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Nécessité de la réforme de l’ONU à l’ére du numérique.

La Journée mondiale de l’Organisation des Nations Unis (ONU) est célébrée chaque année le 24 octobre, jour anniversaire de l’entrée en vigueur de la Charte des Nations Unis en 1945. La ratification de cette charte par la majorité des signataires, y compris par les cinq membres permanents du Conseil de sécurité, a marqué l’acte de naissance des Nations Unies. L’ONU a recommandé récemment  que le 24 octobre de chaque année soit célébré comme tel par tous les États Membres de l’Organisation des Nations Unies.

Etant donné que le 24 octobre 2019 est dans notre horizon proche, Lte magazine propose à ses lecteurs cette petite contribution visant à proposer une réforme de l’ONU à un moment où cette organisation semble dépassée par certains problèmes comme ceux liés au numérique. Sachant que l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) qui ne relève pas du système des Nations-Unies n’a pas vocation à traiter les problèmes non commerciaux car l’OMC a surtout pour mission d’agir dans un cadre multilatéral afin réduire les obstacles au libre-échange et d’aider les pays à régler leurs différends commerciaux mais elle n’a pas pour vocation de traiter les questions relevant de l’interaction entre la 5G et la cyber-sécurité par exemple !

La période ayant connu la création de l’Organisation internationale des Nations Unies (ONU) en 1945, était pleine de sens et qui s’est traduite par la volonté des pays vainqueurs d’aller vers la paix et vers moins de fracture économique entre les nations.

Avant de faire le point sur les  acquis de l’ONU et les possibilités de réformes pour améliorer son efficacité, il y a lieu de donner une description rapide sur cette organisation internationale :

 La création de l’ONU a été décidée le 24 octobre 1945 à San Francisco(USA), juste après la Seconde Guerre mondiale, pour maintenir la paix et la sécurité internationales, tout en visant la promotion du progrès économique et social. Ainsi l’ONU a  remplacé  la Société Des Nations (SDN) dont la création remonte à 1919.

 L’ONU compte au point de vue de son organisation six organes dont les principaux sont, le Conseil de sécurité, l’Assemblée Générale, le Secrétariat Général et le conseil économique et social dont le rôle est d’assurer la coordination avec les institutions spécialisées comme l’Union internationale des Télécoms (UIT).

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Conseil de sécurité (ONU)                                Assemblée générale (ONU)

La Cour internationale de Justice (CJI) constitue l’organe judiciaire de l’ONU qui ne traite que des litiges  entre Etats. La Charte, est l’instrument constitutif de l’ONU ; il s’agit d’une convention internationale multilatérale, qui précise les grands principes qui régissent les relations internationales, depuis l’égalité souveraine des États jusqu’à l’interdiction d’utiliser la force entre pays. Cette charte, fixe aussi les  obligations et les droits des États Membres et organise la création des organes et des procédures.

 L’Assemblée générale est composée de tous les Membres de l’ONU ;  chaque membre dispose d’une voix.

Le Conseil de sécurité, quant à lui, est composé de quinze membres dont cinq permanents et dix non permanents élus par l’Assemblée générale pour une période de deux ans. Le Secrétariat général comprend un Secrétaire général. Concernant la Cour Pénale Internationale (CPI), elle ne fait pas réellement partie des organes de l’ONU. Ayant été instituée à Rome en 1998,  elle n’a été officiellement créée que le 1er juillet 2002.  Actuellement, les deux tiers des pays membres de l’ONU ont ratifié son statut,  sauf certains tels que la Russie et les États-Unis d’Amérique. Notons que la relation entre l’ONU et la CPI est concrétisée par un accord  signé le 4 octobre 2004 par le Président de la Cour et le Secrétaire général des Nations unies, lequel accord reconnaît l’indépendance de la Cour tout en établissant un cadre de coopération entre les deux organisations.

L’examen des activités de l’ONU, dans le temps et dans l’espace, montre bien qu’il y a des missions réussies mais  d’autres qui le sont moins.

Parmi les réussites, il y a lieu de souligner le travail actif  des organismes spécialisés de l’ONU comme ceux de l’Union Internationale des Télécoms (UIT), de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) ou de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture(FAO).

Depuis sa création, l’UIT a pu accompagner tous les pays dans la maitrise de la gestion du spectre des fréquences et dans la maitrise de l’évolution des télécommunications, jusqu’à l’avènement de la fibre optique, de l’Internet et de la technologie cellulaire.

L’OMS a joué un rôle important dans l’amélioration de la santé au niveau international, en participant d’une manière dynamique à l’élimination de certaines maladies graves.

La FAO, organisation spécialisée du système des Nations unies, elle apporte une aide technique aux pays et particulièrement à ceux en voie de développement en vue de construire  un monde libéré de la faim.

Quant aux limites et aux échecs de l’ONU: On a l’impression que l’ONU, depuis sa création en 1945,  sert  surtout à imposer la suprématie des grandes puissances aux autres qu’à l’atténuer, c’est en quelque sorte un moyen de légitimer les grands de ce monde. Du reste, l’usage du droit de véto le confirme. De 1945 à 2019 ce droit a été utilisé plus de 270 fois en l’occurrence par les grandes puissances et bloquant ainsi des résolutions importantes. D’ailleurs,  le mot démocratie n’est pas cité  dans la charte des Nations Unies.  Il faut noter que le conseil de sécurité de l’ONU peut saisir aussi la Cours Pénal International (CPI) même si certains pays ayant le droit de véto, n’ont pas encore ratifié le statut de Rome créant la CPI.

Souvent l’ONU se trouve court-circuitée par les réunions informelles des G7 ou des G20 qui prennent une part importante dans la gestion de certaines crises internationales. Même certaines  institutions spécialisées de l’ONU sont de plus en plus dépassées par les forums si elles ne s’adaptent aux nouveaux paradigmes organisationnels et technologiques. Ainsi, à titre d’illustration, le forum « Alimentarius » concurrence sérieusement la FAO en matière de normes alimentaires. D’ailleurs,  M. Habib Ghériri dans son livre « les relations internationales » édition LGDJ, affirme que si le « XXème siècle est un siècle de création d’organisations internationales, le XXIème siècle sera celui des groupements et des forums ».

Le Droit de Veto qui donne des pouvoirs absolus aux 5 membres permanents du Conseil de Sécurité est en flagrante contradiction avec le principe de l’égalité de tous les Etats membres, inscrite dans la charte. Ce droit est utilisé par les cinq pays permanents sans que ce terme soit clairement défini dans la charte de l’ONU. Certes on évoque aux articles 27, 108 et 109 de la charte de l’ONU l’accord à la majorité des cinq membres permanents pour toute décision mais on ne définit pas le mot véto.

En dépit de l’existence de ce conseil, ces grands pays  passent souvent à l’action au mépris des dispositions de la charte de l’ONU.

Aujourd’hui, et plus précisément depuis la fin de la guerre froide, nous ne sommes plus dans une configuration où l’ennemi est bien connu, mais dans un conflit « sans identité », où l’ONU semble incapable de négocier une paix avec une entité organisée non étatique. Pire encore, même dans le cas où le conflit est identifié,  l’ONU ne dispose pas d’un corps d’armée propre permanent et la mobilisation des soldats des autres pays pour ses missions semble obéir à un processus lent. Souvent la décision d’envoyer des « casques bleus » vers une région de tension dépend des intérêts et de la volonté des grandes puissances siégeant au conseil de sécurité. Il s’avère donc nécessaire pour  gagner en crédibilité de la part de la communauté internationale, que l’ONU repense son mode d’action et entreprenne des réformes structurelles pour réussir ses missions. Aujourd’hui aussi l’ONU semble incapable de gérer les conflits se produisant dans le cyberespace ou d’intervenir dans le cas où il est fait usage des drones !

Dans ce cadre, certains prônent une réforme en profondeur de l’ONU afin d’en faire un véritable instrument au service de la paix. Cette réforme s’imposerait selon eux car cette organisation est vieille de presque 70 ans. La plupart des pays membres actuellement,  n’existaient pas à l’époque et les générations ayant vécu la création de cette organisation ne sont plus de ce monde. En plus, à l’époque la plupart des préoccupations planétaires d’aujourd’hui n’existaient pas, comme les effets de la pollution de la nature,  la spéculation financière, ou encore les cyberattaques sur internet. L’ONU ne peut pas aussi passer sous silence les enjeux de la 5G ou ceux de l’intelligence artificielle.

La plupart des réformes proposées officiellement visent plutôt à renforcer l’efficacité opérationnelle de l’ONU et à élargir le Conseil de sécurité à six nouveaux membres permanents, comme la RFA, le Japon, l’Inde, le Brésil, un pays arabe et un pays africain. L’Allemagne et le Japon, en raison de leurs poids technologiques et économiques. L’Inde et le Brésil au nom de leurs tailles démographique et géographique et de leur influence grandissante. Les deux autres pour tenir compte  du fait qu’ils constituent un marché et une source de matières premières. Ces réformes visent aussi à mieux appréhender le droit de veto. Mais la plupart de ces projets de réformes n’ont pour objectif que de créer un cadre qui permettrait  à tous les pays de coopérer pacifiquement dans un monde caractérisé par des rivalités d’intérêts. En effet, les relations établies sur le terrain économique ne contribuent pas à l’entente mais à l’effet inverse. Notons, par ailleurs, que la vraie crise de l’ONU réside dans l’esprit de supériorité que manifestent certains de ses membres et non pas dans l’organisation de son travail. Quant à la CPI, toutes les procédures en cours ne concernent que notre continent Afrique alors qu’il n y a aucune concernant les autres continents!

Pour un autre courant de pensée, la paix de l’humanité ne réside pas uniquement dans la réforme de l’ONU mais dans une révolution des mentalités. En effet pour cette catégorie de penseurs, la fatalité suicidaire de l’humanité semble résider dans la crise de l’intelligence humaine et non dans le droit. D’ailleurs,  l’Acte constitutif de L’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (‘UNESCO) de 1946 précise bien que « Les guerres prenant naissance dans l’esprit des hommes, c’est dans l’esprit des hommes que doivent être élevées les défenses de la paix ». Pour mémoire rappelons que l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science (UNESCO), est une institution spécialisée de  l’ONU créée en 1945.  Elle utilise la savoir et la culture pour contribuer à la paix dans le monde.

Ainsi tout semble lié et bien lié. A titre d’exemple, on ne peut point remédier aux guerres et aux problèmes de pollution de l’écosystème sans une culture de qualité. En dépit de l’existence de la SDN de son époque et de l’ONU, le XXème siècle  a été marqué par deux guerres mondiales, l’émergence de guerres comme celle du Golf et l’apparition de phénomènes nouveaux comme l’emploi de la terreur à des fins politiques. Aussi, faut-il garder à l’esprit que l’un des plus grands drames de l’ONU est le non règlement du conflit palestinien en dépit des différentes résolutions adoptées.

Le manque d’indépendance entre justice internationale et la politique amène parfois les grandes puissances à désigner, au niveau de la plupart des organes de l’ONU, des représentants ayant de fortes affinités politiques avec les pouvoirs en place, dans leurs pays, afin de gérer le court terme politique aux dépens de la justice internationale.

  • Pour cette catégorie de penseurs, il est même dangereux de renforcer le pouvoir de l’ONU, comme le préconisait Hans Kelsen dans son livre «  théorie pure du droit » Paris LGDJ, où il proposait un gouvernement mondial unique confié à l’ONU. Pour cette catégorie de penseurs, il y a un grand risque de voir la conception des droits de l’homme, à partir des procédures consensuelles à l’ONU. Ainsi, au terme de ces procédures n’importe quoi sera présenté comme nouveau droit. Tout le monde doit se plier au droit international défini par ceux qui ont la suprématie du moment. Qui sait, demain un homme politique serait traduit devant la CPI pour avoir donné son avis personnel sur un sujet de société. Ainsi, on va constater de plus en plus que les lois nationales ne sont plus valables que si elles sont conformes au droit international. D’autant plus que le traité est définie par la convention de vienne de 1969 comme étant « un accord international conclu par écrit par les Etats et régi par le droit international ». La supériorité du traité sur le droit interne est reconnue par ladite convention et cette primauté du traité sur la loi apparaît également au niveau des lois sectorielles, comme celles relatives aux télécoms et de leurs décrets d’application.

L’analyse du travail effectué par l’ONU depuis 1945,  nous amène à exprimer de profondes convictions quant à l’urgence et à la nécessité de réformer cette organisation suivant de nouveaux critères de neutralité, d’impartialité et de sincérité en tenant compte des nouveaux défis comme ceux en relation avec le numérique, la migration et la lutte contre la pollution de l’écosystème.

Si on veut éviter des guerres ou une instabilité mondiale, cette voie salvatrice pour l’humanité est tout à fait faisable si la volonté politique de la communauté internationale existe vraiment. Face aux impasses qui existait en son temps, Albert Einstein aimait répéter «  Si nous ne changeons pas notre façon de penser nous ne serons pas capables de résoudre les problèmes que nous créons avec nos modes actuels de pensée ».

(*)Ahmed Khaouja :

est un ingénieur Télécom de l’Ecole Nationale Supérieure des Télécom de Paris et diplômé du cycle supérieur de gestion de l’Institut Supérieure du Commerce et de  l’Administration des Entreprises de Casa.  Ex président de la réunion des experts télécoms d’Afrique du Nord au sein de la commission économique pour l’Afrique (ONU). Il a participé à plusieurs réunions de l’UIT (ONU) et de l’OMC.

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