Dr. Riffi Temsamani M.S.
Conseiller en droit et gouvernance de l’Espace Extra-atmosphérique (EEA)*
Introduction
En 2006, la «Space Frontier Foundation» a utilisé pour la première fois le terme « New Space » pour désigner l’émergence de plusieurs startups se lançant dans l’industrie et le commerce spatiaux. Il s’agit d’un écosystème spatial émergent.
En effet, de nouveaux modèles économiques favorisant l’agilité et l’innovation émergent dans le secteur spatial : c’est le « New Space ».
Le New Space a été développé par les États-Unis d’Amérique en 2006 et, aujourd’hui, tous les pays sont intéressés par le développement d’un écosystème spatial émergent.
Au cours des vingt dernières années, les activités spatiales ne sont plus uniquement développées par des institutions gouvernementales spécialisées ou de grandes infrastructures spatiales et de grands groupes de l’industrie aéronautique, mais également par des startups créées par de jeunes spécialistes du spatial.
I – Quelles sont les opportunités du New Space ?
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L’espace est plus accessible que jamais
La technologie spatiale a beaucoup évolué, grâce à la miniaturisation des composants électroniques, aux nouveaux matériaux et aux algorithmes d’intelligence artificielle embarqués, résultat :
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les nouveaux satellites sont petits,
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flexibles et beaucoup moins coûteux que leurs prédécesseurs.
Par conséquence, Le nombre de satellites a quintuplé en quelques années, depuis 2019, plus de 8 000 satellites ont été lancés dans l’espace. Aujourd’hui, le nombre de satellites opérationnels en orbite atteint 10 345, dont la majorité appartient aux constellations Starlink.
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Coût des technologies spatiales
Autre opportunité concernant le coût des satellites : aujourd’hui, dans le cadre du Nouvel Espace, on passe des microsatellites d’environ 100 kg aux nanosatellites (environ 10 kg). Ces satellites de taille nanométrique sont principalement utilisés par les universités pour des projets d’enseignement et de formation, ou par les organismes de recherche pour mener des expériences spatiales à faible coût.
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Nouvelle génération de lanceurs
Les économies ne se limitent pas à la masse des charges utiles, les entreprises et les États de lancement doivent choisir des lanceurs adaptés pour mettre leurs nanosatellites en orbite à moindre coût.
Aux côtés des piliers traditionnels de l’espace (Ariane, Soyouz, Longue Marche), de nouvelles fusées sont développées avec cette idée centrale de rentabilité économique, le Falcon 9 de Space X est la fusée la plus célèbre répondant à ce critère.
Le premier étage des fusées type Falcon est réutilisable et capable de revenir automatiquement à sa base de départ pour atterrir. Après une inspection technique approfondie, ces fusées sont prêtes à redécoller.
L’utilisation de ce lanceur est variée, depuis sa création par SpaceX, il a effectué de nombreuses missions telles que l’envoi :
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de fret de ravitaillement ;
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Envoi d’astronautes vers la Station spatiale internationale ;
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Envoi de satellites de télécommunications et de recherche scientifique ;
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Envoi de dizaines de milliers de microsatellites Starlink, produits par SpaceX, destinés à fournir une couverture Internet
Le New Space a également contribué à réduire le coût des lanceurs destinés à l’orbite basse. Plusieurs startups travaillent sur le concept de « microlanceurs », des fusées miniatures capables d’atteindre l’orbite basse.
La figure ci-contre montre le nombre de vaisseaux spatiaux lancés en 2024
639 satellites ont été lancés dans l’espace en 2024, dont 81 % par SpaceX.
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Nouvelle concurrence spatiale
Dans ce contexte, l’espace est devenu une nécessité économique, les services et applications utilisant des données spatiales ou transitant par l’espace étant devenus essentiels au quotidien des particuliers, des entreprises et des gouvernements.
L’émergence du New Space a été marquée par l’arrivée d’acteurs privés sur ce marché, longtemps exclusivement institutionnel. L’espace est ainsi ouvert à la concurrence commerciale de l’entrepreneuriat privé et à l’intérêt croissant des puissances et des acteurs privés pour ce nouveau marché.
Ce graphique illustre l’évolution de l’économie spatiale mondiale. On y constate que deux secteurs seront d’une importance capitale, l’internet et le haut débit.
Le New Space s’apparente ainsi à une course à l’espace, où de nouveaux acteurs, comme StarLink ou Kuiper Systems, lancent des centaines de microsatellites en orbite basse (LEO) afin de créer la constellation qui prendra le contrôle de l’ensemble du marché de l’internet spatial.
L’arrivée d’acteurs privés sur le marché spatial, auparavant dominé par les institutions, témoigne d’un intérêt croissant pour les services liés aux données spatiales.
Le monde doit s’adapter sans délai aux évolutions rapides du secteur spatial ; aujourd’hui, les États- Unis restent le leader incontesté du secteur spatial, comme le montre la figure suivante.
Pour les États-Unis d’Amérique (USA), le New Space est un contributeur essentiel au retour à des orientations symboliques majeures telles que l’exploration de la Lune (avec le projet ARTEMIS), de Mars et des ressources spatiales.
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Exploitation des ressources spatiales
Nous dépendons d’une grande variété de matières premières précieuses pour des produits allant de l’électronique aux machines en passant par la médecine.
Cependant, nombre de ces ressources sont limitées ou non renouvelables, et leur extraction peut être nocive pour l’environnement.
Dans l’espace, les astéroïdes sont riches en éléments très rares sur Terre, tels que le platine, l’iridium, l’osmium et le palladium.
Tous ces éléments revêtent une importance industrielle majeure et sont utilisés dans la fabrication de produits aussi divers que les convertisseurs catalytiques, les stimulateurs cardiaques et les implants médicaux, mais surtout, ils entrent dans la composition de la plupart des composants électroniques modernes.
Ces ressources spatiales pourraient faire l’objet de startups développant des concepts d’exploitation minière d’astéroïdes ou d’exploration spatiale, en tenant compte du respect de l’environnement spatial souhaité par la communauté internationale.
II – Quelles sont les menaces du New Space ?
La croissance du New Space et de ses satellites suscite néanmoins des inquiétudes quant aux tensions géopolitiques et aux risques de collision, susceptibles d’engendrer des problèmes de sécurité et de sûreté spatiales.
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La sécurité spatiale, première menace
L’augmentation exponentielle du nombre de satellites en orbite basse (LEO) peut également engendrer des risques de collision dans l’espace, menaçant d’envoyer des milliers de débris autour de la Terre à des dizaines de milliers de kilomètres par heure, ce qui pourrait endommager d’autres satellites orbitant à la même altitude. La situation serait pire s’il s’agissait de constellations de satellites
Cette menace existe déjà, mais le nombre de débris augmente d’année en année avec l’envoi massif de satellites, notamment de petits satellites et de nanosatellites.
Le danger des débris spatiaux et des objets géocroiseurs sous la loupe d’experts de Marrakech (OISA)
Aujourd’hui, des startups travaillent sur ce phénomène afin de détecter les débris et dévier leur trajectoire pour éviter les collisions, ou de les aspirer hors des orbites opérationnelles comme LEO.
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Sécurité spatiale
La sécurité spatiale est un enjeu croissant, impliquant la protection des infrastructures spatiales, la gestion des débris orbitaux et la prévention des conflits. Elle nécessite une coopération internationale.
La militarisation de l’espace et les cyberattaques constituent des menaces majeures, soulignant l’importance d’une approche globale incluant surveillance, défense et diplomatie.
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Trafic spatial
La gestion du trafic spatial est essentielle à la durabilité de l’espace, notamment face à l’augmentation du nombre de satellites et de débris résultant du Nouvel Espace. Elle implique :
La surveillance des objets spatiaux ;
La prévision des collisions ;
La coordination des opérations pour éviter les incidents.
Les initiatives mondiales, telles que celles de l’ONU, sont cruciales pour établir des normes et des protocoles. L’automatisation et l’intelligence artificielle joueront un rôle important dans la gestion efficace du trafic spatial à l’avenir.
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Enjeux géopolitiques
Cette tendance croissante suscite des inquiétudes légitimes. Qu’en est-il du cadre juridique dans lequel cette nouvelle économie se développe ? La prolifération des vols de satellites en orbite basse au-dessus de territoires étrangers soulève de nombreux enjeux stratégiques et géopolitiques.
Afin d’éviter les situations conflictuelles susceptibles d’engendrer des problèmes géopolitiques ou stratégiques, la gouvernance du trafic spatial, dans le cadre de la coopération internationale, est essentielle. Cette gouvernance ne peut être réalisée sans tenir compte des règles et lois régissant l’espace extra- atmosphérique.
III – Politique spatiale, gouvernance et réglementation ?
droit spatial et la gouvernance spatiale traitent des règles et principes régissant les activités spatiales. Cela inclut le droit spatial international, qui définit les droits et obligations des États en matière d’exploration et d’utilisation de l’espace extra-atmosphérique.
La gouvernance spatiale vise à garantir une utilisation durable et pacifique de l’espace en gérant les ressources, en garantissant la sécurité et en coordonnant les activités spatiales à l’échelle mondiale. Les enjeux comprennent la prévention des débris spatiaux, la protection de l’environnement spatial et la réglementation des activités commerciales dans l’espace.
Le Traité sur l’espace extra-atmosphérique constitue le fondement principal de l’ordre juridique dans l’environnement spatial, établissant l’espace extra-atmosphérique comme un domaine utilisable par l’humanité entière à des fins pacifiques.
De nombreuses questions techniques liées à la gouvernance internationale de la sécurité spatiale restent en suspens, notamment celles relatives au déploiement d’armes conventionnelles ou à l’usage de la force dans l’espace.
La viabilité à long terme des activités spatiales, la gestion du trafic spatial et les questions émergentes telles que l’utilisation des ressources minérales spatiales ne peuvent être assurées que par la coopération internationale et un accès pacifique à l’espace.
Afin de surveiller l’espace et de mieux le gouverner, deux institutions des Nations Unies, à savoir la Conférence du désarmement (CD) et le Comité des utilisations pacifiques de l’espace extra-atmosphérique (COPUOS), se réunissent chaque année pour discuter des activités spatiales dans le monde et aborder les défis que ces activités peuvent rencontrer.
Le droit spatial international, les politiques et réglementations spatiales nationales, ainsi que les principes et lignes directrices internationaux constituent les principaux moyens de régir les activités spatiales dans le monde.
Un nombre croissant d’efforts diplomatiques et de gouvernance se concentrent sur les collaborations bilatérales ou régionales dans le domaine des activités spatiales, ainsi que sur les initiatives commerciales. La société civile et les experts universitaires sont également impliqués dans les discussions et les mécanismes de gouvernance spatiale.
Conclusion
La multitude d’acteurs impliqués dans les activités spatiales, l’augmentation du nombre d’objets spatiaux dans l’espace et la prolifération des opérations spatiales appellent la communauté internationale à adopter une gouvernance efficace, capable d’établir une coordination pour toutes les activités spatiales menées par tous les États.
Il est donc de notre responsabilité commune de veiller à la pleine mise en œuvre du droit international de l’espace existant et à la mise en place d’une gouvernance efficace pour stimuler l’innovation et atténuer les risques.
Dans cette perspective, les universités peuvent jouer un rôle essentiel dans la mise en œuvre de cette gouvernance, à condition que la formation proposée ne se limite pas à une formation scientifique et technique, mais inclue une formation juridique et économique dans le domaine spatial.
Dr. Riffi Temsamani M.S.
* Docteur d’Université, certifié Droit de l’espace pour pays émergents, économie de l’espace et durabilité des activités spatiales (Bureau des Affaires spatiales des Nations Unies/UNOOSA)