mercredi , 25 décembre 2024

Défis et opportunités de la Blockchain pour le Maroc

Par Badr Bellaj

L’immense potentiel de la Blockchain et des crypto-monnaies n’est plus un sujet de doute. Ces technologies ont le pouvoir de révolutionner et de changer le paysage de nombreux secteurs, principalement la finance. En quelques années, la Blockchain et ses applications ont le potentiel de devenir « le cœur battant » du système financier mondial comme prévoit le WEF (World Economic forum) dans son rapport “ The future of Financial infrastructure ”. Partout dans le monde ces technologies sont actuellement considérées comme la nouvelle grande révolution technologique qui pourrait changer nos styles de vies et impacter notre économie comme l’internet a fait dans les années 80-90 et donner naissance dans l’idéal à une économie directe sans intermédiation. Cette révolution qui se manifeste dans l’horizon, imposera de nouveaux défis à surmonter et de nouvelles opportunités que le Maroc ne doit pas rater.

L’histoire de la Blockchain & Cryptocurrency

Comment et pourquoi cette technologie a vu le jour ?  Pour répondre il faut bien comprendre le problème dans sans contexte historique.

Après l’émergence d’internet dans les années 80 et l’évolution des payements en ligne dans les années 90, il y a eu l’idée de créer une monnaie virtuelle qui s’adapte parfaitement à la nature virtuelle d’internet. Un but si difficile qui a engendré un long parcours d’échecs, vu que ces monnaies virtuelles étaient toujours générées et gérées par des entités centrales. Ce model centralisé a montré ces limites et sa faiblesse vu que les gouvernements interviennent toujours pour stopper facilement ces tentatives en stoppant les entités qui les gèrent. Heureusement, après l’évolution technique de la cryptographie et la décentralisation, la première Cryptocurrency, à l’occurrence le Bitcoin a vu le jour après 2008 comme la première solution de monnaie virtuelle inarrêtable, robuste et fiable. La crypto-monnaie (en anglais Cryptocurrency) est une monnaie digitale basée sur la cryptographie lors de la génération et pour sécuriser les échanges. Elle est délivrée et gérée par un réseau décentralisé de nœuds selon des algorithmes prédéfinis. En outre, une Cryptocurrency n’a pas de représentation virtuelle (fichiers ou tokens) échangeable et elle ne peut ni être falsifiée ni dupliquée.

L’autre face de la pièce est la technologie Blockchain qui est système technologique sous-jacent qui sert comme un registre de transaction pour les Cryptocurrencies. Les acteurs, sous un processus de consensus, répertorient dans la Blockchain les transactions en toute transparence et de sorte qu’elles ne peuvent pas être altérées. Ainsi, la Blockchain offre un mécanisme fiable, transparent, autonome et décentralisé pour gérer le cashflow et digitalise la confiance sans avoir recours à un intermédiaire ou un organisme de confiance.

La Révolution Blockchain

Après le succès de la blockchain à maintenir ses promesses et prouver sa résilience en garantissant l’opérabilité du réseau bitcoin en toute autonomie, l’intérêt s’est rapidement accru en la technologie. En parallèle, le Bitcoin s’est imposé comme un asset financier plus valorisé que l’or, comme en témoigne la montée fulgurante du cours du Bitcoin qui a surpassé 19 000$ récemment.

Conscient de ses nouveaux arrivants de taille, les grandes institutions financières ont publié durant les dernières années un certain nombre d’études et de rapports exposant le potentiel de la technologie Blockchain et ils ont penché sur le développement de la crypto-monnaie pour en tirer profit. Des banques comme Santander prévoit que la blockchain a le potentiel de réduire les coûts d’infrastructure par 10 à 15 Milliards de dollar, et McKinsey estime que la blockchain pourrait réduire le coût de l’infrastructure du monde de la finance par plus de 100 milliards de dollar. Le WEF « World Economic Forum » estime de son côté que 10% du PIB international sera hébergé dans des platforms de blockchain d’ici 2027.

La fièvre blockchain n’a pas épargné les géants du High-tech, Amazone, Microsoft, IBM, Oracle et autres qui se sont adhérés rapidement à cette tendance et développent des offres BAAS (Blockchain as service) pour les institutions financières. Facebook aussi a saisi l’opportunité et il a annoncé Libra, une Cryptocurrency basée sur la technologie blockchain.

 La situation au Maroc

Jusqu’à un moment proche, la situation au Maroc n’était pas propice pour l’émergence et la prospérité de cette technologie mais la situation tend vers un déblocage. L’année dernière a été marquée par la publication d’un communiqué issue par l’office des changes interdisant l’usage des Cryptocurrencies. Bien que ce communiqué soit juridiquement infondé et cible les Cryptocurrencies, il a émis un signal négatif pour les acteurs de l’industrie blockchain et plusieurs projets sur lequel on travaillait ici au Maroc on passait en mode standby sous crainte que la technologie soit aussi interdite, ça parait illogique mais c’est une vérité. Cependant, après une année, la situation a connu une correction de trajectoire. M. El Jouahri, le gouverneur de Banque Al Maghrib, a confirmé récemment dans une conférence de presse, qu’il n’est plus contre les Cryptocurrencies vue que même les institutions financières qu’il prend pour référence ne le sont plus. Aussi, il a affirmé que la blockchain et les cryptos figurent dans la charte de digitalisation que la banque s’est mise à suivre pour les prochaines années.

Ce déblocage, a apporté ses premiers fruits rapidement. Banque Al Maghrib, en collaboration avec notre entreprise Mchain (une startup qui acte dans le domaine de la blockchain depuis 2015 au niveau international) et Microsoft, a mis en place un projet blockchain, pour la gestion du cash, d’envergure national et le premier dans son genre en Afrique. Le projet sera présenté lors de la conférence « Blockchain Summit » qui aura lieu le 21 novembre 2019. Dans la même direction positive, les autorités ont permis à un investisseur international d’installer un projet de minages des Cryptocurrencies au sud du Maroc. Aussi, L’Agence du Développement du Digital (ADD) a inclus dans sa feuille de route la blockchain et elle a annoncé des soutiens de financements pour soutenir la recherche dans ce domaine. Toutes ces initiatives sont sur la bonne voie et montre la volonté de saisir les opportunités que présente la technologie Blockchain et la fintech en générale pour promouvoir l’économie digitale au Maroc.

Conclusion:

La Blockchain aura des conséquences immenses pour le système financier et l’économie tout entière. Cette révolution pousse plusieurs pays comme Singapour et les Emirats Arabes Unis (Dubaï) à tout faire pour devenir le centre international pour le développement des technologies de la Blockchain. D’autres pays africains, ont franchi le pas pour exploiter ces technologies, à titre d’exemple le Ghana utilise la blockchain comme un système de sécurité foncière (gestion du cadastre). La douane nigériane mise sur la technologie Blockchain pour plus d’efficacité et pour lutter contre les fraudes. Le Sénégal de son côté est plus audacieux, vue qu’il vise à créer une Cryptocurrency nationale.

Le Maroc dispose de tous les ingrédients (infrastructure, capital humain, etc.) pour réussir le défi et se positionner comme un pays innovateur en blockchain. Nous avons raté la révolution internet dans ses débuts et nous ne devons pas faire de même pour la blockchain.

(*) : Bellaj Badr ingénieur télécom lauréat de l’INPT, expert et consultant dans le domaine de la Blockchain et  CTO à Mchain.

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