vendredi , 25 avril 2025

Synthèse des travaux de la 18ème session de l’Académie des sciences

Par Ahmed Khaouja

La physique quantique est une rupture avec la physique classique, introduisant un cadre probabiliste et indéterministe. Son origine remonte à la fin du XIXe siècle avec l’incapacité de la physique classique à expliquer certains phénomènes comme le rayonnement du corps noir. Max Planck introduit en 1900 l’idée des quanta d’énergie, posant ainsi les bases de la mécanique quantique. Albert Einstein étend cette idée à la lumière, expliquant l’effet photoélectrique.

Dans les années 1920, Werner Heisenberg développe la mécanique matricielle, tandis qu’Erwin Schrödinger propose la mécanique ondulatoire, menant à l’équation qui porte son nom. En 1927, Heisenberg formule le principe d’incertitude, qui interdit la connaissance simultanée de la position et de la vitesse d’une particule. L’interprétation de Copenhague, défendue par Niels Bohr, souligne que les observables quantiques n’ont pas de valeurs définies avant d’être mesurées.

Les avancées se poursuivent dans les années 1940 avec l’électrodynamique quantique, développée par Richard Feynman et Julian Schwinger, intégrant la relativité restreinte aux interactions lumière-matière. Les décennies suivantes voient l’essor de la chromodynamique quantique et de la théorie des cordes. Steven Weinberg et Abdus Salam unifient les interactions électromagnétiques et faibles en 1967.

Depuis les années 1980, une seconde révolution quantique émerge. Alain Aspect démontre l’intrication quantique en 1982, ouvrant la voie à des applications en communication quantique et informatique quantique. Anton Zeilinger réalise une communication quantique sur 144 km.

La mécanique quantique impacte déjà notre quotidien, avec des technologies comme les lasers et l’IRM. L’informatique quantique promet des avancées en médecine et en optimisation énergétique. Cependant, des défis persistent, notamment la décohérence des qubits, entravant le développement d’un ordinateur quantique stable. Des efforts technologiques majeurs sont nécessaires pour surmonter ces obstacles et exploiter pleinement le potentiel de la physique quantique.

Hoummada Abdeslam cheville ouvrière de la 18ème session

Applications :

  • Technologie des Lasers :

Le laser qui est un produit de la quantique contribue aujourd’hui grandement au développement de plusieurs technologies dont celle en relation avec la quantique. Lors de cette session plusieurs intervenant ont parlé de cette technologie. Si Serge Harouche a exposé l’évolution historique de la technologie les deux chercheurs chinois étaient généreux et ont exposé les dernières applications liées aux lasers.

Serge Harouche Prix Nobel 2012 de Physique (quantique)

Rappelons que le laser (Light Amplification by Stimulated Emission of Radiation) est une technologie basée sur l’amplification de la lumière par émission stimulée de rayonnement. Contrairement aux sources lumineuses classiques, le laser émet un faisceau cohérent, directionnel et monochromatique, ce qui lui confère une grande précision et intensité.

Le principe repose sur l’excitation des atomes d’un milieu amplificateur (gaz, solide, liquide ou semi-conducteur), entraînant l’émission de photons identiques en phase et en fréquence. Ce processus est maintenu grâce à un système de miroirs qui réfléchissent la lumière pour amplifier son intensité avant qu’elle ne soit émise sous forme de faisceau.

Les applications des lasers sont vastes : en médecine (chirurgie, ophtalmologie), dans l’industrie (découpe, soudage), les télécommunications (fibres optiques), la recherche scientifique (spectroscopie, physique quantique) et même dans la défense (armes à énergie dirigée). Grâce aux avancées récentes, de nouvelles technologies comme les lasers à fibre et les lasers femtosecondes ouvrent des perspectives prometteuses dans de nombreux domaines.

Prof Shao Jianda, un éminent scientifique chinois

Les participants ont écouté avec un grand intérêt l’intervention du professeur Shao Jianda, un éminent scientifique chinois spécialisé dans le domaine des lasers et de l’optique. Ses recherches se concentrent principalement sur les technologies laser à haute énergie et leurs applications. Parmi ses contributions notables, le professeur Shao a dirigé des études sur le développement de systèmes laser avancés pour la télémétrie et la surveillance des débris spatiaux. Ces travaux ont permis d’améliorer la précision de la détermination des orbites des débris spatiaux, contribuant ainsi à la sécurité des activités spatiales. En outre, il a supervisé des projets visant à optimiser les systèmes de refroidissement des lasers à haute énergie. Ces innovations technologiques ont permis de surmonter les défis liés à la surchauffe et à la distorsion des faisceaux laser, ouvrant la voie à des applications militaires et industrielles avancées. Le professeur Shao Jianda a également collaboré avec des institutions internationales pour promouvoir l’innovation en matière d’énergies renouvelables et de matériaux avancés. Les travaux du professeur Shao ont eu un impact significatif sur le développement des technologies laser, contribuant à des avancées majeures dans les domaines de la défense, de l’industrie et de la recherche scientifique.

Alain Aspect Prix Nobel 2022 de Physique (quantique)

  • L’ordinateur quantique : une révolution technologique

Les ordinateurs classiques que nous utilisons aujourd’hui fonctionnent avec des bits, qui ne peuvent prendre que deux valeurs : 0 ou 1. En revanche, les ordinateurs quantiques reposent sur une technologie totalement différente, utilisant des qubits. Ces derniers exploitent deux propriétés fondamentales de la physique quantique : la superposition et l’intrication.

La superposition permet à un qubit d’exister simultanément dans plusieurs états (0 et 1 en même temps), ce qui autorise le traitement simultané d’un nombre exponentiel de calculs. À cela s’ajoute le phénomène de l’intrication, selon lequel deux particules intriquées restent corrélées quelle que soit la distance qui les sépare. Cette propriété permet d’effectuer des calculs plus complexes et plus rapides en créant des liens directs entre les qubits.

L’intrication a des implications majeures dans le domaine de la communication et de la sécurité informatique, notamment dans le développement de protocoles de cryptographie quantique ultra-sécurisés. À terme, elle pourrait même transformer nos systèmes de télécommunications en remplaçant les fréquences classiques par des particules quantiques.

Un autre concept fondamental est l’interférence quantique, qui permet d’optimiser les calculs en renforçant certaines probabilités de résultat et en en diminuant d’autres. Cette capacité unique permet de résoudre des problèmes jugés insolubles par les ordinateurs classiques, qui fonctionnent selon l’algèbre de Boole. Les ordinateurs quantiques exploitent des portes logiques quantiques, des systèmes d’exploitation spécifiques et des algorithmes adaptés, ouvrant la voie à des applications variées et novatrices.

Une technologie encore en développement

Actuellement, les ordinateurs quantiques ressemblent à d’imposantes machines refroidies à une température proche du zéro absolu, suspendues au plafond et reliées par des centaines de câbles. Ils sont déjà utilisés dans des domaines comme la simulation moléculaire, essentielle au développement de nouveaux médicaments.

Cependant, plusieurs défis restent à relever pour rendre cette technologie pleinement opérationnelle. Parmi eux, la décohérence, qui correspond à la perte des propriétés quantiques des qubits, ainsi que la correction d’erreurs, un enjeu majeur pour assurer la fiabilité des calculs. De nombreuses entreprises investissent massivement dans la recherche et le développement, avec des budgets de plusieurs milliards d’euros. L’Europe prévoit notamment d’injecter 4,5 milliards d’euros dans ce domaine d’ici 2027.

Impacts et enjeux pour le Maroc

Une des principales préoccupations liées à l’informatique quantique est sa capacité à briser les systèmes de cryptographie actuels, notamment les codes RSA utilisés dans les transactions bancaires. Toutefois, la cryptographie quantique offrira une protection inégalée, éliminant ainsi les risques de cyberattaques.

Au Maroc, l’informatique quantique est encore en phase exploratoire, principalement développée dans les facultés des sciences. Le pays dispose d’un réseau de chercheurs actifs, coordonné par le professeur Mohammed Daoud, à la tête du Réseau Marocain de Recherches en Physique Quantique.

Mohamed Daoud coordonnateur au Maroc de la quantique

L’informatique quantique représente donc une véritable révolution, mais il reste encore du chemin à parcourir avant qu’elle ne remplace nos systèmes actuels. Une chose est sûre : les avancées dans ce domaine façonneront le futur du calcul et de la sécurité informatique à l’échelle mondiale.

(*) La Professeure Lala Ibtissam a veillé au bon déroulement des interventions à la 18ème session de l’Académie.

Par Ahmed Khaouja, expert UIT (ONU) et membre du Conseil d’Administration de l’ANRT Maroc.

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