Maroc en exemple pour l’ingéniosité dont il a fait preuve, face à ce fléau.
Il est certain que les différents secteurs de l’économie marocaine (transports, tourisme, services, industries aéronautique et automobile etc.) connaîtront à l’instar de tous les pays de la planète, des perturbations importantes. Mais, il est aussi très probable que certaines mesures prises dans le cadre du programme de lutte contre ce fléau, permettront d’amortir le choc consécutif à l’arrêt de l’activité engendré par la pandémie.
Ainsi, le fonds spécial COVID-19 dont les contributions dépasseront probablement les 50 milliards de DH vers la fin du mois d’avril, est d’ores et déjà mis à contribution pour : 1) soutenir le manque d’emploi généré par la baisse d’activité ; 2) financer les besoins urgents en moyens de santé pour faire face à la maladie ; 3) soutenir les entreprises fortement touchées par cette récession économique.
Parallèlement à ce fonds, le gouvernement a fait recours à la « Ligne de Précaution et de Liquidité » prévue dans le cadre des accords avec le FMI pour tirer une somme de 3 milliards de dollars (l’équivalent de 30 milliards de DH) afin de combler les déficits éventuels de notre économie, et maintenir nos réserves de change à un niveau confortable.
Enfin, la situation d’instabilité (qui persistera probablement pendant plusieurs mois) qui prévaut dans les marchés pétroliers, suite à la chute vertigineuse des cours (jamais connue depuis plusieurs dizaines d’années), auront probablement un impact favorable sur notre balance commerciale.
Tous ces éléments nous permettront, à court terme, de soutenir nos capacités financières et de répondre avec célérité aux exigences d’urgence imposées par la situation. Cela nous permettra par ailleurs de prendre un peu de recul pour préparer le dé-confinement ainsi que les programmes d’intervention face à la récession qui se profile dans un proche avenir.
Il n’est guère question à ce stade des évènements de spéculer sur les répercussions chiffrées de cette crise sur les principaux indicateurs de notre économie (PIB, Équilibre Budgétaire, Balance Commerciale, Réserves de Change, etc.…). Nos institutions spécialisées nous fournirons le moment venu toutes les informations et les chiffres à ce sujet. D’ailleurs, un Comité de Veille a été constitué et chargé de suivre l’évolution de notre économie durant cette période du Coronavirus.
Par contre, il est important de signaler que les économies qui profiteront le plus après cette période du Covid-19, seront celles qui parviendront les premières à redémarrer et à se positionner sur le marché international, et donc celles qui prendront les orientations et les décisions les plus appropriées leur permettant de mieux s’insérer dans le nouvel ordre économique que connaîtra probablement notre planète.
Le Maroc est partant pour cette nouvelle aventure avec un grand avantage qui découle de la cohésion et la mobilisation dont ont fait preuve le peuple et les responsables marocains autour de leur souverain. Cette aventure devra commencer par une grande maîtrise des enjeux qui caractériseront l’économie mondiale après le coronavirus à savoir l’énergie, les ressources naturelles et la digitalisation.
LE SECTEUR ENERGTIQUE qui représente la première économie mondiale, restera le premier centre d’intérêt des nations. Ce secteur est appelé à connaître de profondes mutations dans un futur proche, d’autant plus que, selon les prévisions de certains experts, les réserves mondiales en pétrole s’amenuiseront vers les années 2050. L’ère du pétrole arrivera donc bientôt à sa fin, tandis que le monde a déjà entamée sa course vers les énergies renouvelables.
Dans ce domaine, le Maroc a déjà lancé un grand programme lui permettant de porter la part de l’énergie renouvelable dans son bouquet énergétique à 52% vers 2030, et cet objectif est susceptible d’être révisé à la hausse. Par ailleurs, le Maroc peut s’enorgueillir de posséder la plus grande unité de production d’énergie solaire au monde (le complexe Noor d’Ouarzazate).
Néanmoins, il reste encore un long chemin à parcourir et des efforts importants à déployer notamment dans deux directions : 1) encourager et soutenir la recherche dans ce domaine ;
2) concevoir et mener de vastes programmes de vulgarisation auprès des consommateurs d’énergie (institutions publiques et privées, industrie, agriculture, tourisme, collectivités territoriales, ménages) et prévoir des mesures et des actions incitatives à ce sujet.
Enfin, un des défis majeurs pour la réussite de notre développement économique, consistera à assurer une grande partie de notre indépendance énergétique.
LES RESSOURCES NATURELLES, compte tenu de leurs dégradations, constitueront plus que jamais un facteur fondamental pour le développement de l’humanité.
En ce qui concerne le Maroc, compte tenu de sa situation géographique et des changements climatiques qu’a connus notre planète au cours des dernières décennies, la ressource en eau deviendra de plus en plus un facteur stratégique pour notre développement, et sa pénurie peut avoir un impact très contraignant sur notre économie.
A ce titre, il faut signaler que, selon un rapport rendu public en août 2019 par le World Ressources Institut (WRI), le Maroc figure sur la liste des pays avec un « stress hydrique élevé”. Et quel que soit le crédit qu’on voudra accorder aux études de cet institut, le problème de la rareté de l’eau est réel et bien présent.
Cette problématique est prise très au sérieux au niveau de la plus haute instance de l’état, puisque, dès octobre 2017, Sa Majesté le Roi avait, lors d’un conseil des ministres, attiré l’attention du gouvernement à ce sujet. Le Plan National de l’eau élaboré en décembre 2019 par le comité présidé par le Premier ministre, est considéré comme une feuille de route pour les 30 prochaines années (2020-2050), essentiellement pour améliorer l’offre en eau à travers une enveloppe financière de 383 milliards de dirhams. Quant à la bonne gestion de cette offre, le problème reste entier. En effet il reste un grand travail de sensibilisation et de vulgarisation à entreprendre auprès des grands consommateurs en cette ressource à savoir :1) l’agriculture (pour l’utilisation des systèmes d’irrigation à économie d’eau et la pratique de cultures peu consommatrices en cette ressource et dégageant une valeur ajoutée élevée), 2) l’industrie (en encourageant le recyclage des eaux usées et l’utilisation du dessalement de l’eau de mer), 3) le tourisme et l’urbanisme (par l’application d’une indexation incitant à l’économie de l’eau, et le stockage des eaux de pluie).
L’évolution de cette problématique doit faire l’objet d’un suivi permanent par un groupe de techniciens de très haut niveau (le Maroc dispose de nombreuses compétences et expertises dans ce domaine) issus des différentes institutions de l’Etat et placée sous l’autorité d’une instance proche du pouvoir décisionnel.
Enfin un facteur important à considérer concerne la DIGITALISATION qui jouera dans le futur un rôle principal dans l’amélioration de la compétitivité économique, en utilisant les derniers progrès des technologies informatiques. Au Maroc, si les grandes institutions de l’Etat et les établissements financiers ont pris les devants dans ce domaine, plusieurs petites et moyennes entreprises représentant une bonne partie de notre tissu économique restent encore à la traîne. Un appui de l’Etat serait profitable pour inciter ces PME à s’impliquer davantage dans la digitalisation.
Le Maroc est donc appelé plus que jamais, à profiter de cet élan de mobilisation qui l’anime depuis le début de cette pandémie, pour se faire une place dans le nouvel échiquier mondial.
Cet élan doit être mis à profit pour achever et finaliser les grands chantiers en cours de réalisation et lancer des programmes novateurs adaptés aux changements qui interviendront dans le monde d’après le coronavirus.
Il s’agira, en premier lieu de maintenir et consolider ce consensus mobilisateur de toutes les forces vives de la nation, à travers des programmes de développement socio-économiques conçus autour de la promotion de l’élément humain. Pour cela, et afin de consolider l’efficacité de l’intervention de l’Etat sur le terrain, et prendre les décisions les plus pertinentes imposées par la situation, il serait opportun d’adopter une démarche consistant à donner la priorité au « technique » et « reléguer » le politique au deuxième rang.
À ce titre, il est utile de rappeler l’importance du principe du « tout état » qui a prévalu depuis l’apparition de ce fléau du coronavirus. En effet, on a pu constater l’esprit de responsabilité, d’abnégation et de mobilisation avec lequel ont répondu tous les services sécuritaires, sanitaires et de l’enseignement relevant de l’Etat, face à cette situation d’urgence. Cela démontre à quel point l’implication de l’Etat est importante dans certains secteurs névralgiques comme l’enseignement et la santé, qui sont indispensables pour améliorer nos capacités à créer de la richesse.
Dans ce cadre, Il s’agira en premier lieu, de valoriser les compétences techniques existantes, et arrêter l’hémorragie des cerveaux qui s’expatrient vers les pays occidentaux (certaines statistiques estiment à 600 l’effectif des ingénieurs qui quittent le Maroc tous les ans). Ensuite il faudra envisager la formation de nouveaux profils pour répondre aux besoins des nouveaux programmes de développement mis en place.
Dans le domaine de la santé, le principal objectif consistera à améliorer l’encadrement sanitaire et l’offre médical et en assurer une répartition équitable dans l’espace. L’augmentation du nombre de Centres Hospitaliers et Universitaires (CHU) à travers tout le territoire national permettra d’améliorer d’une part, les infrastructures médicales existantes, et d’autre part le ratio du nombre de médecins par 10000 habitants qui est actuellement de 7,1 pour le porter à un chiffre supérieur à 20 (selon les normes de l’OMS).
Dans le domaine de l’enseignement, les efforts consentis par le gouvernement pour la généralisation de la scolarisation sont fortement altérés par les déperditions importantes et progressives enregistrées entre les différents cycles de l’enseignement. Ce phénomène, malgré toutes les études réalisées à son sujet, restent très difficile à contrôler, et représente une perte importante pour l’état. Les élèves concernés tombent souvent dans les rangs des « laissés pour compte”, et certains d’entre eux, vu leur jeune âge, viennent grossir les rangs des « enfants de la rue « .
Le même phénomène se produit au niveau des établissements universitaires à cause notamment de l’inadéquation entre la formation et la demande du marché de l’emploi. À ce niveau, les éléments issus de cette déperdition, et qui ont généralement dépassé l’âge de l’adolescence se retrouvent souvent dans le secteur informel.
Ce phénomène (l’informel et les enfants de la rue) très visible et souvent choquant, qui investit le paysage urbain des grandes agglomérations urbaines, terni l’image du Maroc vis-à-vis de l’extérieur et cache les vraies valeurs de notre pays. Seule une intervention volontariste de l’Etat peut apporter des réponses concrètes à ce phénomène.
Le chantier du service militaire obligatoire lancé par Sa Majesté le Roi en 2018 constitue une initiative louable pour apporter une solution partielle à ce problème. En attendant que les mesures adoptées pour la mise à niveau du secteur de la formation professionnelle apportent ces fruits, il est urgent de concevoir des programmes pour la prise en charge de cette population très vulnérable issue des déperditions scolaires.
Enfin, le développement de l’ensemble de ces secteurs (énergie, ressources naturelles, ressources humaines, digitalisation), associé au potentiel culturel et traditionnel de notre pays et à sa stabilité politique, nous permettra de bâtir une économie solide et solvable à même de renforcer notre stratégie d’ouverture sur les marchés internationaux. Sous l’impulsion de Sa Majesté le Roi, cette ouverture nous a permis de nous positionner sur plusieurs marchés et notamment le marché africain qui présente des opportunités considérables, et en adoptant toujours la démarche gagnant-gagnant. Parallèlement, il nous appartiendra de préserver et consolider nos acquis sur nos marchés traditionnels.
En conclusion, le Maroc dispose de tous les ingrédients pour créer de la richesse, assurer son indépendance économique et lui permettre d’occuper une position confortable dans l’échiquier mondial. Notre devise « Dieu, la Patrie, le Roi » édictée par l’article 4 de notre constitution est le garant de notre unité et notre stabilité politique, qui nous permettront toujours de nous projeter dans le futur avec confiance et sérénité, chaque fois que des événements exceptionnels et imprévisibles croisent le cours de notre histoire. Le cas de cette pandémie du coronavirus n’est qu’un exemple comme d’autres que nous avons connu au cours de notre histoire passée et récente.
(*) Par El Hanafi Ahmed Ingénieur agronome
Ancien chargé de mission auprès du premier ministre au Maroc
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