mercredi , 11 décembre 2024

Le virtuel entre la nature d’hier et la culture d’aujourd’hui.

L’arbre pour se développer et voyager dans l’espace vers le ciel reste attaché au sol et puise ses ressources dans ses racines enfuies dans l’obscurité du sous-sol. Ainsi est-il de nous les humains. Et peu importe notre degré d’évolution nous plongeons, jusqu’au cou, dans l’ancien et nous nous référons, sans cesse, à notre passé glorieux, quel qu’il soit, car il a au moins enfanté notre présent.  Ce passé nous colle, malgré nous, même si nous le qualifions d’archaïque et de dépassé.  Et l’actualité veut qu’on parle du virtuel : parlons-en mais différemment.

Qui a dit que le virtuel daterait d’aujourd’hui, c’est-à-dire depuis l’apparition de l’internet ?  Et qui a dit également que le virtuel serait purement culturel ?

En réponse à ces deux questions nous allons interroger, à travers un exemple, notre nature qui nous répondra que le virtuel n’est pas que culturel et surtout qu’il a toujours été global. Un deuxième exemple, purement culturel, nous apprendra que le virtuel ne date pas d’aujourd’hui et qu’il n’est pas local non plus.

Tout naturellement, nous avons déjà vécu quelque chose de magique c’est-à-dire d’à peine compréhensible. L’été, en période de forte chaleur, nous avons remarqué au loin, à travers les pare-brise de nos véhicules ou  quand nous randonnons dans le désert,  des apparitions qui plongent l’horizon dans une nappe d’eau. Arrivés sur les lieux vus de loin, nous ne retrouvons rien d’aquatique.  Ce phénomène, observable également dans les banquises, est appelé tout simplement : mirage. Qu’est-ce qu’un mirage ? C’est une apparition virtuelle qui est explicable à l’aide des équations d’optique, facile à comprendre par ailleurs. On attribue  ce phénomène virtuel à la variation des indices de réfraction du milieu qui réfléchit le rayon lumineux. Par conséquent, les différences de températures des couches d’air déforment les rayons lumineux, qui donne cette impression d’apercevoir, de loin des nappes d’eau.  Voilà donc une explication culturelle d’un phénomène virtuel tout à fait naturel et qui a existé avant même l’apparition de l’être humain. Plus exactement, il a existé il y a quelques milliards d’années c’est-à-dire depuis que le soleil brille. Depuis qu’il brille sur toute la planète Terre. Donc le virtuel a d’abord été, et ce  depuis la nuit des temps, naturel, il le ne date pas d’aujourd’hui et il a été toujours global, à l’image du soleil qui brille sur toute la planète.

D’autre part, la littérature nous livre des textes conservés depuis les XIIème et XXIIIème siècles  qui surabondent en virtuel. Visitons ensemble une légende que l’histoire attribue à différents auteurs et à des lieux semés presque partout sur le globe. Elle est racontée  en Asie : de la Turquie jusqu’en Corée du nord en passant par le Pakistan, Kazakhstan… On lui trouve également une version en Europe : en France, en Angleterre… dans les pays arabes en Irak, au Maroc… on cite même une traduction locale en Bretagne. Là, elle a pour auteur Nasr Eddine Hodja ( Joha !), ailleurs, on l’attribue à Saint Yves ou, enfin et autre part, à Yves Hélori… et que dit cette légende ? « Un mendiant tenant du pain dans sa main et parce qu’il n’a  pas de quoi se payer un repas, se met en face d’un restaurant et  hume les odeurs des plats cuisinés. Le cuisinier furieux, demande à être payé car il estime que le misérable profite gratuitement des odeurs de la cuisine pour accompagner son morceau de pain. Le mendiant refuse et l’affaire est portée devant le juge qui après avoir écouté les arguments de chaque partie demande au mendiant de lui donner une pièce de monnaie. Ce dernier s’exécute et le magistrat, s’adressant au cuisiner, fait tinter la pièce sur la table et lui dit : vous avez entendu, vous êtes donc  payé : du bruit contre l’odeur ! ».

Qui ne voit pas dans ce fabliau les trois composants des télécoms d’aujourd’hui : un fournisseur d’accès (le cuisinier), un utilisateur (mendiant) et un régulateur (le juge) ! Qui ne voit pas dans «  bruit contre odeur » un paiement à distance, ou encore, une monnaie virtuelle.

Question : qu’est-ce que la réalité virtuelle? D’après Wikipédia, la réalité virtuelle reproduit une expérience sensorielle qui peut inclure la vue, le toucher, l’ouïe et l’odorat. Dit autrement, la réalité virtuelle est une expérience qui fait appel à l’optique (vue), l’acoustique (l’ouïe), l’olfactif (l’odorat) et l’haptique (le toucher).

Reprenons : notre histoire fait jouer sur une voie publique un cuisinier, un mendiant et un juge. Le cuisinier, sédentaire, prépare ou plus exactement  opère dans sa cuisine : opérateur. Et le mot mendiant est curieux par son origine et par son sens. Par le sens d’abord : c’est la personne qui ne cesse de parcourir les villes et sillonner les rues ; il est le nomade, l’itinérant, le mobile. (Et mobile veut dire aujourd’hui téléphone portable ! et le rooming se dit également itinérance !). Ou encore celui qui ne cesse de surfer. Par l’origine ensuite : le mendiant est la personne qui ne cesse de crier par la main. Et que fait l’utilisateur ? Il écrit par la main également plus exactement par les pouces sur son smartphone. Enfin, le juge, à l’image de l’ANRT-Maroc, l’ARSEP-France…, toutes des instances qui régulent ou réglementent le flux des échanges virtuels : les vues et les bruits. Bruits ou son uniquement donc mp3 et vues ou images avec du son donc (mp4).  Dernier élément : la scène ne se passe pas à l’intérieur du restaurant mais sur la voie publique exactement sur la rue. Et notre virtuel d’aujourd’hui se déroule précisément sur les voies des télécoms qu’on appelait durant un temps les autoroutes de l’information.

Mendiant veut également dire libre de tout lien : il peut se mettre devant tout restaurateur de son choix. Et mobile veut dire également libre de choisir son opérateur. Le conte ne précise pas pourquoi le juge a donné raison au mendiant. Certainement parce que celui-ci a tout simplement été attiré par l’odeur émanant du restaurant. Comme si l’utilisateur est captivé par le virtuel fourni par l’opérateur. Ou bien et surtout car l’opérateur ne maîtrise pas son virtuel comme le cuisinier ne peut pas enfermer son odeur.

L’histoire ne nous dit pas, non plus,  comment le cuisinier a retrouvé le mendiant qu’il traduit devant le juge. Etait-il tracé et pisté ? C’est-à-dire, cela se pouvait que le cuisinier savait tout sur le mendiant : domicile s’il en avait, habitude, trajet… on dirait mon opérateur qui sait exactement dans quel pays suis-je, quel moyen de transport ai-je emprunté, quelle ville  suis-je  en train de visiter  et,  exactement, à quelques centimètres près, à quelle numéro de rue me suis-je arrêté… Et quel  contenu suis-je en train de consulter… Qu’est-ce que j’ai consommé et à quel restaurant…

Résumons. La nature produit du virtuel et elle l’a toujours fait depuis des milliards d’années et sur toute la planète. Elle le fait certainement ailleurs, ce que nous ne pouvons encore prouver. Et notre passé dans lequel nous plongeons à tout instant, nous rattrape et nous rappelle que le virtuel n’est pas une invention de nos jours.

Par Ata-Ilah Khaouja

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