Les pouvoirs publics ainsi que les acteurs opérant dans les nouvelles technologies de l’information multiplient depuis plusieurs années les initiatives de transformation digitale tant au niveau national que régional telles que notamment, le plan national de haut et très haut débit préparé par le régulateur des télécommunications ANRT et validé par le gouvernement en 2012, la stratégie de Maroc Digital préparée par l’APEBI 20/20, le schéma directeur de transformation numérique de la ville de Casablanca, etc.
Et pourtant, le développement du haut et très haut débit nécessaire à cette transformation digitale, peine à décoller malgré une forte demande des consommateurs, en tout cas en milieu urbain : les services xDSL semblent pénalisés par la problématique du dégroupage de la boucle locale filaire majoritairement détenue par l’opérateur historique et les services de fibre optique ne sont utilisés que par 37.000 abonnés au Maroc (chiffre de 2017).
Aujourd’hui, tout le monde s’accorde à dire que la fibre optique est la technologie de très haut débit par excellence qui permettra au Maroc de rattraper son retard. Le cadre réglementaire marocain certes neutre technologiquement donne la possibilité à chaque opérateur de télécommunications opérant sur le marché (un opérateur historique et deux opérateurs alternatifs) soit de développer son propre réseau d’infrastructures soit de donner accès aux autres opérateurs à son propre réseau pour éviter de dupliquer un investissement très onéreux.
Cadre réglementaire
En effet, la loi 24-96 relative à la poste et aux télécommunications prévoit dans son article 22 bis l’obligation pour les opérateurs de télécommunications de partager leurs infrastructures notamment les ouvrages de génie civil, les artères et les canalisations et ce, dans des conditions réglementaires techniques et financières acceptables objectives et non discriminatoires garantissant la concurrence loyale. Ce partage devra être formalisé par la signature d’un contrat de droit privé tel que stipulé par l’article 13 bis du décret 2-97-1026 relatif aux conditions générales d’exploitation des réseaux publics de télécommunications. Ledit décret prévoit entre autres les clauses techniques minimales, administratives et financières qui devront figurer dans le contrat afin de garantir un accès transparent, objectif et non discriminatoire. Le décret prévoit enfin la saisine de l’ANRT en cas de désaccord pour la conclusion du contrat.
Par ailleurs, et dans un souci de donner un coup d’accélérateur au développement des services de très haut débit utilisant la fibre optique, le régulateur des télécommunications a adopté en 2014 (décision ANRT/DG/n°6/14) des lignes directrices relatives aux modalités opérationnelles, tarifaires et conventionnelles de partage et de mutualisation des infrastructures de réseaux en fibre optique jusqu’à l’abonné (FTTH). Ces lignes directrices prévoient l’obligation pour les opérateurs commercialisant des offres FTTH d’établir et de publier des offres de gros de partage et de mutualisation des offres qui doivent être approuvées par le régulateur. Elles prévoient également l’obligation de notifier à l’ANRT toutes les offres de détail FTTH pour un examen de conformité préalable.
Ajouté à cela, l’obligation faite à l’opérateur historique de donner aux opérateurs déployant leurs propres réseaux FTTH l’accès à son infrastructure fixe de génie civil puisqu’il a été déclaré opérateur exerçant une influence significative sur un marché pertinent. Il s’agit dans la plupart des cas du génie civil souterrain tel que les fourreaux, les chambres, les armoires de rue et les locaux techniques.
Difficultés rencontrées sur le terrain
Malgré l’existence d’un cadre réglementaire favorable au déploiement des réseaux et services FTTH, la réalité sur le terrain est toute autre. Les principales difficultés rencontrées par les opérateurs de télécommunications sont notamment liées au partage du génie civil de l’opérateur historique (les modes de facturation, le respect des délais et la saturation de certains tronçons de génie civil), à la commercialisation des services FTTH aux clients finaux utilisant l’infrastructure d’un opérateur tiers dans le cadre des offres activées (Bistream libre), aux délais d’obtention des autorisations d’occupation du domaine public ainsi qu’à l’absence d’homogénéisation des redevances de droit de passage dans les différentes communes marocaines.
Recommandations
Au vu de ce qui précède, plusieurs recommandations peuvent être formulées et en premier lieu la nécessité de réformer le cadre réglementaire existant notamment en accélérant le processus d’adoption du projet de loi 121.12 révisant la loi 24-96 jadis déposé au Parlement en mars 2014 et dont l’examen n’a repris qu’en début 2018 au sein de la commission des secteurs productifs.
Ledit projet de loi s’il est adopté dans sa mouture actuelle sans trop de modifications, renforcera la notion de partage d’infrastructures nécessaire à la mutation du haut débit vers le très haut débit grâce à la fibre optique et augmentera le pouvoir de sanction du régulateur marocain des télécommunications.
Il est également important de sensibiliser les collectivités locales car elles peuvent jouer un rôle central en tant que facilitateurs du déploiement des infrastructures FTTH notamment par le biais de formations, de guides et même d’initiation à l’élaboration de projet de digitalisation de leurs territoires.
Par l’avocate Mme Fedwa Bouzoubaa