mercredi , 16 octobre 2024

La nécessité de la réduction de la fracture de normalisation.

Par Ahmed Khaouja

La normalisation vitale pour le développement des réseaux télécoms:

La norme fait référence à un ensemble de fonctionnalités décrivant un objet matériel ou non. Généralement la recherche de la mise en place d’une normalisation est une action utile et non contraignante, entreprise par des acteurs du marché. La normalisation facilite à ces acteurs l’ouverture de nouveaux marchés, la réalisation d’une économie d’échelle et une optimisation des échanges dans une économie de plus en plus mondialisée. Plusieurs organismes internationaux y sont impliqués, comme l’ISO (l’Organisation internationale de normalisation), la CEI (la Commission électrotechnique internationale) ou l’UIT. Ces organismes sont responsables de l’établissement et du maintien des normes sur les marchés. Il existe également des organisations de normalisation au niveau régional comme l’ETSI en Europe (Européen Télécommunications Standards Institut) ou la CEN (comité européen de normalisation) ou au niveau national comme l’institut marocain de normalisation (IMANOR) au Maroc. La plupart des normes sont protégées par le droit d’auteur, mais il existe de plus en plus de normes en format ouvert. Après 1945, le processus de normalisation s’est considérablement développé dans l’industrie et dans les télécoms. Du fait de son influence déterminante sur les économies contemporaines, la normalisation peut être considérée parfois comme un instrument commercial permettant d’étendre l’influence d’une puissance économique.

La normalisation dans le domaine des télécoms est essentielle car elle permet d’assurer un fonctionnement et le développement adéquat des réseaux dans chaque pays et aussi à l’échelle internationale. Aujourd’hui plusieurs milliers de normes sont disponibles pour ce secteur. Les normes internationales dans les télécoms, élaborées conformément aux principes de connectivité mondiale, d’interopérabilité et de sécurité sont essentielles notamment pour créer un climat de confiance aux différents investisseurs. Ces normes internationales télécoms contribuent ainsi à l’élaboration des spécifications techniques d’agrément notamment pour les pays en voie de développement pour faciliter le travail des régulateurs télécoms dans le cadre du régime des agréments. La consommation du matériel normalisé permet d’une part aux opérateurs télécoms d’être moins dépendants des équipementiers et d’autre part elle leur facilite la formation du personnel, la maintenance et la transparence dans la gestion des réseaux télécoms.

A quand remonte la première normalisation dans les télécoms ?

La première normalisation dans les télécoms remonte au début du siècle dernier. La question fut soulevée en 1902 lorsque le prince Henri de Prusse, qui rentrait outre-Atlantique à la fin d’une visite aux États-Unis, tenta d’envoyer un message télégraphique de courtoisie de son navire au président américain Theodore Roosevelt. Le message a été rejeté par la station côtière américaine parce que l’équipement radio du navire était d’un type différent. À la suite de cet incident, le gouvernement allemand a convoqué une conférence radio préliminaire à Berlin en 1903 dans le but d’établir des normes internationales pour les communications radiotélégraphiques. Deux naufrages célèbres ont montré l’efficacité de la normalisation dans les radiocommunications maritimes : en 1909, grâce à un appel via la TSF, 920 passagers sont sauvés par les garde-côtes américains lors de la collision entre le « Republic » et le « Florida ». Quant au bateau Titanic, il fut le premier à utiliser le code SOS en 1912. Grâce à ce code SOS, 700 personnes, soit près d’un tiers des passagers, furent sauvées par plusieurs navires dont le Carpathia, une heure après la fin de le naufrage.

Aujourd’hui, les normes de l’UIT sont devenues plus que jamais fondamentales pour le fonctionnement des réseaux de télécommunication. Sans ces normes, nous ne serions pas en mesure aujourd’hui de communiquer ou de surfer sur internet via nos smartphones.

Compte tenu de son importance, ce thème de la normalisation faisait partie des sujets abordés lors de la Conférence de plénipotentiaires de l’UIT de 2018 qui s’est tenue à Dubaï du 29 octobre au 16 novembre. Parmi les principales décisions prises lors de cette conférence, il y a la volonté de réduire le «fossé de la normalisation». En effet, les États Membres de l’UIT ont décidé d’encourager une plus grande participation des pays en développement au processus de normalisation de l’UIT afin qu’ils puissent développer leur économie.

Seuls les pays puissants maitrisent l’élaboration des normes:

Les pays développés dotés d’un solide tissu industriel s’efforcent de maîtriser les normes et leurs processus d’adoption et s’engagent souvent dans des négociations techniques et diplomatiques pour les imposer au niveau des instances de normalisation. L’élaboration des normes constitue l’une des actions utilisées par les pays industrialisés et développés, pour une expansion pacifique de leur zone d’influence économique. A cet effet, l’une des motivations de ces pays réside dans le fait qu’ils cherchent à devenir un centre de normalisation, à un moment où nous assistons à un déplacement des centres de production de normes des télécommunications et des TIC de l’Occident vers l’Asie !

Interaction entre régulation et normalisation.

La normalisation est essentielle pour le fonctionnement du système mondial de télécommunication. Son rôle se trouve renforcer d’avantage par le développement technologique et par l’instauration de la concurrence suite à la  libéralisation du secteur. La normalisation facilite entre autres, l’élimination des obstacles techniques à l’entrée et l’ouverture de nouveaux marchés. Elle contribue à la pluralité des opérateurs sur un marché et elle facilite l’établissement de conditions de concurrence. A titre d’exemple la norme GSM définie dans les années 80 par l’ETSI a contribué à l’instauration de la concurrence dans les télécoms. Aujourd’hui, le calendrier de déploiement de la 5G à l’échelle mondiale dépend aussi fortement des travaux de normalisation impliquant plusieurs organismes de normalisation dans le cadre d’un processus dit, IMT 2020, qui a débuté en 2012 et qui s’est presque achevé en 2020. À cette fin, les régulateurs sont souvent présents dans des organismes de normalisation tels que l’UIT, afin de soutenir notamment les processus de normalisation en ce qui concerne la gestion du spectre de fréquences, les ressources de numérotation ou l’adoption de nouveaux protocoles de signalisation.

Par Ahmed Khaouja Directeur de PTT Maroc et expert de l’UIT

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