samedi , 27 juillet 2024
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Partage de Sites Radios

Partage de Sites Radios

Le partage des infrastructures est une action opérée par des opérateurs consistant à accorder  une sous partie de leurs infrastructures à d’autres opérateurs, dans le cadre d’un contrat. Le processus de partage d’une partie de l’infrastructure,  comme le partage des locaux techniques, d’énergie ou de la climatisation,  a commencé réellement au cours des années 90, dès le début de  la libéralisation des télécoms, dans le cadre de l’interconnexion des réseaux.

Aujourd’hui, avec le développement des réseaux haut et très haut débit et mobiles, les questions de partage de l’infrastructure font partie du travail quotidien des opérateurs et des régulateurs, dans les pays développés et dans certains pays en voie de développement comme le Maroc. L’action de partage et de la mutualisation d’une partie de l’infrastructure est encouragée afin de réduire les coûts, de viser un meilleur paysage visuel en ce qui concerne les sites radios, et aussi, afin d’encourager les nouveaux opérateurs dans le déploiement de leurs réseaux.

Dans le présent article, on ne  traitera que du partage de sites radio. Le partage de l’infrastructure, dans son ensemble, sera abordé dans de prochains numéros de Lte magazine.

Le partage de sites radio au Maroc, comme ailleurs, présente plusieurs avantages. Il permet en effet,

– de promouvoir l’accès général de la population aux réseaux télécoms.

-de contribuer à l’esthétique de nos villes et de nos villages.

-de mettre rapidement en service des nouveaux sites.

– d’économiser des devises aux pays, dont le tissu industriel télécom est faible et dont la plupart des équipements, objet de partage, sont importés de l’étranger.

– de réduire le coût de construction des réseaux. Selon les équipementiers de télécommunication «le partage peut réduire les coûts d’infrastructure pour les opérateurs de près de 40 % et favorise une large et rapide couverture des zones de gestion».

-de réduire les frais d’exploitation comme ceux de la location des sites, de maintenance ou de consommation d’énergie.

 Il y a donc «partage» ou «mise en commun» de site lorsque des opérateurs concluent des accords pour installer leurs différents équipements sur une même structure, qu’il s’agisse d’un pylône ou d’un toit. Plusieurs éléments de l’infrastructure passive peuvent être partagés, de même que, par exemple, l’alimentation électrique ou la climatisation. Les antennes et les équipements de transmission peuvent également être partagés, mais sont considérés comme faisant partie des infrastructures actives.

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La plupart des pays encourage le levier du partage des infrastructures eu égard à son impact sur le déploiement du réseau et l’amélioration de la qualité de service. Certains pays, notamment en Asie, ont fait du partage des infrastructures l’un des critères de la délivrance de licences pour l’utilisation des fréquences par les services mobiles 3G ou 4G.

Il existe le partage dit passif et celui dit actif. Le partage passif consiste en l’utilisation commune par les opérateurs de tout ou partie des éléments passifs d’infrastructure (sites, génie civil, locaux techniques et servitudes, pylônes, alimentation électrique, climatisation, etc.). Mais chaque opérateur de téléphonie mobile déploie ses propres équipements et ses propres antennes sur un site.

Pour  le partage actif, il constitue un mode plus avancé de mutualisation, puisqu’il implique une mise en commun sur un site partagé non seulement d’éléments passifs, mais également d’équipements électroniques actifs, à commencer par les antennes. Cependant, chaque opérateur exploite, via les équipements partagés, ses propres fréquences.

 

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Paysage fréquent dans  un pays en voie de développement

Il existe plusieurs types de partage. Il y a d’abord la solution dite donnant-donnant  ou échanges de sites: L’échange de sites consiste au fait qu’un opérateur donneur permet à l’opérateur receveur de s’installer sur un de ses sites et, en échange, l’opérateur receveur permet aussi à l’opérateur donneur de s’installer sur un des siens. Cette configuration d’échange est l’une des solutions la plus utilisée et la plus facile à concrétiser. Mais parfois cette solution n’est pas encouragée par les opérateurs qui détiennent une part de marché relativement plus importante dans une zone donnée. Ensuite il y a la solution du payement d’un loyer mensuel ou annuel en contrepartie de l’utilisation du site de l’autre opérateur. Pour éviter les contraintes de la solution « un site en échange d’un site », les opérateurs peuvent se mettre d’accord pour le paiement d’un loyer. L’opérateur receveur paiera périodiquement une somme d’argent à l’opérateur donneur qui en contrepartie accepte l’installation des équipements chez lui. On retrouve dans cette solution les problèmes classiques de location : un site où la rentabilité financière est  faible aura une valeur de location faible, par contre, l’opérateur qui détient des sites à forts revenus ne sera pas très motivé pour les partager. La location de sites peut également être appliquée chez un tiers non opérateur téléphonique. En effet, il y a aussi des personnes morales de droit public, les concessionnaires de services publics qui pratiquent ce genre de location, comme par exemple les opérateurs de télévision et de radio qui possèdent souvent  de points hauts ou qui peuvent en avoir besoin. Enfin, il y a la solution de l’externalisation des actifs partageable à des sociétés tiers spécialisées dans la gestion d’équipements réseau dite Towerco. Et ces sociétés, qui font du partage leur bisness,  offrent les services au niveau de ces sites à tous les opérateurs. Le métier des towercos consiste à optimiser la gestion des tours, notamment en réduisant les coûts de l’alimentation en électricité et des frais de sécurité et en hébergeant plusieurs opérateurs sur un même site. Deux modèles existent actuellement au niveau de notre continent Afrique : le premier modèle consiste à ce que le towerco obtienne la gestion des tours pour une durée de dix à quinze ans, et il peut les louer aux opérateurs ou autres utilisateurs. Le second modèle, le towerco est propriétaire de ses tours, soit parce qu’il les a rachetés à un opérateur, soit parce qu’il a constitué un parc par ses propres moyens.  C’est une solution plus adéquate mais difficile à implémenter dans notre continent, où les tours et les points hauts sont considérés comme sacrés. A part quelques expériences limitées et réussies en Afrique, la pratique du Towerco semble se développer surtout dans les pays émergents. A titre d’exemple, l’entrepreneur libanais DG de la société IHS, spécialisée dans la gestion de pylônes, au Nigeria, est devenu le leader dans ce domaine. Comme en témoigne son contrat record avec MTN, qui lui a permis de racheter  récemment de 9 151 tours de télécommunications au groupe sud-africain MTN, au Nigeria. Au Maroc il est impossible d’imaginer pour le moment cette configuration.

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Paysage fréquent dans les pays développés.

Coté législatif et réglementaire et à titre d’exemple, citons les cas de la France et du Maroc. En France le partage des sites est encouragé par la réglementation  et notamment par l’article D.98-6-1 du code des postes et des communications électroniques qui demandent à chaque opérateur de privilégier toute solution de partage avec un site ou un pylône existant. Au Maroc et, en attendant les nouveaux de textes qui sont dans un va et vient entre le gouvernement  et le parlement, le partage est encadré par l’article 22 bis de la loi n°24-96 relative à la poste et aux télécommunications, telle que modifiée et complétée, ainsi que l’article 13 bis du décret n°2-97-1026 du 25 février 1998 relatif aux conditions générales d’exploitation des réseaux publics de télécommunications, tel qu’il a été modifié et complété par le décret n°2-05-771 du 13 juillet 2005, traitent du partage d’infrastructures qui précise entre autres que le refus de partage des infrastructures doit être motivé. Quant au  contrat signe entre les opérateurs, en matière de partage, il relève du droit privé qui précise les conditions administratives, techniques et financières. Le régulateur ne peut intervenir généralement que s’il y a blocage ou si il y a des clauses abusives au niveau du contrat.

Enfin,  pour encourager le partage, qui n’est pas facile à concrétiser au niveau de notre continent, car certains opérateurs  sont capables de trouver des prétextes conduisant au refus à l’autre l’accès à ses sites radios, il est important en plus des actions de régulation classiques d’envisager la réalisation des actions suivantes :

  • Lors de la présentation des plans d’investissements des opérateurs télécoms, il y a lieu de lier les encouragements fiscaux accordés par certains Etats de notre continent aux opérateurs télécoms,  aux réalisations de  partage d’infrastructures passives et actives réussis par ces derniers. En effet, en plus des avantages que tirent les opérateurs, le partage est très utile pour l’économie de nos pays étant donné que,   d’une part, il permet de  satisfaire les clients plus rapidement, notamment ceux se trouvant dans les zones non rentables financièrement ou zones service universel  et, d’autre part, il permet d’agir positivement sur la balance de payement de nos pays car la plus part des équipements actifs et passifs sont importés de l’extérieur.

  • les régulateurs peuvent contribuer à l’élaboration et la publication des caractéristiques d’un site radio partageable. Une fois aussi ces caractéristiques sont élaborées, on peut encourager la mise en place de bureaux d’études au niveau local pour expertiser les points de blocages, dans les meilleurs délais, en relation avec les publications de normes précitées, dont, par exemple, le poids du matériel ou la détermination de l’espace libres ou pas.

  • Publier périodiquement le classement des opérateurs en matière d’encouragement du partage.

Par René Serres consultant Télécoms

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