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Les câbles sous-marins de 1850 à nos jours.

Les câbles sous-marins de 1850 à nos jours.

Les câbles sous-marins, objet du présent article, ont été utilisés pour la première fois dans la  télégraphie internationale au cours des années 1850. Quant au premier câble sous-marin téléphonique transatlantique, il n’a fonctionné que 90 ans après la mise en service du premier câble sous-marin télégraphique transatlantique. Concernant le premier câble sous-marin transatlantique à base de fibres optiques, il a été  mis en service en 1988 entre les Etats-Unis et l’Europe.

1858_Atlantic_Cable_Map

1-Les câbles sous-marins télégraphiques :

Les premiers essais de câbles transatlantiques télégraphiques ont eu lieu pour la première fois au cours des années 1850. Ils étaient confrontés à de grands problèmes techniques, notamment à leurs poids. Poids du câble, qui pouvait atteindre à l’époque presque 15 tonnes  par km, alors que les câbles actuels qui sont à base de fibre optique pèsent à peine  entre 200 et 250 kg par km selon leurs capacités.  D’ailleurs, le premier câble sous-marin installé en 1857 s’est cassé en mer à une profondeur de 3700 mètres à cause de son poids. Le deuxième essai a été effectué le 29 juillet 1858 avec succès cette fois-ci. Mais ce deuxième câble n’a fonctionné que pendant trois mois.  Il fallait attendre 1866 pour assister à la pose du premier câble sous-marin télégraphique transatlantique qui a duré plus longtemps. Cette première liaison télégraphique sous-marine fructueuse a fonctionné entre l’Irlande et le Canada (Terre-Neuve). Quant au premier câble français transatlantique, il a été posé en 1869. Signalons, au passage, que les câbles sous-marins, ont fonctionné réellement sur de petites distances, bien avant. Parmi ces premiers câbles sous-marins réalisés, on cite celui réalisé en 1851 entre Douvres en Angleterre et Cap Griz-Nez en France, pour accompagner les transactions financières entre les bourses de Londres et d0501ae Paris à l’époque. Il a fallu 60 ans pour voir le tracé du réseau mondial des câbles sous-marins télégraphiques, réseau qui a été achevé vers 1926 avec environ 200.000 km de câbles. Côté Maroc, c’est en 1880 que la compagnie de télégraphe britannique fondée en 1872, « Eastern Telegraph Company », a installé un câble télégraphique pour relier Tanger à Gibraltar, ce qui a constitué la première pose du câble sous-marin reliant l’Afrique à l’Europe. Au Maroc, jusqu’en 1908, Tanger a été la seule ville à être dotée de communications de télégraphie filaire. Trois câbles sous-marins, un anglais, un espagnol et un français permettaient de réaliser ces communications avec le monde entier. En 1913, le réseau télégraphique marocain était bien installé à son tour ! Tous les ports du Maroc étaient reliés.  Le central télégraphique de Casablanca était relié par câble sous-marin avec la France, via Brest, et avec Dakar par le câble sous-marin Casablanca Dakar. La ville d’Oujda contrôlait le trafic télégraphique avec l’Algérie et la Tunisie. Casablanca était aussi reliée à la France, via le câble Oran-Marseille. Par exemple, en 1930 le câble sous-marin Casablanca Brest mis en place en août 1914 permettait d’écouler une grande partie du trafic télégraphique avec la France. Quand ce câble connaissait, occasionnellement, des avaries la station radio de Casa-Médiouna  TSF prenait le relais.

 

2-Les câbles sous-marins téléphoniques:

En dépit de l’exploitation commerciale du téléphone aux États-Unis, dès 1877 et, en France dès 1879, il fallait attendre 1956 pour voir l’apparition du premier câble sous-marin transatlantique.

Ahmed Khaouja en 1980 à l’intérieur d’un bateau de câbles sous-marins de l’ex ministère des PTT France où on voit les machines propulsives des câbles au fond des mers.

Ahmed Khaouja en 1980 à l’intérieur d’un bateau de câbles sous-marins de l’ex ministère des PTT France où on voit les machines propulsives des câbles au fond des mers.

 Si les impulsions morses télégraphiques étaient plus faciles à transmettre à grande distance, la transmission des signaux téléphoniques intelligibles s’est avérée dès le début très difficile. C’est pourquoi, le premier câble sous-marin n’a été inauguré qu’en 1956 soit 90 ans après la mise en service du premier câble sous-marin télégraphique. La communication télégraphique est relativement facile car elle est établie dès la détection des impulsions électriques à l’autre extrémité et quelles que soient la distorsion de ces impulsions et les variations de leur amplitude avec le temps. Par contre, l’intelligibilité de la parole téléphonique nécessite un traitement des signaux judicieux et dépend de la précision avec laquelle sont reproduites les variations de l’amplitude et de la fréquence des sons.

Même si, les plans de réalisation de cette liaison ont été arrêtés dès 1953,  le premier câble téléphonique sous-marin transatlantique le TAT 1 (Transatlantique 1), a été lancé le 25 Septembre 1956.  Ce câble qui avait une capacité de 48 canaux a été conçu pour relier les États-Unis et le Canada au Royaume-Uni, avec des possibilités de servir d’autres pays d’Europe Occidentale. La réalisation du câble sous-marin le plus long et le plus spectaculaire à l’époque était celui reliant l’Afrique du Sud au Portugal en 1960. Les câbles SEA-ME-WE (Asie du Sud-Est – Moyen-Orient – Europe de l’Ouest) sont des câbles sous-marins entre l’Europe et l’Asie.  Le SEA-ME-WE 1 a été posé, en 1986, comme câble coaxial cuivre pour la transmission de signaux téléphoniques analogiques entre l’Europe, le Moyen-Orient et l’Asie du Sud-Est. Il était, à l’époque, le plus long câble téléphonique au monde avec 13.585 km, et le premier câble de ce type à être installé dans l’océan indien.

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Ahmed Khaouja sur le pont d’un bateau de câbles sous-marins (PTT France) à La Seyne-sur-Mer, à Toulon en France, en 1980.

Au passage signalons que les communications téléphoniques internationales étaient déjà possibles par la radio à travers l’atlantique depuis 1927 grâce à la liaison entre Rugy (Angleterre) et Rocky Point (Etats-Unis). Le Maroc a été relié à la France par un premier câble sous-marin téléphonique analogique en 1966. Ce Câble sous-marin reliait Tétouan à Canet en France avec une capacité de 96 circuits.

Le premier système transatlantique télécoms à fibres optiques TAT 8 a été mis en service en 1988 entre les Etats-Unis, la France et la Grande Bretagne. Il offrait une capacité de 7860 circuits, supérieure à celle de ses prédécesseurs câbles analogiques les TAT 6 et TAT 7 réunis (6.000 circuits). Avec l’arrivée de la fibre optique dans les câbles sous-marins, des progrès  de capacité de transmission ont été fulgurants et ces fibres ont contribué à atténuer grandement l’effet « très longue distance », donc une baisse des prix des communications à l’international : données et voix. Selon M. Mohsen Khalil expert de la banque mondiale, le coût unitaire d’un circuit sur la fibre optique a diminué de 70% entre 1980 et 1990. Et selon OFS leader de la fibre aux USA,  le coût de la fibre brute a diminué d’environ 95% depuis les années 1980 jusqu’à nos jours et les techniques de son installation se sont beaucoup améliorées.

Après le TAT 8 qui permettait  40 000 communications téléphoniques simultanées, il y a eu au cours des années 90, le TAT 12 et le TAT 13 qui eux permettaient les nouvelles liaisons Internet. Et au cours des années 2000 on a mis en place le TAT 14, 64 fois plus performant que les précédents, qui a permis 8 millions de communications simultanées de type multimédia. Le SEA-ME-WE 2, câble de fibre optique le plus long du monde à 18.337 kilomètres, mis en service en 1994, reliait 14 pays et trois continents. Son installation avait commencé dès 1988. Le SEA-ME-WE 5 conçu en technologie très haut débit 100 Gb/s, combinée au multiplexage en longueur d’ondes (WDM), le SEA-ME-WE 5 offre une capacité de transmission de 24 Tbps sur 3 paires de fibres. Il complète le câble sous-marin déjà existant le SEA-ME-WE4. L’achèvement du SEA-ME-WE 5 a été effectué en 2016. Le groupe Orange France est associé à tous ces projets et à d’autres encore comme à l’installation du câble ACE (Africa Coast to Europe), qui part de la France et longe toute la côte ouest de l’Afrique pour arriver à terme jusqu’ en Afrique du Sud.

Le Premier câble à fibres optiques dénommé «Eurafrica», utilisant la technologie dite (Plesiochronous Digital Hierarchy ou PDH) reliant le Maroc au Portugal et à la France a été inauguré en 1992. Et  en 1994, on a mis en service le câble sous-marin à fibres optiques utilisant la technique (Synchronous Digital Hierarchy ou SDH) entre le Maroc (Tétouan) et l’Espagne (Estepona). En 1999 on a réalisé l’interconnexion du Maroc au niveau de Tétouan par le biais d’une station sous-marine à 33 autres pays grâce au câble numérique à fibres optiques SEA.ME.WE3. Câble international avec une longueur  au total de 39.000 kilomètres et avec une capacité de 20 Gb/s soit 30.240 circuits.

3-Les câbles sous-marins incontournables pour nos échanges sur Internet : 

Cela paraît incroyable et portant cela reflète la réalité : les 430 câbles sous-marins en fibre optique, installés dans les fonds des différentes mers,  transportent  99% du trafic international alors que la majorité des usagers pensent que ce trafic passe par les satellites ! L’importance stratégique de ces câbles sous-marins pousse certains géants de l’internet à s’y intéresser aussi. Par exemple, Google a investi dans Faster, un câble de 12.000 km qui relie la côte Ouest des États-Unis au Japon et qui a été mis en service en 2016. En septembre 2017, est entrée en service le câble sous-marin en fibre optique de 6.400 km appelé « Marea », de Microsoft et Facebook reliant les Datacenter de Virginia Beach aux États-Unis à ceux de Bilbao en Espagne avec une puissance de 160 térabits (10 à la puissance 12 bits par secondes).

Dr Robert Pepper, Ex FCC aux USA, actuellement responsable de la connectivité mondiale chez Facebook avec Ahmed Khaouja Directeur de PTT Maroc lors d’une récente réunion.

Dr Robert Pepper, Ex FCC aux USA, actuellement responsable de la connectivité mondiale chez Facebook avec Ahmed Khaouja Directeur de PTT Maroc lors d’une récente réunion.

 Actuellement plus de 430 câbles sous-marins en fibre optique sont en service dans le monde sur un total d’environ 1,3 millions de km, ce qui représente plus de 32 fois le tour de notre planète terre ! Leurs  capacités en débit se chiffrent en plusieurs dizaine de Térabits/s ! En 1992 les câbles sous-marins ont transporté 100 Go par jour. En 2002, 100 Go par seconde et en 2016 plus de 26.600 Go par seconde. Depuis 2016 jusqu’à 2018, ce trafic internet a crû de 35% annuellement !

Les dernières générations de câbles en fibre optique permettent entre autres une amélioration des latences. Selon M. Abdelouahid Aissa ingénieur télécom et expert en la matière, une communication depuis les Etats-Unis vers la Chine dure actuellement seulement 120 millisecondes. La réduction du délai d’une nanoseconde sur les communications entre les bourses mondiales peut avoir comme conséquence des millions de dollars de gains pour les acteurs en bourses! A titre d’illustration, la réalisation du câble sous-marin par Hibernia Network en septembre 2015, reliant le Canada, l’Irlande et la Grande Bretagne a fait gagner, cinq millisecondes de rapidité au Trading Haute Fréquence (THF) entre les Bourses de Londres et de New York. Ce câble en fibre optique est considéré comme le plus performant en matière de latence.

L’amélioration de la latence et la réduction du temps d’échange d’informations est aussi un objectif fixé aux câbles sous-marins et aux autres réseaux comme celui de la 4G (LTE) et de la 5G!

Quand on analyse l’évolution des câbles sous-marins et les divers risques liés de 1850 jusqu’à nos jours,  on ne peut que rendre un vibrant hommage aux scientifiques, ingénieurs, techniciens, gestionnaires, juristes, financiers et hommes d’affaires, pour les efforts louables qu´ils ont déployés et particulièrement durant les périodes pleines d´incertitudes et de conflits pour la construction de ces réseaux de câbles sous-marins. Efforts qu’on continuera à déployer pour assurer la connectivité universelle et planétaire, en dépit des divers risques. Risques, qui selon M. David Rogerson, expert de l’UIT, poussent les opérateurs télécoms et les acteurs concernés à une fixation d’une rémunération du capital (Weighted Average Cost of Capital ou WACC) plus de deux fois supérieure à celle appliquée aux câbles terrestres par exemple.

La recherche et l’innovation n’ayant pas de limites, les télécommunications s’ouvriront certainement dans le futur à de nouveaux horizons inattendus, car comme disait René Guenon, philosophe français au début du XXème  «Personne ne peut arrêter le progrès ! ».

Ahmed Khaouja, Ingénieur Télécom. Ex Fonctionnaire du Ministère des PTT Maroc. Ex Employé de l’ONPT Maroc. Ex Employé de l’ANRT Maroc. Actuellement Directeur de PTT Maroc et Expert de l’UIT.

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