mercredi , 11 décembre 2024

L’invasion des puces

 

L’invasion​​ des puces

Par Ata-Ilah Khaouja

De quoi s’agit-il ?

Les lignes qui suivent reviennent sur​​ le dernier​​ événement​​ d’Elon Musk qui vient d’emboîter​​ une puce neuronale​​ dans le cerveau humain. Nous revenons sur ce​​ fabuleux voyage qui est en soi un retour au bercail, car,​​ pour beaucoup​​ d’entre nous,​​ nous sommes​​ semés et plantés de diverses puces.​​ Tous les matins, nous​​ nous coiffons, devant la glace, en peignant des cheveux vrais ou​​ pour, certains,​​ factices dressés sur une perruque ou bien implantés sur un crâne​​ ;​​ tous les soirs, devant la même glace, nous nous brossons des dents​​ naturelles​​ ou, pour d’autres,​​ artificiellement posées. Par ailleurs, nous​​ sommes des marcheurs et des coureurs, grâce à nos pieds, jambes et cuisses,​​ certes,​​ mais nous le sommes, pour certains,​​ surtout​​ grâce à​​ des hanches mécaniques posées ;​​ nous écoutons battre nos cœurs​​ naturels ou​​ bien​​ sophistiqués​​ assistés par des pacemakers greffés ;​​ nous​​ sentons nos reins​​ hérités​​ ou​​ installés…​​ nous sommes​​ truffés d’appareils.​​ 

Premier voyage :​​ vagabondage vers la technique

L’anthropologie nous apprend que la totalité de nos outils qui sont entre nos mains, que nous utilisons directement​​ ou​​ bien dont nous nous servons pour façonner d’autres objets, sont sortis de nos corps. Et comment ?​​ En voici, sans​​ pouvoir les citer tous,​​ quelques​​ exemples.​​ 

La roue, par exemple, qui est une invention, vieille de quelques millénaires, est un​​ pur​​ outil sorti directement de notre corps ; dans les mouvements de rotations de la roue, se logent,​​ tout génialement,​​ les rotations produites par nos hanches, nos genoux​​ et nos chevilles. Pour s’en apercevoir, il suffit de​​ se mettre sur un vélo, pédaler et​​ remarquer, que pendant que​​ nos​​ articulations,​​ chevilles​​ ou genoux, produisent des​​ mouvements​​ de rotation, la roue du vélo produit, en les mimant,​​ les mêmes formes circulaires juste en​​ plus grands. A y voir de près,​​ nous avons toujours vécu avec ces roues potentielles en​​ nous​​ et​​ que nous​​ n’avons laissé​​ se manifester​​ au grand jour​​ qu’il y a environ six mille ans…

Fist Hammer | Welding projects, Metal shop, Cool welding projects

Un autre exemple.​​ Qu’est-ce qu’un marteau ? Une masse dure, métallique plus ou moins pesante et compacte, traversée par un manche​​ en​​ bois. N’est-ce pas le mime parfait du​​ poing et​​ de​​ l’avant-bras ?​​ Nous avons ainsi​​ enfoncé plusieurs clous avec​​ force et​​ vitesse et surtout​​ nous avons​​ évité à nos mains blessures et rigidités. Et​​ tant mieux, car​​ si nous n’avions pas déposé nos​​ poings​​ et nos avant-bras dans des marteaux, aurions-nous eu des mains souples et saines​​ pour​​ tenir un stylo ou un calame ?​​ 

Ainsi, nous avons prêté nos yeux à des jumelles​​ ou​​ télescopes pour voir loin, ou bien à des microscopes pour​​ scruter​​ le plus petit. Ainsi, également,​​ les creux de nos mains se sont transformés en cuillères et pelles et plus tard en pelleteuses. Ainsi,​​ encore, l’index et le pouce sont mimés par​​ les tenailles ou​​ par​​ des pinces universelles. Ainsi, toujours,​​ nous avons confié nos voix aux téléphones pour porter nos rumeurs et​​ nous avons déposé nos mémoires dans de l’écrit d’abord : murs gravés ou peints,​​ livres et bibliothèques, ensuite, tout récemment, nous avons confié nos souvenirs aux​​ disques durs de nos ordinateurs, à nos smartphones et aux divers cloud…​​ 

Bref,​​ poussés par les nécessités de l’instant, nous avons à chaque étape de notre histoire, libéré​​ les techniques endormies ou plus exactement engourdies dans nos corps à la recherche de bien-être à gratter et de​​ temps à épargner.​​ Là où creuser un puits​​ prend aujourd’hui,​​ à l’aide d’un engin​​ à commandes,​​ conduit​​ par un machiniste installé dans une cabine, chauffée et confortable,​​ quelques heures, cela​​ exigeait à nos ancêtres, réunis en groupe,​​ des mois​​ ou des années voire de générations.​​ Et ce temps gagné a changé nos vies.​​ ​​ 

Deuxième voyage : retour​​ interne​​ au bercail

Nos modes de vies​​ sont le fruit d’une perpétuelle aventure​​ parsemée de​​ découvertes, de réalisations et de progrès.​​ Et​​ durant tout ce long parcours,​​ nos innovations ne nous ont pas été uniquement bénéfiques. Tout au contraire, par moment,​​ es inventions​​ nous ont​​ joué de sacrés nocifs tours ; elles ont été néfastes pour notre santé physique.​​ Et​​ pour corriger ces dommages,​​ la science,​​ appelée à​​ apaiser​​ ces​​ troubles,​​ est allée​​ chercher les remèdes dans les objets fabriqués sortis autrefois du corps humain. Tel le cas de la médecine.​​ Et voilà que ce qui a quitté un jour nos corps, ce que nous avons fabriqué et façonné par imitation, voilà qu’il nous revient. Autrement dit, nos corps se sont mis à rapatrier et à mieux incorporer ou incarner, ce que nous avions délégué aux machines : retour à l’expéditeur !​​ 

What Is Life Like with a Lower Limb Prosthesis?

Et la preuve en est les prothèses orthopédiques que certains autour de nous portent, suite à des accidents domestiques, de travail, de la route ou bien lors de drames de guerre...​​ Après s’être sorties de nos corps, à l’image du marteau,​​ de la cuillère et autres,​​ ces prothèses, qui sont​​ de véritables​​ imitations de nos organes, reviennent pour remplacer un membre amputé,​​ une dent tombée, une fonction défaillante...​​ Elles reviennent d’abord, juste comme des locataires​​ le temps qu’elles accomplissent leurs rôles et après​​ elles sont déposées et invitées à sortir​​ de nos corps. Elles reviennent pour une location des lieux ou pour un court séjour…​​ 

Troisième voyage :​​ intrusion intime​​ ou intestine

… sauf qu’il y’a peu de temps,​​ on installait des puces pour répondre à​​ des​​ besoins​​ bien​​ identifiés​​ afin de remédier à des carences, majoritairement mécaniques : pacemaker pour stimuler les contractions cardiaques, les puces RFID pour​​ identifier des individus ou bien pour pister des objets.​​ Ces circuits intégrés,​​ parfaitement et​​ intimement incrustés,​​ ne dépassaient jamais la profondeur de quelques millimètres en dessous de la peau, au niveau du thorax ou bien de la main, en tout cas dans un​​ endroit du corps moins exposé ou bien non risqué.​​ Des puces non déboitables facilement qui appréciaient un séjour​​ plus ou moins​​ long !

Or dans le cas de la dernière installation,​​ le labourage du corps​​ humain est passé à une phase​​ beaucoup plus intime​​ sinon parfaitement intestine ; intestine​​ comme​​ le​​ superlatif de l’intime.​​ Or​​ en ciblant​​ le cerveau humain, plein par nature, qui par ailleurs ne souffre d’aucun espace inoccupé, l’équipe d’Elon Musk a choisi de squatter​​ la partie la plus sensible​​ et la plus vulnérable, neurologiquement,​​ du corps humain.​​ Il​​ fallait pousser pour mettre de​​ la place​​ dans​​ un​​ cerveau​​ rationnellement​​ occupé​​ et qui a horreur du vide.​​ 

This Lab Is Merging Human Brain Cells With Computer Chips | PCMag

Et l’avenir ? À l’image de la cuillère qui, après avoir quitté,​​ en solitaire,​​ le creux de la main, et qui s’est rapidement démultipliée à profusion jusqu’à occuper la Terre entière, devrions-nous craindre le pullulement de cerveaux greffés de puces. Sur le modèle de la​​ surabondance​​ des​​ cuillères​​ dans​​ chaque cuisine où​​ elles​​ se trouvent en quantité et en variétés, certaines à glace, d’autres à soupe ou à œuf, sans compter celles​​ à​​ café ou à dessert… devrions-nous craindre alors la profusion de myriades de puces, également en nombre et en spécialité ou capacité ? Devrions craindre un cerveau où nichent simultanément une puce frontale spécialisée​​ dans l’intelligence (laquelle ?) à côté d’une autre pariétale pour déclencher des sensations (lesquels), et pas loin une temporale pour le langage (lequel ?) et enfin,​​ à un​​ endroit précis,​​ une puce tronc-cérébrale pour exciter la conscience, mais alors laquelle ? La conscience d’être greffé d’une puce ou de plusieurs ou bien la conscience d’être artificiellement donc faussement intelligent !​​ 

Pour conclure

Qui est en mesure de démentir cette vérité burlesque et discutable : plus on bourre un cerveau imbécile d’intelligence, naturelle ou artificielle, plus il devient imbécile ?​​ 

Elon Musk's Neuralink receives FDA approval for human brain implants –  India TV

Qui peut encore contredire cette autre triste et sévère réalité : prosternons-nous devant la technologie, les mains virtuellement liées​​ et la tête, en signe de totale soumission, docilement baissée​​ comme le​​ fait l’homme d’affaires ci-dessous,​​ et dépenserons-nous​​ des milliards,​​ en torturant au passage animaux et cobayes,​​ et en tournant le dos à plus de​​ 42% de la population du globe​​ qui​​ vit sous stress hydrique et sous angoisse alimentaire​​ ?​​ Finalement, comme il fallait dégager de la place au niveau de ce cerveau pour y installer ces puces : qui alors​​ peut​​ enfin garantir que les puces cérébrales, une fois bien installées, ne repousseraient-elles pas, puisqu’elles sont intelligentes, en dehors de la cage crânienne,​​ ce​​ qu’il y a​​ de plus humain chez l’homme : son humanité !

Par Ata-Ilah Khaouja

 

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